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9 août 2015 7 09 /08 /août /2015 04:55

À Bayonne, une cellule de police est détachée pour enquêter sur une affaire énigmatique. Elle est dirigée par Axel Meyer, policier toulousain, marié et père de deux fils. Il a été prévenu par son supérieur, Maldjian, qu'ils risquaient fort d'être confrontés à un panier de crabes, entre séquelles politiques autour de l'ETA et trafics de drogue. Meyer est assisté d'Emma Lefebvre, jeune policière ayant entamé sa carrière après avoir fait partie des victimes des attentats de Madrid, en 2004. Hantée par le terrorisme, Emma est fascinée par la question basque, et bien informée sur la complexité du sujet : indépendantistes de l'ETA face aux brigades anti-terroristes clandestines des GAL au service de la police espagnole. Le troisième larron de l'équipe, c'est Simon Garnier. Ce flic corrompu mesure la dangerosité de ses relations avec celui qui orchestre la chienlit actuelle au Pays Basque.

Un trafiquant de drogue a été retrouvé mort dans une valise sur la plage du Penon, dans les Landes, après avoir vogué en mer bien qu'il ait été jeté à l'eau pas si loin. Il fallait s'y attendre : en Espagne, ce Domingo Augusti a été soupçonné de méfaits politisés, avant de se tourner vers le lucratif trafic de drogue. Il s'avère que le père d'Augusti fut lui-même un policier anti-terroriste aux méthodes violentes. Ami de ce dernier, Adis García fut un des tortionnaires anti-ETA dont Emma compte explorer la piste. Il est possible que ce García ait reconstitué une milice active, mais son dossier est "Secret Défense". Si le procureur Stéphane Boyer débloquait les choses, ça aiderait grandement Emma et Axel Meyer. Nina, la petite amie prostituée madrilène de Domingo Augusti, a été supprimée. Simon Garnier ne tarde pas à vérifier que le tueur est Aarón Sánchez, l'adjoint de Javier Cruz.

Officier de la Guardia Civil en poste à la section antiterroriste de Bordeaux, Javier Cruz est un policier censé œuvrer pour la sécurité des citoyens français et espagnols. Mais il a entrepris de révolutionner les méthodes ordinaires. Non sans arrière-pensée d'un profit personnel, peut-être. Cruz a commencé par créer une nébuleuse de sociétés, dirigées par Aarón Sánchez, criminel aguerri. Pour financer son action, Javier Cruz a détourné une grosse quantité de cocaïne, cinquante-cinq kilos, éliminant des passeurs tels Domingo Augusti. Ensuite, il veut acquérir un terrain appartenant à Jean-Christophe Giraud, un puissant industriel local. Que cet endroit soit contaminé (monazite et thorium radioactifs) ne doit pas entraver son opération immobilière. Gaizka, dont le père ouvrier est mort à cause de la contamination, entend bien le prouver et démontrer les fautes de Giraud.

Sánchez fait pression sur Giraud afin que rien ne retarde le projet. L'industriel est épris de la prostituée Yaiza Gónzalez, dite Macrina : la jeune femme pourrait être un atout pour Sánchez. Macrina sait qu'elle doit se montrer prudente, les putes étant insignifiantes dans cet univers mafieux. Ayant examiné les récents dossiers des Stups, Meyer interroge un dealer emprisonné, López, qui sait comment les cinquante-cinq kilos de cocaïne ont été détournés. Simon Garnier continue à enquêter pour son propre compte, afin d'identifier ses ennemis. Gaizka et son amie Belen cherchent le moyen d'atteindre l'intouchable Giraud. S'étant rapprochée du procureur Stéphane Boyer, Emma retrouve l'article d'un défunt journaliste basque assassiné. Si la piste d'Eztia Sasco, ex-égérie indépendantiste, est une impasse, d'autres hypothèses la conduiront-elle vers la vérité ?…

Marin Ledun : Au fer rouge (Ombres Noires, 2015)

Un roman, ce n'est pas un documentaire. Néanmoins, la fiction peut interroger sur le réel. L'organisation indépendantiste ETA a mis fin à son action armée. Étonnant de constater le calme apparent qui, si rapidement, semble s'être installé au Pays Basque des deux côtés de la frontière, depuis. Tant d'années de conflit, et puis plus rien ? À moins que ça se poursuive de façon larvée, plus pernicieuse que jamais ? Que les comptes qui restent à régler entre "ettaras" et barbouzes espagnols prennent d'autres voies ? Que l'argent ait afflué, quelle que soit son origine fut-elle douteuse, pour qu'à l'instabilité succède une prospérité de façade ? Au bénéfice de l'économie de la région, et de toute la population. Contraints et forcés, les ex-militants sont priés d'oublier leur cause, tandis que d'autres en tirent profit. Et si cela n'était fait que pour masquer des méthodes plutôt mafieuses ?

C'est à travers les protagonistes d'une enquête, forcément faussée par un contexte où se mêlent politique et trafic, que Marin Ledun nous suggère une situation pas si clarifiée. Une certaine impunité donne de mauvaises habitudes, autant à des malfaiteurs prêts à toutes les missions, qu'à des policiers sur lesquels la hiérarchie n'a plus d'autorité. Leur violence, nul besoin de la justifier. Qu'on élimine un trafiquant, une pute, ou quiconque ayant nagé dans ces eaux troubles, rien ne nécessite des investigations : le trafic de drogue est censé tout expliquer. Bizness immobilier, combat régionaliste, antiterrorisme, pollution invisible, impossible oubli de la répression pour les militants, c'est dans l'ombre qu'est la place de ces éléments-là. Prendre des précaution ou du recul ne garantit pas la tranquillité, un engrenage fatal pouvant broyer tout témoin.

Pour construire une solide intrigue sinueuse, une sacrée maîtrise est indispensable. Passer d'un personnage à l'autre sans "perdre" le lecteur, décrire des protagonistes de caractères différents voire opposés, esquisser le passé sans faire de "leçons d'histoire", conserver un tempo narratif souple et rythmé, c'est visiblement le défi que s'est fixé ici l'auteur. C'est magistralement réussi. On se passionne vite pour son intrigue foisonnante, un chassé-croisé permanent et dense. Le côté touffu des détails n'a rien de rébarbatif. L'approche psychologique apparaît aussi fort juste. C'est vrai pour celle de chacun des trois policiers, comme pour la mégalomanie de Javier Cruz.

Celles et ceux qui savent déjà quel perfectionniste est Marin Ledun trouveront une fois encore la confirmation dans ce vif et sombre roman d'action. Prix Amila-Meckert 2014, Trophée 813 en 2011, et autres prix littéraires : s'il est un auteur qui l'a mérité, c'est bien lui. Attribuer une autre récompense à Au fer rouge” ne serait ni absurde, ni scandaleux, car il s'agit d'un noir suspense de qualité supérieure.

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7 août 2015 5 07 /08 /août /2015 04:55

Didier Valois est un comédien à la notoriété très relative. Son agent Loïck Schwartz essaie de lui trouver quelques prestations, néanmoins. Quand il est chez lui à Paris, son QG c'est le Royal-bougnat : un bistrot encore authentique tenu par Fernard et Cécile, une clientèle d'habitués. Il fréquente aussi le vieux Cagna, passionné du Paris d'autrefois : “C'est un de ces cinglés du 15e arrondissement, amoureux de la rive gauche, qui ne passent jamais le fleuve. Pour eux, Paris s'arrête au Pont Mirabeau ou à celui de Grenelle.”

Didier est l'amant de Marie Cheney, un peu comédienne, épouse de l'avocat Frédéric Cheney, aux méthodes sulfureuses. Marie et lui sont séparés, sans l'être vraiment. Didier vient de rentrer à Paris, quand on apprend le meurtre de Frédéric Cheney. Interrogée par la police, Marie évoque l'affaire Fabrette qui, non sans scandale, lança son avocat de mari. Perdant son alibi, la jeune femme est bientôt incarcérée. Didier tente de l'aider, évitant d'être aussi impliqué.

Colette Chiglione sort de prison, après onze mois derrière les verrous. Son crime est d'être la femme de Pietro Chiglione, joueur invétéré misant très gros, complice d'un vol d'œuvres d'art. Il fit d'elle une receleuse en lui offrant un objet rare qu'il avait dérobé. Il doubla surtout son complice Paulo le Stéphanois qui, depuis, le cherche afin de récupérer sa part du butin. Colette se rend à Honfleur où habitent sa mère et Roger, son fils de sept ans. Paulo intervient, la menaçant.

Il vaut mieux que Colette accepte l'offre que lui fit Joss Langlois, négociateur pour les assurances. Si elle rend les œuvres d'art, elle sera gagnante dans ce deal. Encore faut-il qu'elle sache où se cache Pietro. Dans la maison natale de son mari, elle trouve l'adresse de Marianne, antiquaire aux Puces de Saint-Ouen. Une piste à suivre. Sa cible est proche de Laurence Villars, mère de Marie Cheney. Femme cynique qui est également antiquaire, elle n'a montré guère de sympathie envers Didier.

Quand Loïck est agressé, c'est Didier qui était visé. Ils en tirent une réflexion : “L'affaire démarre avec la mort de Cheney. Pour une raison inconnue, nous interférons quelque part avec son assassinat… Que savons-nous du mort ? Juriste retors, le genre petit malin qui, de son cabinet organise, arbitre, et monte des coups tordus.” Tandis que des "gros bras" entrent en action, Didier s'informe sur l'affaire Fabrette. Il sollicite aussi Janine Forget, la secrétaire de l'avocat. Ce dernier était parfaitement au courant de la liaison entre Marie et le comédien. Après avoir reçu la visite du commissaire Dubois et de son adjoint Belmain, Didier s'occupe de Marie, qui est libérée sous contrôle judiciaire…

Pietro s'ennuie dans sa planque à la campagne, en bord de Marne. Il s'en est échappé pour tenter sa chance dans un casino, pas une réussite. Toujours à ses trousses, le Stéphanois finit par le repérer. Didier et Colette, désormais armée, finissent par entrer en contact. Au Royal-bougnat, avec les amis du comédien, ils cogitent et recensent les suspects dans ces affaires. “J'ai l'impression soudaine, dit Loïck, que nous sommes tous menacés. On a mis la main dans une rivière infestée de piranhas, c'est sûr.” Tandis que d'autres meurtres sont encore commis, il faudra définir le rôle de Charlotte Corday dans ces mystères…

Joseph Bialot : Le Royal-bougnat (Série Noire, 1990)

Joseph Bialot (1923-2012) exploita d'excellentes intrigues criminelles. Il n'est donc pas nécessaire d'en faire l'éloge. Par contre, souligner la tonalité de ses romans, empreints d'humour, n'est sans doute pas inutile : “Le 11.43 est une arme de truand, le 49.3 un pistolet de ministre, et la 22 long rifle, une carabine pour safari du pauvre, dans les HLM.” Juif polonais ayant survécu au nazisme, Joseph Bialot pouvait se permettre de plaisanter sur ses congénères : “Le drame des Juifs, c'est ça : le service après-vente. Ils ont des idées fabuleuses, c'est sûr, mais qu'est-ce qu'ils en font ? Ils laissent les autres s'en occuper. Ils inventent le monothéisme et ce sont les Romains qui gèrent le fonds de commerce. Ils créent le marxisme et laissent le marketing à Staline. Et pour diffuser Freud, simple et lumineux, ils trouvent Lacan comme exécuteur testamentaire… Tous des alchimistes : tu leur donnes de l'or, ils en font de la merde.”

L'ironie peut devenir grinçante : “C'est avec les prisonniers innocents que l'on fait les meilleurs révoltés. Avec les coupables aussi, d'ailleurs. La loi dit : Privation de liberté. Elle n'a jamais prescrit de traiter les suspects et les condamnés en sous-hommes.” Mais le ton s'avérait parfois plus amusé : “Si je parle, vous rejoindrez Marie illico, mais pas dans la même cellule. En prison aussi, les amoureux sont seuls au monde.” À travers le personnage de Cagna, l'auteur en profite pour se souvenir de quelques riches heures de l'histoire parisienne. Effectivement, les romans de Joseph Bialot étaient des polars. Mais, par son écriture enjouée, il figure parmi les auteurs bien plus originaux que la moyenne.

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6 août 2015 4 06 /08 /août /2015 04:55

Saint-Chély est un village du Limousin comptant deux cent huit âmes. Un été chaud sévit dans ce décor campagnard : “Il fait sec et frappadingue cette année-là à Saint-Chély.” Parmi les figures locales, il y a le gros maire, patron du bistrot local, un vrai con. Et puis le garagiste Triaunat, avec sa femme Colette et leurs deux fils : Marcel, mécanicien costaud, et son frère Germain, qui est un demeuré. Sans oublier Isabelle, leur sœur de douze ans, déjà bien attirante. Surtout, à Saint-Chély, il y a la famille Chalier, des paysans attachés à leur terre. Le père Chalier s'est remarié avec la pulpeuse Mado voilà trois ans. Certains trouvent qu'elle fait un peu pute, ce qui n'est pas faux. Bernard, le plus jeune fils Chalier, habite là : il ne se sépare guère de son fusil, ni de son chien Mackie.

Son aînée Yvette est en froid avec leur père : elle est serveuse au bar du maire. Un gars musclé comme Marcel Triaunat, ça ne lui déplaît pas qu'il la courtise. Antoine Chalier, l'autre fils, est parti vivre à Clermont-Ferrand. En dehors du boulot, il s'y fait une petite notoriété en tant que boxeur. Quelques années plus tôt, Antoine fut plutôt intime avec Mado, sa belle-mère actuelle. La Mado, elle se laisse volontiers sauter par le garageot Triaunat, si ça se présente. À Saint-Chély, outre le curé sans grosses ressources, il y a encore Calestroupat. C'est le chef de gare : “[Il] est persuadé, sans que personne le sache, qu'il est d'une espèce supérieure. Qu'il est capable d'instinguer, de comploter, de manipuler. C'est, comment dire ? C'est comme un germe, une intime conviction… Plus que de piloter les trains sur d'inextricables aiguillages, il est fait pour conduire les hommes.”

Le projet secret du garagiste Triaunat, Calestroupat s'y est associé, imaginant déjà son développement. De quoi s'agit-il ? Avec Werner, ancien de la Wehrmacht qui lui sert d'esclave, Triaunat creuse afin de trouver du pétrole dans les sous-sols du Massif-Central. Des géologues ont affirmé que ce n'était pas impossible. Les carottes de forage n'ont encore rien démontré. L'idéal pour le garageot sera d'acquérir un champ appartenant au père Chalier, plus prometteur en pétrole. Buté comme un sillon de patates, le paysan se refuse à vendre, et sans diplomatie. Par contre, avec Mado, ils répandent la rumeur auprès des villageois, dénonçant l'idée farfelue de Triaunat.

Si le garagiste est ridiculisé, ça ne dure pas. Car, à l'initiative du chef de gare, une gazette de la région confirme que Saint-Chély est probablement un secteur pétrolifère. L'essentiel de la population (y compris le curé) adhère à la SCREP, la société de Triaunat et de Calestroupat. Le père Chalier reste le seul obstacle, et ça tourne à la déclaration de guerre entre eux. Après avoir expédié Mado à Clermont-Ferrand chez Antoine, avec son fils Bernard, ils prennent Werner pour cible, entravent les travaux en cours, dressent une frontière face au chantier. Un incendie accidentel chez Triaunat sera évidemment imputé à Chalier. Tandis que sa Mado exilée n'est pas insensible aux boxeurs, et que le premier derrick est en place, le père Chalier cumule les embêtements. Les groupes pétroliers vont devoir compter avec la concurrence de la France profonde, se réjouit Triaunat…

Jean Vautrin : Typhon gazoline (Engrenage, 1979)

Jean Vautrin est décédé le 16 juin 2015, à l'âge de quatre-vingt-deux ans. Le grand public retient peut-être davantage son Prix Goncourt (en 1989) et ses romans classiques, que les débuts de romancier de cet auteur, avec ses excellents polars. Publié en 1979, ce 7e titre de la collection Engrenage est une comédie satirique diablement excitante. Passons sur la situation géographique du village, entre Limousin (Saint-Chély est censé s'y trouver) et Auvergne (on évoque le Livradois, inclus dans cette seconde région, plus proche de Clermont-Ferrand). C'est de ruralité dont il est question, qu'importe l'endroit précis.

Les péripéties se succèdent à un bon rythme dans cette bourgade. L'auteur dessine quelques savoureux portraits, du “sourire compassé de l'épicemarde, une gorgone de soixante-trois hivers et de quatre phlébites...” à la présentation de Werner : “Une grosse trombine teutonne, la cinquantaine et les yeux bleus qui papillotent sous l'effet de la lumière. Maculé de terre, l'estomac plantureux, il s'avance jusqu'au garagiste...” Ici, on est fier de sa virilité : “Chalier, ça lui fait plaisir qu'on reconnaisse sa puissance au radada. Soixante-trois ans et le masculin-singulier toujours aussi roide qu'un étalon, c'est quand même pas trop mal.” Un souriant western mouvementé au cœur du Massif-Central, c'est ce que concocta Jean Vautrin dans ce polar champêtre. Une intrigue franchement sympathique.

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5 août 2015 3 05 /08 /août /2015 04:55

Bingo Riggs et Handsome Kusak forment un duo de ringards new-yorkais, qui a migré en Californie. En cette seconde moitié des années 1950, Hollywood est un endroit où tout semble possible. Bingo se croit doué pour les affaires, tandis qu'Handsome possède une mémoire exceptionnelle et un talent de photographe. Ils séjournent au Skylight Motel tenu par Mme Mariposa de Lee, mais visent mieux. Courtney Budlong, agent immobilier rusé, leur fait visiter une grande demeure, Damascus Drive. Bien qu'assez délabrée, elle séduit le duo. Elle aurait appartenu à Avril Robin, une star d'antan dont personne ne se souvient vraiment. M.Lattimer, le dernier propriétaire, en demande une somme presque dérisoire. Bingo et Handsome signent illico, emménageant le jour même. Ça manque de confort, mais le mobilier est censé être livré dès le lendemain.

Certes, la vieille gardienne Pearl Durzy est plutôt effrayante, mais ils comptent la virer au plus tôt. La riche voisine évoque “le cadavre ou l'argent” qu'ils pourraient découvrir ici. En creusant sa mémoire, Handsome se souvient de l'affaire. Julien Lattimer disparut un jour sans laisser de traces, quatre ans plus tôt. Servant aux enquêteurs des versions douteuses, son épouse Lois parut suspecte, avant de prendre la fuite. Bingo s'interroge : leur acte de vente étant signé Lattimer, la transaction est-elle réellement légale ? Quand le duo regagne la demeure, Pearl Durzy a été victime d'un grave malaise provoqué par du tétrachlorure de carbone. Heureusement, l'ambulance arrive assez tôt pour l'hospitaliser. Deux braves agents de police n'ont aucune raison d'inquiéter Bingo et Handsome. Adèle, l'ex-Mrs Lattimer avant Lois, héritière potentielle, rend visite aux deux New-Yorkais.

Accompagné de son adjoint Horace Hendenfelder, l'inspecteur Perroni suit l'affaire depuis la disparition de Julien Lattimer. Il apprend au duo la mort de Pearl Durzy, qui s'avère être un meurtre. On s'aperçoit enfin que Courtney Budlong n'existe pas, c'était un escroc. Le vrai agent immobilier Budlong loue à Bingo et Handsome des bureaux pour leur activité, qu'il pense sérieuse. On leur conseille aussi de s'adresser à l'avocat Arthur Schlee, ce qui leur coûte cinq cent dollars supplémentaires. Leur pécule baisse sévèrement, mais l'optimisme reste de mise pour le duo. Le crime dans la maison d'April Robin ayant été médiatisé, ils se font un peu de fric. Comment le soi-disant Courtney Budlong possédait-il la signature de Lattimer ? Et pourquoi la police n'obtient-elle aucune information concernant Pearl Durzy ? Telles sont les questions qui, quand même, tracassent Bingo.

Bien qu'un peu grassouillette, Janesse Budlong (la fille du vrai agent immobilier) tente sa chance auprès de Bingo et Handsome, les croyant de puissants producteurs. Il faudra bien que Mariposa de Lee s'explique face au duo de New-Yorkais, sur la combine dont elle fut complice. Adèle Lattimer ne renonce pas à faire valoir ses droits. Tandis que William Willis, le demi-frère de Lois Lattimer se manifeste, un nouveau meurtre est commis. Il serait temps que Bingo et Handome se renseignent sur Avril Robin, toute jeune star du cinéma d'autrefois, décédée prématurément…

Craig Rice et Ed McBain : Cinéma et duplicité (Un Mystère, 1959)

Il est coutumier d'affirmer qu'Ed McBain a "terminé" ou "complété" le livre de Craig Rice, romancière décédée brusquement en août 1957, à quarante-neuf ans. À cette époque, Ed McBain est déjà (à trente-deux ans) un auteur chevronné, publiant sous plusieurs noms depuis 1952. Il est fort probable qu'il ait "corsé" l'intrigue imaginée par Craig Rice, la succession vive des scènes correspondant à la manière rythmée d'Ed McBain. Si la base criminelle du sujet doit être sûrement attribuée à l'une, on peut logiquement penser que le tempo et l'imbroglio souriant est largement l'œuvre de son successeur. Celui-ci glisse des allusions à (son) New York, même si nous sommes au cœur du mythique Hollywood.

Comédie à suspense, oui. Toutefois, il ne faudrait pas mal traduire cette formule, n'y voir qu'une histoire rigolarde avec deux gugusses crédules en guise de risibles héros. Nous avons là une merveilleuse galerie de personnages, toute la faune qui hors des studios de cinéma profitaient alors du système hollywoodien. Au duo Bingo-Handsome, répond celui des enquêteurs : l'adjoint Hendenfelder est présenté plus positivement que l'opiniâtre inspecteur Perroni. Quand vient l'explication de l'énigme, force est d'admettre que c'est un roman très bien pensé.

Craig Rice et Ed McBain : Cinéma et duplicité (Un Mystère, 1959)
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4 août 2015 2 04 /08 /août /2015 04:55

Dans cette ville américaine, Sam Birge est un policier proche de la retraite. Il aurait envie de consacrer plus de temps à son épouse Edna et à leur fils Roy. Pour l'heure, Sam Birge continue à mener ses enquêtes, tout en fumant le cigare. Il est secondé par l'ambitieux Charley Hagen, âgé de quarante-deux ans, qui espère le poste de Sam Birge : certes, il en a la compétence, mais sans doute pas encore la maturité. Une jeune femme vient d'être découverte poignardée au Marne Hotel, Sam Birge et Charley Hagen se rendent sur les lieux. C'est un bâtiment miteux et sale, “croulant, crasseux, crapuleux”. Mrs Ferris, la femme de ménage a bien du mérite à entretenir ce qu'elle peut. Quant à Mrs Leeds, la propriétaire, elle gère son hôtel sans se préoccuper vraiment de ses locataires.

Janice Morel, la victime âgée d'une trentaine d'années (Morelski étant son nom complet), était entraîneuse et chanteuse dans un club, Le Trinidad, appartenant à Joe Marco. En fait, il est aussi propriétaire du Marne Hotel, mais laisse ce titre à Mrs Leeds. Le réceptionniste de l'établissement ne tarde pas à l'informer du meurtre. Sam Birge interroge les locataires voisins de chambres de Janice Morel. Notamment Freddie Eckstein, contrebassiste aveugle jouant dans l'orchestre du Trinidad, et Joan Fleur, entraîneuse dans le même club et amie de la victime. Le nom d'un suspect apparaît rapidement : Harry Chapel, amant de Janice. Grâce aux cahiers de la jeune femme, Sam Birge comprend que les projets artistiques de celle-ci n'ont jamais abouti. Bien qu'elle ait un supposé "agent", Emmett Sanderson.

C'est évidemment pour payer les services (bien relatifs) de cet impresario d'opérette que Janice faisait chanter quelques personnes. Des petites sommes réclamées à chacun, qui totalisaient finalement deux mille dollars, versés à Sanderson. Quand il est interrogé, Harry Chapel admet avoir donné de l'argent à Janice, toujours volontairement. Toutefois, un rapport de police révèle le passé judiciaire de Chapel. Le considérant comme suspect n°1, Charley Hagen prend l'initiative de l'interpeller. Bien que l'établissement soit cerné, Harry Chapel parvient à s'enfuir. Il trouvera refuge dans un minable hôtel d'Acadia Street, ignorant être filé par le réceptionniste au service de Joe Marco. Chapel croisera une chic fille, la serveuse Bérénice, mais peut-il espérer aller loin avec elle ?

Sam Birge s'intéresse à Joe Marco, qui joue à l'honnête commerçant, et à l'"agent" Emmett Sanderson, qui nie toute pression sur Janice Morel. Même s'il est possible que Joe Marco stocke de la drogue dans son hôtel, une fouille minutieuse ne donne rien. Lors d'un nouvel interrogatoire, Joan Fleur et Freddie Eckstein ne disent pas toute la vérité à Sam Birge. Charley Hagen a commis une erreur en voulant arrêter Chapel sans en référer à son supérieur. Néanmoins, il reste absolument certain de sa culpabilité. Sam Birge en doute fortement, lui. Certes, on pourrait facilement boucler l'affaire, en mettant le crime au crédit de tel ou tel. Mais quand Sam Birge procède à une arrestation, c'est pour inciter l'assassin à tout avouer…

William Krasner : La rue sans fin (Un Mystère, 1949)

William Krasner (1917-2003) naquit à Saint-Louis, dans le Missouri. Il fréquenta la Soldan High School, s'initiant à la carrière d'écrivain en collaborant à une revue littéraire aux côtés de Tennessee Williams. Après le lycée, il travailla dans le service postal américain, puis intégra l'armée de l'air. Il décrocha ensuite un diplôme de psychologie de l'Université Columbia, où il étudia en plus l'écriture de fiction. En 1949, il publie son premier roman La rue sans fin”. Son héros le policier Sam Birge figure aussi dans The Stag Party, Death of a Minor Poet et Resort to Murder”, non traduits en français. Krasner a également écrit “North of welfare”, et en 1950 “The gambler, qui fut publié en 1989 sous le titre “Le flambeur”. Un cinquième roman avec Sam Birge, intitulé Opfer einer Razzia”, n'a été publié qu'en allemand.

Dans une lettre de 1951 à Frédéric Dannay (Ellery Queen), Raymond Chandler évoque ce premier roman : “Il peut aussi arriver qu'un seul livre, tel que "La rue sans fin" de William Krasner, place immédiatement son auteur au-dessus et au-delà d'une longue liste d'écrivains ayant écrit vingt ou trente livres, qui sont connus et ont du succès.” Bel hommage d'un connaisseur. Raymond Chandler avait assurément compris que l'intention de l'auteur n'était pas de raconter uniquement une enquête de police. Petite rivalité entre le héros et son adjoint, mensonges de la plupart des témoins, club de nuit douteux et hôtel délabré : les décors créant une ambiance, et les portraits ciselés des protagonistes importaient davantage à William Krasner.

L'auteur ne négligea pas non plus la construction stylistique. La personnalité de la victime est définie à travers ses carnets intimes. Une place est aussi faite à l'assassin, au cours du récit. Outre les enquêteurs, on va suivre également le principal suspect Harry Chapel dans son errance personnelle (dans les rues sans fin). Si le suspense est bien présent, on aurait tort de se borner à ne voir qu'une recherche criminelle. Ce très bon roman fut réédité (avec quelques autres) dans l'Omnibus “Polars Années cinquante” tome 2, en 1996.

William Krasner : La rue sans fin (Un Mystère, 1949)
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3 août 2015 1 03 /08 /août /2015 04:55

Mary Lester est une jeune policière du commissariat de Quimper. En duo avec Jean-Pierre Fortin, elle a mené bon nombre d'enquêtes. Des succès qui lui ont apporté une notoriété certaine. La preuve, c'est à Mary Lester et à personne d'autre qu'Élizabeth Fischer désire que soient confiées des investigations sur sa sœur, Valérie Gougé, semblant avoir disparu. Il existe un blocage autour d'un modeste héritage, car manque sa signature. Mary Lester n'éprouve pas une sympathie immodérée pour la haute société, à laquelle appartiennent Élizabeth Fischer et Valérie Gougé. Âgée de trente-deux ans, la disparue est veuve depuis deux années de Pierre Gougé, un gros banquier qui avait soixante-douze ans. Elle possède des domiciles dans tous les lieux chics, mais reste injoignable. Sa sœur aînée pense que c'est à La Baule que Mary Lester a des chances de retrouver Valérie Gougé.

Pas question que la jeune enquêtrice, peu emballée par l'affaire, se déplace sans Fortin. À la résidence où la disparue possède un appartement, le duo interroge les gardiens sur les habitants aisés de cet immeuble. Il apparaît que le logement de Valérie Gougé aurait été prêté à une quinquagénaire, Mme Hernandez. Plutôt étonnant ! Surveillant la résidence, Mary Lester ne tarde pas à identifier cette personne. Condamnée par contumace quelques années auparavant, Joséphine Poussetinette est une vieille connaissance de Mary Lester. Elle connaît la fourberie de cette dame. La fausse Mme Hernandez a des horaires réguliers et se déplace en taxi. Fortin et Mary doivent un peu ruser pour la prendre en filature. Ils s'aperçoivent qu'elle rejoint le nommé Barbier, son complice d'antan sorti de prison.

C'est vers Batz-sur-Mer que le couple se rend ensuite chaque jour en 4x4. Le castel Barbe-Torte est une imitation de château-fort. Cette demeure est la propriété de l'armateur Bertrand Lussac de Ligonnière, dirigeant de la société nantaise STMF, et de son épouse Mathilde. Peut-être Valérie Gougé y est-elle séquestrée, même s'il est impossible d'en être sûrs. Ce n'est pas le genre d'endroit où l'on pénètre comme dans un moulin. Puisqu'on en en secteur gendarmerie, Mary Lester est prête à laisser agir la maréchaussée. Néanmoins, son supérieur insiste. L'enquêtrice imagine une solution : la brigadier-chef Gertrude Quintrec est capable de jouer le rôle d'une femme de ménage, qui eût été engagée par Valérie Gougé pour nettoyer son appartement.

À La Baule, Gertrude Quintrec est à la hauteur face à la fausse Mme Hernandez. Pourtant, énervée par cette gêneuse, Joséphine Poussetinette fait preuve de méfiance. Mary Lester va mettre à contribution Élizabeth Fischer, afin qu'elle l'aide à retrouver sa sœur. Puisqu'elle se flatte de connaître Bertrand Lussac de Ligonnière, que cette dame se fasse inviter au castel Barbe-Torte. Hélas, le PDG de la STMF est injoignable, lui aussi. Tandis que Barbier est quelque peu malmené par des jeunes désœuvrés, Gertrude risque d'avoir son lot d'ennuis, elle aussi. Forcer la porte du château-fort ? Couverts par un dynamique procureur de la République quadragénaire, Mary Lester et Fortin auront besoin de l'aide de l'adjudant-chef Lucas pour dénouer l'affaire…

Jean Failler : État de siège pour Mary Lester (Éd.du Palémon, 2015)

Depuis une vingtaine d'années, les enquêtes de Mary Lester ont séduit un large lectorat. Il n'y a pas de recette miracle, ni d'ingrédient majeur dans ce succès. On pourrait invoquer "l'effet de série" puisque, en comptant quelques doubles tomes, on en est aujourd'hui aux numéros 42 et 43 des aventures de cette héroïne. L'argument géographie aurait aussi son importance, Mary Lester investiguant sur la côte Atlantique, dans les cinq départements de la Bretagne historique. Au gré des repérages effectués par Jean Failler, qui va observer les lieux concernés. Par la suite, il décrit donc une certaine réalité, ça compte sûrement dans la tonalité qui plaît au public.

Bien entendu, le personnage central est capital. Jeune femme trentenaire au caractère affirmé, sachant s'adapter à toutes les situations, courageuse et même plutôt téméraire, ironisant volontiers, Mary Lester se comporte avec naturel, vivant comme tout le monde, aimant sa région. Comme disent les anglophones, Mary c'est "the girl next door", la fille d'à côté. Ne pas jouer les cadors, voilà sans nul doute l'atout premier de cette enquêtrice. À l'image du commissaire Maigret (Georges Simenon étant le modèle de l'auteur), c'est une policière qui fait son métier aussi correctement que possible. Mary est assistée par Jean-Pierre Fortin qui, s'il manque carrément de culture, reste efficace dans l'action.

Parce que ce marin a lu beaucoup de très bons auteurs de polars, Jean Failler sait qu'on ne peut embarquer les lecteurs sur un rafiot pourri : tel un fier navire, le roman doit tenir la mer, maintenir le cap pour arriver à bon port. Si petit monde de Mary Lester comporte sa part de mystère, de questions à résoudre, de violence à laquelle on ne peut échapper, le spectaculaire à outrance et la cruauté horrifique n'ont pas leur place. Toujours l'idée du quotidien, de la vie ordinaire déréglée par une affaire criminelle, qui prime. Ajoutons à cela une narration fluide, et c'est ainsi que les lecteurs adhèrent. C'est une fois de plus le cas dans cet “État de siège pour Mary Lester”, un épisode fort agréable à lire.

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2 août 2015 7 02 /08 /août /2015 04:55

Anne Brunel, la trentaine, entretient le souvenir de son union avec Romain Valmont, comédien devenu célèbre. Égoïste, son ex-mari n’a plus de contact avec elle depuis des années. Il lui verse seulement une maigre pension. Danielle Turin, son unique amie, incite Anne à vivre plus intensément. La jeune femme trouve le courage d’aller voir Romain, afin qu’il augmente sa pension. C'était annoncé dans tous les médias : celui-ci lui confirme son prochain mariage avec Carine Arnaud, sa belle partenaire au cinéma. Enceinte de deux mois, la future épouse se montre chaleureuse envers Anne. Observer ce couple si parfait excite son désespoir, et ça lui donne de mauvaises idées. Elle décide de se venger de l’ingrat Romain. Elle commence par se munir du Colt45 de son ami absent, Jean-Luc.

Une nuit, elle enlève Carine près du théâtre où elle joue. La jeune femme comprend mal ses motivations. Elle pense à une mise en scène : “Quand vous me relâcherez, je prétendrai avoir été enlevé par deux hommes masqués, qui m'auraient fait monter de force dans une voiture…” Sans se préoccuper des conséquences, Anne la séquestre dans le studio de son ami absent. Supprimer sans délai sa prisonnière ? “Non, elle était incapable d'assassiner une femme inconsciente ; c'était la lâcheté suprême.” Punir Romain, imaginer son inquiétude, c'est stimulant pour Anne. Le lendemain, elle qui n'est ni cynique ni cruelle, réalise la stupidité de son acte. “Une vengeance se devait de basculer dans l'horreur, mais l'horreur n'était pas le domaine d'Anne.” Il est encore temps de tout arranger. Mais quand elle retourne libérer Carine, celle-ci a disparu.

Domi et Joël sont de médiocres voyous. Domi fait figure de chef. Ayant découvert Carine prisonnière, Domi veut profiter de ce hasard. Embarquant le Colt45 laissé là par Anne, le duo amène l’actrice chez Perrouka, la marraine de Joël. Âgée de soixante-huit ans, elle tient un modeste restaurant, le Relais des Marguerites. Domi pense exiger une rançon. Même s'il est menaçant, Perrouka tente de l’en dissuader. “Perroukka soupira de nouveau. Si elle avait été plus jeune, de cinq ou six ans seulement, elle se serait peut-être lancée dans cette affaire avec enthousiasme… mais aujourd'hui elle préférait son petit restaurant, [son chien] Gueulard et sa collection de perruques. Tout bien réfléchi, elle trouva que c'était un peu triste.”

Coopérative, c'est Carine qui apporte une solution, proposant un plan sans risque. Par l'intermédiaire de deux amis, ils pourront entrer en contact avec Romain sans que la police le sache. À condition qu'Hélène Mazet, amie de Carine réponde au téléphone. D'abord désorientée par la disparition de la kidnappée, Anne s'arrange pour revoir Romain au plus tôt. Il lui apprend que Carine a été enlevée. Rester auprès de son ex-mari permet à Anne de le réconforter – tout en suivant l’évolution de l’affaire. Elle y participe, lorsque les ravisseurs se manifestent. Mais la suite ne se passera pas aussi simplement que prévu. On risque un grave dérapage. Toujours présente, Anne soutient moralement Romain, croyant regagner son affection. L’enquête sur l'enlèvement piétine. Après s’être planqués, Domi et Joël n'en restent pas là, espérant faire chanter Anne…

Jean-Pierre Ferrière : Haine ma sœur haine (Éd.Campanile, 2015)

Cette intrigue concoctée avec soin par Jean-Pierre Ferrière, un de nos "vétérans du polar", s'avère palpitante autant pour ses péripéties que pour son ambiance. Car ici, tout apparaît d'une parfaite crédibilité : l’acteur aussi égoïste que célèbre, les minables voyous et leur complice Perroukka, l'amie futile Danielle, de même que l'ensemble des personnages que nous allons croiser. Au centre, c’est une héroïne pitoyable dont l'auteur nous dessine le portrait avec une sacrée subtilité. Plus pathétique qu’attachante, d'une sensibilité exacerbée, Anne est finalement une pure névrosée. Même si elle garde un apparent sang-froid, elle ne mesure plus vraiment la folie de son acte initial, et n'a pas guère de poids vis-à-vis des évènements à venir.

Jean-Pierre Ferrière utilise une fois encore le contexte du cinéma (sa passion depuis l'adolescence), pour notre plus grand plaisir. Derrière une fluidité du récit coutumière chez lui, donnant une impression de légèreté, il s'agit là d'une histoire pleine de noirceur. Si Domi est un tocard de la pire espèce, il n'en est pas moins dangereux, par exemple. Un suspense intense et riche en finesse, avec son lot de rebondissements, une construction impeccable de l'histoire, voilà un roman sombre et solide dans la meilleure tradition.

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1 août 2015 6 01 /08 /août /2015 04:55

Marcel Hardouin est un chef d’entreprise de la banlieue parisienne. “Grand, massif, sanguin, il donnait une impression extraordinaire de puissance que n'atténuait pas, au contraire, des cheveux prématurément blanchis. À quarante-cinq ans, il dirigeait une importante affaire de récupération de métaux, qu'il avait créée.” Cet homme intransigeant n’aime pas être berné. Son comptable, M.Pinson, qui avait détourné un peu d’argent, le comprend à ses dépens, mais s'entête à braver son employeur. Hardouin vit avec sa maîtresse, Marianne, une jolie blonde de vingt-six ans qui fut vaguement comédienne. Leurs rapports sont un peu tendus ces derniers temps, car la jeune femme voudrait se faire épouser. Il semble qu’elle ait une solution de repli, un autre amant – moins riche qu’Hardouin, mais prêt au mariage.

Hardouin possède aussi un passé. Avant guerre, il a été mêlé à une affaire minable, qui lui valut un séjour en prison. Mais il sut ensuite profiter de l’époque troublée pour gagner de l’argent, puis s’établir. Son complice d’alors, Henri Quinsard, ne s’est pas montré aussi avisé. Dans la dèche, il vient voir Marcel Hardouin pour en tirer de l’argent, sous prétexte de taire son passé. Celui-ci réagit négativement, d’abord. Puis il le recontacte afin de lui confier une mission : récupérer les cent millions en billets qu’Hardouin a gagné à la Loterie Nationale. Quinsard remplit sa mission, et remet l'argent à son commanditaire : “Demain, je leur fais passer la frontière. Ni vu, ni connu, le fisc n'en saura rien” conclut Hardouin.

Plus tard, Marcel Hardouin est retrouvé assassiné dans sa Chevrolet. Le commissaire Benoît Lavergne et l'inspecteur Paul Meunier commencent leur enquête, se rendant au domicile de la victime. Ils interrogent les proches d'Hardouin : Marianne (sa maîtresse), Pinson (le comptable), Marguerite (l’employée de maison), Catherine (la secrétaire). Seul Henri Quinsard est introuvable. Il s’est mis au vert à la campagne. Il aurait certainement mieux fait d’y rester plutôt que de revenir à Paris. L’enquête avance peu. Pinson ne semble pas impliqué. Marianne se tient tranquille. L’assassin avait trouvé une excellent cachette pour les cent millions. Mais un décès prématuré et naturel va mettre la police sur ses traces. Un agent de police ayant remarqué une Dauphine jaune peu avant le crime, voilà un indice décisif…

G.G.Bomier : Meurtre au feu fouge (Un Mystère, 1961)

Outre “Meurtre au feu rouge” en 1961, G.G.Bomier a aussi publié (en 1962, dans la même collection Un Mystère) “Fiasco” et “Rallye Gang”. Il n'est pas certain que l'on trouve d'autres romans sous ce nom. Qui était cet auteur ? Peu avant 1960, les anciens établissements G.G.Bomier (crées en 1933) cédèrent la place à une nouvelle société, "Les bas Chesterfield". S'agit-il de l'ex-propriétaire (probablement une dame) qui ensuite se serait reconvertie dans l'écriture de romans policiers ? Il serait hasardeux de le certifier, mais cette piste n'est pas du tout saugrenue.

Certes, on ne peut pas qualifier cette intrigue de chef d'œuvre. Néanmoins, ça reste un solide petit polar typique de l'époque. Sans doute relève-t-on quelques grosses ficelles : l’homme fortuné qui joue et gagne à la Loterie ? Mmouais. De même que la situation de l’assassin dans cette histoire. Qui, au final, avouera les circonstances du crime sans rechigner. Pour l'essentiel, une narration assez astucieuse faisant oublier les détails discutables, des personnages crédibles, une part d'humour… et ça donne un suspense rétro plutôt sympathique à lire.

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