Olivier Séchan (1911-2006) connut une belle petite notoriété en tant qu'écrivain, même si cet auteur est certainement oublié désormais. Rendons-lui un petit hommage à travers deux de ses romans. En commençant par le tout premier titre qu'il publia...
Les eaux mortes (Albin Michel, 1939)
Une petite ville du Sud, entre son canal et ses marais, proche de la Méditerranée. Le juge Frédéric Miller n'en est pas originaire. Venu du Nord, cet homme mûr a deux filles adultes, nées de mariages successifs. Miller habite avec l'aînée, Irène, dans leur petite propriété. Solitaire, la jeune femme s'occupe de la maison et de son père. Elle est très jalouse de sa demie-sœur Cécile, à laquelle Mlller a toujours accordé plus d'importance, selon Irène. Mariée à Walley, un jeune avocat désargenté et peu scrupuleux, Cécile ne manque de rien grâce à son père. Depuis quelques temps, deux personnes sont venues habiter la villa en face de chez Miller. Comme une sorte de provocation au juge, qu'ils paraissent connaître.
Il s'agit d'un certain Fred, et de sa mère Anna. Fred est courtisé par jeune femme, Linzia. Celle-ci est obsédée par le mariage, mais lui ne semble nullement pressé de s'engager. Même le décès de la mère de Fred n'y change rien. Une mort que le commissaire de police local pourrait trouver suspecte, d'ailleurs. Mais le juge et le policier sont forcés d'admettre qu'il ne s'agit que de rumeurs. Surtout, comme l'affirme l'avocat Walley, il se peut que Fred soit le fils du juge. Sa mère fut jadis employée dans le Nord par une riche famille Miller. Elle tomba enceinte, sans avouer le nom du père, et dut se débrouiller sans aide.
Géo, bon-à-rien opportuniste, est un ami de Linzia. Ce n'est sûrement pas lui qui voudra épouser la jeune fille. Plusieurs années plus tôt, il fut très copain avec Fred. On suppose qu'ils ont été complices dans des combines malhonnêtes. Derrière sa fenêtre, Irène Miller observe souvent son voisin d'en face. Elle imagine un secret entre son père et Fred. Approcher le jeune homme, payer au besoin pour savoir la vérité, cela ne rendrait ni plus heureuse, ni plus proche de son père. S'interrogeant toujours sur Fred, le juge entre en contact avec Géo et Linzia. Bientôt, l'affaire prend une tournure criminelle...
Cette première œuvre d'Olivier Séchan est un suspense psychologique, pas un traditionnel roman policier. Ce pourrait être un simple drame bourgeois, empreint d'hypocrisie. Le thème du mariage, obsession des jeunes filles d'alors, y est largement exploité. En ces temps-là, les filles-mères étaient vite exclues de la société. Mais l'ambiance lourde de suspicions, de questions sur le rôle de chacun, va plus loin que ce sujet basique et donne une certaine force à l'histoire. Sans doute, pour faire plus littéraire, l'auteur abuse-t-il un peu des imprécisions volontaires. Bien que décrite, la petite ville reste anonyme, et on laisse beaucoup de flou autour de chacun(e). Ce qui donne aussi de belles ellipses, quand on passe immédiatement du meurtre aux constations du médecin légiste, et ensuite à la disparition fatale de qui a tué. Au centre de l'affaire, le juge Miller pourrait ressembler à ces notables des romans de Georges Simenon. Toutefois, on sent une volonté de s'en démarquer, avec un climat qui apparaît plus proche de James M.Cain ou Horace McCoy. Un livre de belle qualité, bien difficile à retrouver aujourd'hui, hélas.
Olivier Séchan va publier par la suite plusieurs romans, obtenant un succès d'estime, puis s'oriente vers la littérature policière. Avec son coauteur Igor B.Maslowski, il est récompensé en 1951 pour “Vous qui n'avez jamais été tués”. Puis il passe aux romans destinés à la jeunesse. Voici un de ses premiers titres dans cette catégorie.
Allô Luc, ici Martine... (Hachette, 1959)
Martine Devillars est une jeune fille de quinze ans, blonde aux yeux bleus. Pensionnaire à Marseille, elle va passer des vacances à Avignon chez sa tante Julia. Dans le train, au départ, elle croise un jeune homme de son âge, Luc Daubry. Elle comprend vite que c’est lui qu’un groupe d’hommes pourchasse. Il paraît que c’est un voleur de montre. Luc ayant filé, Martine ne va pas renseigner ce M.Markus qui le recherche. Ensuite, elle découvre la fameuse montre (de peu de valeur, semble-t-il) que le jeune homme a glissé dans son manteau à elle. Rendre la montre serait accuser Luc, ce dont elle n’a pas envie. Elle avisera plus tard.
Faut-il tout raconter à sa tante Julia ? Peu à peu, elle lui donne les détails de sa petite aventure. La tante ne l’approuve pas. Le lendemain, Martine se trouve en présence de Luc (qui avait noté son adresse avignonnaise, 17 rue des cèdres à Bellevue). Il lui révèle que la montre cache un document important d’ordre médical, intéressant la sécurité sanitaire du pays. La France menacée d'épidémie, c'est toute l'économie qui serait touchée, au profit d'autres états concurrents. Martine comprend qu’il ne ment pas. Elle lui rend la montre, sans le document en question, qu’elle dissimule dans un endroit où nul n’ira le chercher. Une vieille poupée n'intéresse plus personne.
Luc a été enlevé par M.Markus. Martine contacte rapidement un certain M.Bruno, d’un service de surveillance, avec lequel Luc collaborait. Martine et sa tante Julia se sentent menacées. La maison a été fouillée en leur absence. Martine accepte de se rendre à un curieux rendez-vous et rencontre l’énigmatique M.Markus. Parviendra-t-elle à lui échapper ? Le complice de M.Markus, pas si méchant que çà, se laissera peut-être convaincre ? Luc périra-t-il dans l’explosion du repaire de M.Markus ? Martine joindra-t-elle à temps M.Bruno ?
Un bon petit roman d’aventures pour ados, évidemment un peu daté. Formule secrète, document écrit à l'encre invisible, liaison radio à l'ancienne, donnent un caractère désuet à cette intrigue. Ça reste fort agréable à lire, néanmoins. Dans une scène, l’auteur évoque la remuante famille Chanès (anagramme de Séchan). On retrouve ces deux jeunes héros dans "Luc et Martine font équipe" (1960), "Luc et Martine à la tour blanche" (1961), "Luc et Martine au bord du gouffre".