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5 mars 2015 4 05 /03 /mars /2015 05:55

Sherlock Holmes apparaît plutôt désœuvré en ce froid hiver, début 1895. Avec le Docteur Watson, ils reçoivent la visite de George Bernard Shaw. Il a l'air d'un lutin malicieux, cet Irlandais désargenté, qui n'a pas encore connu de vraie consécration. Il vient apprendre à Sherlock Holmes que son confrère critique théâtral Jonathan MacCarthy a été poignardé à mort. Bénévolement, le grand détective accepte d'enquêter sur cette prometteuse affaire. Dans l'appartement de la victime, Holmes et Watson croisent l'inspecteur Lestrade. Celui-ci récapitule volontiers l'enchaînement des faits. MacCarthy semble avoir laissé un indice, ouvrant un exemplaire de “Roméo et Juliette” à une page précise. Pour Sherlock Holmes, ce peut être une hypothèse trompeuse. Il a une seconde piste, un cigare laissé là par le tueur. Il vérifie qu'il s'agit bien d'un tabac au goût très fort, non importé en Angleterre.

Jonathan MacCarthy avait rendez-vous la veille avec quelqu'un qu'il surnomma Bunhorne. En réalité, il s'agit du célèbre Oscar Wilde en personne. Holmes et Watson le rencontrent, alors qu'il donne une de ces fêtes dont il a le secret. Wilde leur révèle que MacCarthy était un maître chanteur, dont il a su éviter la menace. Il serait facile au grand détective de suspecter aussi bien George Bernard Shaw qu'Oscar Wilde, mais il sent l'affaire bien plus compliquée. Le duo d'enquêteur se rend ensuite au théâtre Savoy, dirigé d'une poigne de fer par William Gilbert, auteur de pièces avec le compositeur sir Arthur Sullivan. Ils sont venus voir la choriste Jessie Rutland, la supposée amante de MacCarthy. Elle vient d'avoir la gorge tranchée dans sa loge. Sherlock Holmes obtient vite une autre piste. Un certain Jack Point aurait été le véritable amant de Jessie Rutland.

Après que Watson et Sherlock Holmes aient été chacun agressé de son côté, ils reçoivent un courrier anonyme leur demandant de ne plus fréquenter le Strand et ses théâtres. Ce qui ne les empêche pas d'aller au Lyceum, afin d'y interroger sir Arthur Sullivan. C'est à cette occasion que le duo croise l'actrice Ellen Terry et un certain Bram Stoker (qui n'a pas encore publié “Dracula”). Selon Sullivan, confident de Jessie Rutland, elle avait en effet un autre amant. Le Docteur Watson se demande s'il ne s'agirait pas de ce Bram Stoker, qui possède un logement secret dans Londres. Tandis qu'Oscar Wilde commence à avoir de sérieux ennuis avec la justice, l'inspecteur Lestrade vient d'arrêter son coupable. Il s'agit d'un Indien, issu des colonies britanniques. Quand le duo lui pose des questions, celui-ci admet avoir été ami avec Jessie Rutland. C'est alors que le médecin légiste disparaît avec les corps de MacCarthy et de la jeune femme…

Nicholas Meyer : L'horreur du West End (Archipoche, 2015)

Après “La solution à 7 %”, Nicholas Meyer écrivit ce deuxième pastiche des aventures de Sherlock Holmes. Il ne chercha pas à parodier l'œuvre de Conan Doyle, mais à offrir de nouveaux épisodes à la saga holmésienne. Watson et Holmes correspondent au modèle, vu par leur créateur. Ce deuxième opus est encore plus séduisant que le premier. Sans doute parce qu'il se place dans le Londres flamboyant de la fin du 19e siècle. Pour la haute société de l'époque, catégorie sociale qui ignore tout du bas peuple, le divertissement est omniprésent, à travers les spectacles théâtraux qui foisonnent dans la capitale anglaise.

Des auteurs tels que Gilbert et Sullivan sont vénérés par les mondains. Si George Bernard Shaw et Bram Stoker sont provisoirement méconnus, ils vont connaître bientôt une gloire méritée. Quant au génie d'Oscar Wilde, roi de la provocation, il fait des jaloux. Aussi, ce sera pour une sombre affaire de mœurs qu'on va honteusement détruire sa réputation. Sherlock Holmes est au sommet de sa notoriété, également, lui qui a déjà su démêler quelques énigmatiques crimes, des dossiers si bien relaté par l'indispensable Watson. Dans les théâtres ou les restaurants, autant qu'au 221b Baker Street, Nicholas Meyer restitue à merveille cette ambiance pleine de panache. Le dénouement de l'intrigue proprement dite se réfère à des explications fort plausibles pour ce temps-là. Une enquête de Sherlock Holmes parmi les plus réussies, c'est évident.

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4 mars 2015 3 04 /03 /mars /2015 05:55
Stéphane Heurteau : Over (Éd.Locus Solus, 2015)

Quelques années plus tôt, à Bordeaux, Jack Quervellat était un flic de choc, depuis près de deux décennies. Il vivait à Talence avec son épouse Sylvie et leur fille de huit ans, Rachel. Son métier vampirisait sa vie. Il utilisait souvent des méthodes violentes, brutalisant des suspects à coups de batte de base-ball. Son supérieur Philippe Nayrat avait de plus en plus de mal à couvrir ses dérapages. Par ailleurs, il était devenu l'amant de la journaliste Florence. Elle était mariée à un vendeur de vins, peut-être proche de la mafia bordelaise. Après la passion, elle finit par ne plus vouloir poursuivre ses amours avec Jack. Ce qui ruina le moral du flic. Fatalement, il commet la bavure de trop. On le met sur la touche. Un soir, où il passe chez Sylvie, il découvre sa femme et sa fille assassinées.

Après avoir été lui-même agressé, une longue convalescence est nécessaire à Jack. Il met le cap sur l'Île d'Ouessant, où personne ne le connaît. À cause de cicatrices disgracieuses, il s'est fabriqué un visage et une allure différents. Avec son chat borgne Raspoutine, Jack retrouve un rythme de vie plus équilibré. Non sans maux de têtes, qu'un magnétiseur du coin essaie de calmer. Jack passe huit mois sur Ouessant, avant de s'installer au Conquet, sur le continent. Il n'y fréquente pas grand monde, à part le facteur Gilles, et sa logeuse, l'aimable Mme Deniaud. Il lui arrive de jouer aux cartes avec le couple habitant la maison d'en face, Patrick et Lætitia Longuet. Ils vivent au Conquet depuis cinq ans. Lui est employé dans une banque brestoise, elle est secrétaire dans un cabinet médical.

Ce soir-là, Jack est persuadé d'avoir vu Lætitia Longuet tirer sur son mari Patrick. Ça le surprend peu, car le gentil couple en apparence ne s'entendait pas si bien. Il trouve un prétexte pour approcher de chez les Longuet. Bien qu'enroué, Patrick Longuet apparaît en vie. Quelques jours plus tard, le couple fera même du bateau sur leur voilier. Intrigué, Jack n'a aucune envie de raconter ce qu'il soupçonne à d'anciens collègues policiers. Il mène sa petite enquête, à la banque du mari, et auprès de son copain facteur. Quand même, on peut s'interroger sur le fait que Patrick Longuet ait quitté son emploi, pour cause de maladie. Et que le couple soit prêt à déménager. Jack aura recours à ses vieilles méthodes pour comprendre la vérité. Mais qu'est-ce que la vérité ?…

Stéphane Heurteau : Over (Éd.Locus Solus, 2015)

Stéphane Heurteau s'est imposé au fil des albums comme un auteur et dessinateur de très bon niveau. Il a été récompensé par plusieurs prix, notamment au festival polar de Cognac, en particulier comme scénariste de la série Fanch Karadec (dessins de Corbet, aux éditions Vagabondages). Son diptyque “Sant-Fieg” (publié chez Coop-Breizh) a connu un très beau succès aussi, avec quelques récompenses méritées. C'est chez Locus Solus, petit éditeur actif, que sort ce nouvel album en noir et blanc, “Over”. Un roman graphique à la tonalité plus noire que blanche, à vrai dire.

Car l'existence de son personnage central a été pour le moins chargée. Heurteau ne fait pas de cadeau à Jack Quervellat, montrant les plus sombres facettes de sa première vie. Sous le ciel finistérien, après des épreuves marquantes et des tourments pas tous effacés, il semble un peu plus apaisé. Le voilà involontairement mêlé à une curieuse affaire, qu'il a peut-être imaginée. Tout ça peut lui ouvrir une porte, vers une renaissance bienvenue. À moins que l'épilogue s'avère moins positif. Le scénario, avec un retour sur le passé du héros, est très habilement construit. Notons que les dernières pages nous offrent en cahier bonus les essais graphiques testés par l'auteur. Une authentique bédé-polar dotée d'une ambiance convaincante, très réussie, pour tous les amateurs de suspense !

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3 mars 2015 2 03 /03 /mars /2015 05:55

On l'a collé pour vingt ans en prison. C'est mérité, puisqu'il a effectivement poignardé Julian McBridge. Si on n'avait pas asséché l'étang où il avait jeté le cadavre, il serait passé entre les mailles du filet. Pas de chance, mais vaut mieux qu'il le prenne comme ça vient. Détenu modèle, pour espérer une remise de peine bien relative ? Il accepte de peindre des jouets en bois, à l'atelier de la prison. C'est joli, et ça occupe. Par ailleurs, il a des séances avec un psy. Ça donne une image rédemptrice, sans doute. Sauf qu'il invente un tas de trucs bidons à raconter au psy. De quelle famille lui parlerait-il, vu qu'il n'en a jamais eu aucune ? Et puis, il y a Whitney Harrison, la brave visiteuse de prison. C'est elle qui lui met en tête des projets d'évasion, qui lui fait parvenir un Glock17. De quoi devenir un peu plus agressif envers les gardiens, quand on possède un pareil joujou.

Et puis, c'est le miracle inattendu. À l'autopsie du corps de McBridge, on s'aperçoit “que c'était une balle du fusil d'Iggy, mon meilleur pote, qui avait tué, pas mon coup de couteau. Il s'était dénoncé sans qu'on lui demande...” Et Iggy s'est suicidé en cellule trois jours plus tard. Le voilà donc libre, sans trop de fric, mais il réussit à en gagner un peu afin de retourner chez lui. Il retrouve sa maison dégradée, envahie par les rats. Il dispose de temps pour nettoyer et retaper tout ça. Il contacte aussi deux filles qui étaient copines avec Iggy, Rose et Emilou. S'il a vaguement fantasmé sur le cul parfait de Mary, joueuse de badminton, ils pourraient former un petit couple avec Rose. Un problème a régler, quand même : le cadavre de Brett Lindegren, qu'il a trouvé enterré dans son jardin. Ce notable est certainement une autre victime de son pote Iggy. Il faut s'en débarrasser.

Sa sexualité plutôt en berne est requinquée par la belle Beth. Mais voilà qu'un quatuor de tordus vient lui réclamer le butin d'un casse qu'ils ont accompli avec Iggy. Il ignore tout, se doutant bien que ces gugusses reviendront à la charge. En réalité, le fric était planqué dans le bateau qu'il a vendu à celui qu'il surnomme Big Jim. Ensemble, ils immergent le butin dans le lac d'à côté de chez Big Jim. Cet inconnu en Harley portant une toque à la Davy Crocket, qui rôdait dans le coin, c'est Pete, le frère d'Iggy. Il vit peinard avec la jolie Liza et leur bébé. Pete lui raconte les circonstances exactes de la mort de McBridge, dont il fut le témoin.

Beth a été agressée avec violence par les quatre complices, qui s'attaquent de nouveau à lui. Intervient un rouquin, qui était gardien à la prison, un nommé Bob, ami de Whitney Harrison. Ils vont lui offrir un refuge avec eux dans une caravane déglinguée. Est-ce que tout peut vraiment rentrer dans l'ordre, afin qu'il passe des soirées tranquilles au club des environs, entouré de Big Jim, Beth (qui s'est rétablie), Peter, et Rose ? Ce serait surprenant. Certes, les complices d'Iggy sont éliminés petit à petit. S'il apprend la vérité sur McBridge et Lindegren, qui furent quand même de vrais salopards, il n'est pas encore arrivé au bout de son chemin semé d'embûches…

Jacques Bablon : Trait bleu (Éd.Jigal, 2015)

Si Jacques Bablon avait étiré la même histoire sur quatre cent pages, au lieu de cent-cinquante, il n'aurait pas obtenu l'effet recherché. Car il s'agit ici d'un roman d'action qui mise sur la vitesse, sur un tempo vif, sur un rythme soutenu. L'identité du héros narrateur, on s'en fiche. C'est un de ces types largués qui pullulent, en Amérique ou ailleurs dans le monde. Un gars fataliste, puisque la vie ne lui a jamais fait de cadeau, et qu'il faut bien s'accommoder d'une existence chaotique. Il va prendre des coups ? C'est dans l'ordre des choses. Pas grand monde de fiable, parmi les personnes qu'il croise après sa sortie de prison ? Considérant sa marginalité, c'est également normal.

L'auteur utilise une tonalité narrative imagée carrément séduisante : “Pete était mal luné, ou tout comme. Il est resté sans voix quand il m'a vu dans mon cadre de vie. Ça faisait penser à l'enfer. Pas que le feu ou ma balafre sanguinolente. Caravane bouffée par la rouille entourée de buissons d'épines, cochon noir au milieu d'un champ de boue et de merde, et cerise sur le gâteau, John-Fitzgerald le zombi. Un choc quand on le voyait pour la première fois…” Dans la grande tradition du noir polar, le récit est percutant. C'est le plus bel atout de ce suspense mouvementé, digne de déjà figurer parmi les meilleurs suspenses de l'année.

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2 mars 2015 1 02 /03 /mars /2015 05:55

Issue d'une lignée de flics, âgée de quarante ans, Kate Donovan est lieutenant de police à New York. Dix-huit ans plus tôt, elle décida d'intégrer le NYPD quand son père Henry fut assassiné par Monte Leborne, pour le compte d'un caïd mafieux. Habitant la 67e rue dans l'Upper West Side, Kat fréquente beaucoup Central Park. Son ami Aqua, un marginal noir qu'elle connaît depuis l'époque de leurs études, y donne en plein air des cours de yoga que Kat suit avec sa copine Stacy. Côté boulot, elle ne s'entend pas trop avec son collègue Chaz, jouant au séducteur cynique. Son supérieur Thomas Stagger fut l'ultime partenaire flic de son père. Malgré le temps passé, on doit toujours s'interroger sur la version donnée par Monte Leborne, aujourd'hui mourant en prison. Lors d'une dernière visite, Kat le fait parler sous médicaments. Il prétend finalement n'avoir pas tué Henry Donovan.

Stacy a inscrit la célibataire Kat sur un site internet de rencontres. Pas très excitant pour la jeune femme, jusqu'à ce qu'elle remarque la photo d'un postulant. C'est le portrait de Jeff Raynes, qui fut son petit ami près de vingt ans plus tôt avant de disparaître de sa vie. Kat essaie de nouer un contact. Jeff ne semble pas la reconnaître, ce qui est surprenant. Quand ils établissent un dialogue, ça reste assez conventionnel, et il est clair que Jeff ne tient pas à donner suite. Décevant, pour Kat. Elle glane çà et là quelques infos sur Jeff. Aqua l'aurait aperçu voilà quelques mois dans Central Park. En fait, Jeff aurait changé d'identité, exerçant le métier de journaliste sous le nom de Ron Kochman. Veuf et père d'une fille, est-il possible qu'il utilise Internet pour trouver une nouvelle compagne ? Et qu'il refuse le passé, en la personne de Kat ?

Après avoir vainement alerté la police de Greenwich, le jeune Brandon Phelps contacte Kat pour une affaire troublante. Sa mère, la très séduisante et aisée Dana Phelps, est partie en voyage avec un nouveau compagnon. Son fils ne réussit plus à entrer en contact avec elle. On ne peut sans doute pas totalement faire confiance aux affirmations de Brandon, ce que confirme le policier Schwartz, de Greenwich. Certes, Dana Phelps apparaît sur une récente vidéo de surveillance, mais probablement faut-il décrypter ces images. Quant aux textos qu'elle a envoyés à son fils, ils sonnent faux. Alors que Kat Donovan est priée par sa hiérarchie de prendre des vacances, Brandon s'interroge sur des sommes conséquentes peut-être détournées sur les comptes de Dana.

Le jeune homme est bientôt agressé avec violence dans Central Park. On ne tarde pas à arrêter le coupable de l'agression, qui n'est autre qu'Aqua. Il aurait fait ça pour protéger Kat ? Vérification faite, les opérations dans les comptes de Dana Phelps ne semblent pas illégales. La mère voulait juste que son fils n'en soit pas informé, paraît-il. Kat se pose toujours des questions sur le comportement de Stagger au lendemain du meurtre de son père. Pendant ce temps, dans le plus grand secret, un certain Titus et sa bande occupent une ferme isolée où l'on prend plaisir à maltraiter des gens…

- Disponible dès le 5 mars 2015 -

Harlan Coben : Tu me manques (Éd.Belfond Noir, 2015)

Soyons francs, Harlan Coben n'a certainement pas besoin des appréciations de critiques ou de chroniqueurs : il possède déjà un large public, en France comme partout à travers le monde. Ce qui est logique, car lectrices et lecteurs sont assurés de trouver des intrigues solides dans les livres de ce romancier. Une narration simple et fluide permet de suivre les péripéties au gré de la construction de l'histoire. Là encore, on note une belle habileté de l'auteur. Dans ce nouvel opus, il cultive trois "lignes énigmatiques" : la mort du père de la policière, les questions autour de l'ex-petit ami Jeff, et la disparition de la mère de Brandon. Ces trois points à éclaircir s'entre-mêlent dans le quotidien de Kat Donovan.

Si Harlan Coben situe son intrigue à New York, ça ne doit rien au hasard. Tout le monde peut imaginer les rues de cette ville hors normes, de même que Central Park nous est assez familier. L'activité au sein du NYPD fait également partie de références coutumières, transmises par les séries-télé. Une poignée de personnages annexes, tels le singulier Aqua ou l'ex-policier Suggs, donnent aussi leur part de piment au récit. L'histoire se terminera-t-elle comme un conte de fée (selon le vœu de la copine Stacy) ? Rien n'est moins sûr. En tout cas, Kat Donovan va devoir traverser quelques épreuves avant le dénouement. Une fois de plus, Harlan Coben nous présente un suspense très réussi, captivant à souhaits.

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1 mars 2015 7 01 /03 /mars /2015 05:55

Âgé de trente-cinq ans, Tony Perdudo est un célibataire napolitain myope. Son principal métier est journaliste, mais il arrondit ses fins de mois en bricolant pour un site Internet, et en donnant des cours au petit Carletto. Sa meilleure amie Marinella est docteur dans une polyclinique de la ville. Si les amours de la jeune femme manquent d'équilibre, Tony reste un copain fidèle. Parmi les casse-pieds l'entourant, il y a la mère du journaliste, ainsi que son rédacteur en chef, ne lui ayant jamais rien confié d'intéressant depuis dix-sept ans qu'il exerce ce métier. Tout ça peut expliquer les insomnies de Tony, qui se retrouve souvent tôt le matin à se balader dans les rues des quartiers espagnols de Naples.

C'est ainsi que ce 21 juin, à cinq heures moins le quart, via Speranzella, Tony découvre le cadavre d'un ours. Entre la foule et les carabiniers, ça ne tarde pas à créer de l'animation dans cette rue. Les pompiers vont bientôt enlever cet animal mort. Ce qui doit clore le problème pour l'adjudant Fallone, que Tony connaît bien. Le rédac-chef veut un véritable scoop, mieux que les photos circulant déjà sur le web. Selon les vieux voisins sollicités par Tony, ce peut être un ours échappé du zoo désormais fermé. Pourtant, ce zoo est assez éloigné d'ici. Marinella va beaucoup aider son copain Tony : on a décelé trois impacts de pistolet sur le cadavre du vieil ours de type marsicain. Ayant de son côté retrouvé des douilles via Speranzella, Tony écrit son article qui va passer à la "une".

Compte-tenu des révélations du journaliste, l'adjudant Fallone doit lancer une enquête, sous la direction de la procureur Cristina Principe. Dès le départ, la juge est convaincue de sa propre hypothèse : c'est forcément un avertissement entre clans rivaux de la Camorra. Via Speranzella, une commerçante relance l'idée du zoo. Ce qui incite Tony à tenter une visite clandestine dans l'ancien parc. Très rapidement repéré, il est tabassé par des sbires expérimentés, avant d'être interrogé par les propriétaires du zoo. Il s'en sort en jouant au naïf. Son journal lui demande un article sur la "smorfia", loterie traditionnelle de quartier, un truc bien folklorique mais qui ne fera sûrement pas avancer l'affaire.

En présence du médecin légiste, la conférence de presse de la procureur Cristina Principe n'a d'autre but que de classer l'affaire. L'autopsie n'apporte pas d'élément nouveau. Et la thèse de la juge concernant la Camorra semble confortée par le fait qu'un des mafieux impliqués fut surnommé l'Ours, étant enfant. Explication plutôt boiteuse, selon Tony. Puisqu'on tient à fermer le dossier, il se consacre à son élève, Carletto. Ce dernier écrit une rédaction étonnamment bien rédigée, qui produit un déclic chez le journaliste. Il y est question d'un cirque où personne n'est vraiment joyeux, celui de Renato Orfeo. Or, celui-ci ressemble beaucoup à un des hommes que Tony a aperçus durant sa visite au zoo.

Le directeur du cirque recommande au journaliste de se mêler de ses oignons. D'ailleurs, on le lui fera comprendre en incendiant son scooter. Voilà quelques temps que Tony a remarqué par ici une énigmatique jeune fille brune en jeans et aux yeux bleus. Il se renseigne sur cette Tiziana Martino, dont l'aïeul fut un caïd apprécié dans le quartier. Après un article de commande sur les cafards qui pullulent en cette saison, Tony va explorer les dessous de Naples. Ce qui n'est pas sans danger pour lui…

Antonio Menna : L'étrange histoire de l'ours brun abattu dans les quartiers espagnols de Naples (Ed.Liana Levi, 2015) — Coup de cœur

Cette comédie à suspense renoue avec la meilleure tradition du polar. D'abord, il s'agit d'un roman parfaitement bien construit. Un mystère singulier, l'apparition d'un ours en pleine ville, conduit à plusieurs pistes plausibles. Bien sûr, il n'est pas question de croire une seconde à l'hypothèse de la Camorra. Et l'on verra que la vérité est diablement moins simple, donc beaucoup plus excitante.

Ensuite, nous avons là un "anti-héros" attirant la sympathie. Du moins celle des lecteurs, car il passe pour un homme sans grand relief au sein de son quartier. Tout juste le met-on en garde de ne pas trop chercher de secret dans une ville telle que Naples, mais le bonhomme est obstiné. Sa "partenaire" Marinella joue un rôle non négligeable à ses côtés.

Au final, l'impression générale est extrêmement agréable, car c'est le genre de livre qu'on dévore en douceur. Une histoire riche en bizarreries, dont on a franchement envie de découvrir les péripéties suivantes. D'une certaine façon, c'est également le portrait d'un quartier populaire napolitain, avec ses coutumes et ses habitants. Avec son omerta autant qu'à travers son quotidien. Ce remarquable suspense souriant mérite, à l'évidence, un chaleureux Coup de cœur.

- Disponible dès le 5 mars 2015 -

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28 février 2015 6 28 /02 /février /2015 06:40
Un million de fois “merci”

Je n'ai pas l'œil fixé quotidiennement sur les statistiques de fréquentation d'Action-Suspense. L'essentiel est, pour moi, de partager avec les visiteurs le plaisir de lire des polars. Présenter bon nombre de nouveautés me semblant intéressantes, évoquer des titres plus anciens souvent à redécouvrir, voilà tout ce qui motive l'existence de ce site. La fréquentation mensuelle est stable et plutôt haute, c'est très bien ainsi. Je n'irai pas racoler à travers la blogosphère, pour faire croître les chiffres, pour attirer de nouveaux visiteurs.

Je viens juste de m'apercevoir qu'en cette fin février, le cap du million de “pages vues” venait d'être franchi, 1.001.447 pour être précis. Depuis mi-janvier 2008, près de 645.000 visiteurs ont eu l'amabilité de consulter Action-Suspense, pour y lire une à deux pages (1,55) à chaque passage. Je ne vais pas le cacher : ça me fait très plaisir. Merci à toutes et à tous de cette fidélité, qui me touche beaucoup. Si vous le voulez bien, nous allons essayer de continuer ensemble le plus longtemps possible à défendre la “culture polar”.

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27 février 2015 5 27 /02 /février /2015 05:55

Poplar Bluff est une ville de vingt mille âmes, dans le Missouri. Âgé de trente-quatre ans, le lieutenant Dany Myers est le moins bien intégré de la police locale. Si son père fut flic autrefois ici, lui n'apparaît que tel un parachuté, imposé par sa mère, femme autoritaire. Dany manque autant de caractère que d'ambition. Il est vaguement ami avec Beth, serveuse de bar qu'il connaît depuis l'enfance. Quand le chef de la police Sean Elliot et son épouse sont retrouvés morts chez eux, Dany pourrait viser sa succession. Mais c'est Ben Rooster qui est nommé capitaine par le maire. Selon la version du médecin légiste, la frêle et soumise May Elliot aurait tué et mutilé son mari, avant de se suicider. Explication douteuse aux yeux de Dany, mais que les faits semblent confirmer.

Quelques temps plus tard, c'est la famille Dugan qui est exterminée à son domicile. Le fils David les a tous empoisonnés avec de l'antigel, avant de se donner la mort. Selon le légiste, c'est plausible : l'effet lent de ce poison était souhaité par l'assassin, voulant se venger des siens. Bien que ce soit Dany qui ait établi la vérité, c'est une fois encore Ben Rooster qui en tire bénéfice auprès de la mairie. Cette série de mort se poursuit, avec accident ferroviaire où l'on frôle la catastrophe. Selon des témoins, dont un diacre, il ne peut s'agir que d'un suicide. Dans leur voiture ayant heurté le train, les Jenkins père et fils sont les deux victimes. Même si Ben Rooster n'y croit pas, Dany pense avoir affaire à un troisième cas similaire. À chaque fois, en effet, c'est un policier ou ex-policier qui a été visé par un de ses proches, lequel s'est suicidé dans la foulée.

Dany reste la cible des vexations de Ben Rooster, soutenu par les autres de l'équipe. En fouillant dans les archives, il s'aperçoit qu'aucune enquête sur les dérapages passés des trois flics victimes n'a jamais été menée. Pourtant, leurs comportements étaient loin d'être sains et honnêtes. Dany retrouve les noms d'autres policiers, qui furent en poste au temps de son père. Les morts de deux d'entre eux, Ned Taggert et de Jack Farrow, auraient dû apparaître beaucoup plus suspectes que ce ne fut le cas. Ils ont été victimes de proches, également. De même qu'Alvin Jordan, qui a survécu à une agression par son fils, lequel s'est supprimé à cette occasion. Trop de coïncidences : “Et de six ! Avec la disparition de son père en 1986, pas un seul membre du département de police de cette période n'a été épargné par cette vague vengeresse...”

Le maire Dwight Ackerwood, ami de sa mère, reste hermétique aux hypothèses de Dany. Celui-ci risque fort de perdre son job dans la police. En déplacement à Jefferson City, il consulte des archives concernant Poplar Bluff. Certains cas criminels furent mal traités par les flics, à l'époque de son père. Dany rencontre Alvin Jordan, qui lui confirme que la corruption régnait dans tout le service en ce temps-là. Il lui fait de terribles révélations au sujet de son père. Dany va suivre la piste de Sam Wood, un gamin kidnappé durant cette période, qui eut la chance de s'en sortir…

Claire Favan : Miettes de sang (Éditions du Toucan, 2015)

Claire Favan a été récompensée par le Prix VSD du polar pour son premier titre, “Le tueur intime” (2010). Elle a publié depuis “Le tueur de l'ombre” (2011) et “Apnée noire” (2014), des romans disponibles en format poche. Il s'agit ici de son quatrième roman. Ce qui frappe dès le départ, c'est la fluidité du récit. L'auteur a souhaité donner un vrai tempo à son intrigue. Au centre, Dany Myers est un personnage de solitaire, “protégé” par une mère directive, ne cherchant pas à s'imposer dans la vie. Son portrait est suffisamment nuancé pour éviter le caricatural : il est le candide de l'affaire. Ne sachant rien ou n'ayant rien compris jusqu'à là, il est confronté aux secrets de sa ville natale.

Quand un auteur français raconte une histoire se déroulant aux États-Unis, on peut hésiter à adhérer. Mais, puisque Claire Favan nous présente une petite ville américaine typique, sans chercher à renchérir sur les décors et l'ambiance, on se laisse aisément convaincre. L'essentiel, c'est la ligne de l'intrigue, ce “fil rouge” qui conduit le héros vers la vérité. En sortira-t-il plus fort, sûr de lui ? Le dénouement le dira. Voilà un thriller qui s'inscrit dans la bonne tradition des romans à suspense, se lisant avec un plaisir certain.

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26 février 2015 4 26 /02 /février /2015 05:55

A l’hôpital Lariboisière, un homme-grenouille armé d’un harpon surgit dans une salle d’opération. Il est venu voler une vésicule biliaire, que le jeune chirurgien Benjamin Chopsky a retiré du corps d’un patient pakistanais. Chargé de l’affaire, le policier Cush Dibbeth est un bon copain de Chopsky. Les circonstances dans lesquelles le malade fut opéré peu de temps avant, à Karachi, sont obscures. Il a gardé dans le corps un “bouchon”, qui est analysé : on y trouve un microfilm, un poil de chat, et une poudre – qui s’avérera être de purs bacilles d’anthrax. Autre indice, le patient est tatoué d’un énigmatique signe BM.

Cush Dibbeth contacte des médecins étant intervenus sur des cas assez singuliers. A chaque fois, les patients ayant le même tatouage possédaient à leur insu un petit objet dans le corps. Un nom revient toujours : le docteur Dupont, chirurgien compétent effectuant des missions à l’étranger. Après plusieurs pays arabo-musulmans, on retrouve sa trace à l’hôpital Bouffart de Djibouti, quelques années plus tôt. On sait de lui qu’il aimait les chats abyssins, et qu’il créa le réseau Caméléon. Il s’agissait de faciliter le changement de sexe des transsexuels. Le policier apprend finalement que Dupont mourut dans un accident à Djibouti.

Le lien avec le terrorisme international est évident : sans le savoir, des opérés transportent des messages. Quelqu’un a-t-il pris la suite du défunt Dr Dupont, mêlé à ce trafic ? Ce pourrait être le Dr Verrier, mari d’une collègue médecin de Chopsky. A la Clinique des Lys, Cush Dibbeth découvre de troublants indices. De retour d’un congrès tropical, le couple Verrier est l’objet d’une arrestation mouvementée. Le mari n’avoue rien. Bientôt, la preuve est établie que le couple finançait l’association Caméléon en opérant les Body Mails. Le policier devine la vérité sur Dupont.

Philippe Kleinmann – Sigolène Vinson : Bistouri blues (Ed.Le Masque, Prix du Roman d’Aventure 2007)

Un policier métis d’origine éthiopienne, plieur de cocottes en papiers et autres origamis ; son efficace adjoint ; son ami chirurgien à l’allure particulière, mélomane aimant jazz et classique ; une séduisante infirmière assassinée, qui était née garçon… Des personnages insolites peuplent ce roman d’enquête en milieu médical. Ils apportent une tonalité souriante, bienvenue dans un tel univers. Si l’on comprend vite le rôle des patients, d’autres questions alimentent le suspense. En toile de fond, le terrorisme n’est pas encore visible à cette époque. Riche en investigations et en péripéties, ce "Bistouri blues" est plutôt convaincant. À redécouvrir, à l'occasion de cette réédition.

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Toutes mes chroniques, résumés et commentaires, sont des créations issues de lectures intégrales des romans analysés ici, choisis librement, sans influence des éditeurs. Le seul but est de partager nos plaisirs entre lecteurs.

Spécial Roland Sadaune

Roland Sadaune est romancier, peintre de talent, et un ami fidèle.

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