À l'automne 1921, la terrible guerre qui s'est achevée trois ans plus tôt reste dans tous les esprits, et dans les corps meurtris des combattants. En ce mois de novembre, c'est le procès de Landru qui intéresse surtout la population. À Lyon, la vie apparaît paisible, sans crime notoire. Ce qui déplaît à l'ambitieux procureur Pierre Rocher, qui rêve de briller dans la politique. Ces anarchistes qui prépareraient des attentats, voilà une affaire susceptible de lui apporter un certain prestige. Il charge Julien Legone, policier des Brigades du Tigre, d'infiltrer ces réseaux. Loin d'être honnête, avec ses trafics pornographiques, l'inspecteur se grime pour fréquenter le jeune anar cinéphile Romain et ses amis. Le professeur Hugo Salacan, criminaliste renommé, accueille quant à lui deux hôtes. Il s'agit d'un confrère scientifique et du policier américain Craig Copper. Cet Irlandais d'origine vient observer les méthodes du commissaire Kolvair. Ce dernier est fort occupé, en ce moment.
Âgé de vingt-et-un ans, Anthelme Frachant a pourtant participé à la guerre de 1914-18. à l'issue de laquelle, il fut incarcéré à la prison Saint-Paul. On vient de le libérer, d'autant que sa conduite semblait exemplaire. Néanmoins, le commissaire Kolvair soupçonne ce jeune homme d'un meurtre, sur le Front. À cause du temps des combats, il n'a jamais pu prouvé que Frachant a tué son ami, le lieutenant Bertail. Puisque son suspect s'installe dans une pension de famille à Oullins, Kolvair fait la même chose afin de le surveiller de près. Entre-temps, le premier contact entre le policier Copper et le commissaire Kolvair est plutôt agité, mais les deux professionnels sympathisent rapidement. L'Américain est prêt à suivre l'affaire Frachant avec son collègue. Peu après, un triple crime est commis à la pension de famille. Le couple de logeurs et un client ont été sauvagement assassinés. Kolvair pense d'emblée que la femme a été décapitée à la baïonnette.
Rien n'a été volé, mais une profusion d'indices désignent Anthelme Frachant. C'est comme si son suspect espérait une sorte d'impunité. Aménagée tel un camp dans les tranchées, sa chambre recèle un lot de baïonnettes. Impossible de lui laisser le bénéfice du doute, alors que l'homme semble en fuite. Curieusement, Frachant se présente à l'infirmerie de la police un peu plus tard. Dès son arrivée dans les locaux, Kolvair réalise que son suspect est en proie à une crise délirante, et réussit à le calmer avec ses menottes. Hugo Salacan ne pourra guère épauler Kolvair cette fois, car son propre fils Charles connaît de graves ennuis de santé. Tandis qu'il prépare son prochain mariage, le légiste homosexuel Badou confirme l'utilisation d'une baïonnette pour le triple meurtre. L'interrogatoire de Frachant indique de sérieux troubles. Un cas que Kolvair entend confier à son amie de cœur, la psychiatre Bianca Serraggio. Tous deux vont devoir s'opposer au procureur Rocher...
C'est la troisième aventure mettant en scène le commissaire Kolvair et le professeur Hugo Salacan. Autour d'eux, on retrouve les protagonistes impliqués dans les deux précédentes affaires. Tels Jacques Durieux, l'assistant de Salacan, ou l'infâme inspecteur Legone. Pas de soucis pour les lecteurs découvrant cette série : l'auteure nous présente chacun dans son contexte, jusqu'à la page quarante. Ainsi que le policier Craig Copper, qui accompagne ensuite les investigations de Kolvair.
Toutefois, ce n'est pas un strict roman d'enquête qui nous est proposé. Loin d'être balisé ou linéaire, le récit offre des incursions dans la vie privée des personnages. Par exemple, le mariage du légiste Damien Badou s'annonce fort houleux. Procédé narratif qui permet aussi, grâce aux souvenirs des anciens combattants Salacan et Kolvair, d'évoquer le conflit mondial encore récent. Les dégâts de l'offensive Nivelle, si mal inspirée, nous rappellent la cruauté de cette guerre. Si elle fut désastreuse en nombre de morts, des séquelles physiques et psychologiques atteignirent durablement beaucoup de soldats. À l'image de la séduisante Bianca, les psychiatres d'alors se doivent d'être opiniâtres. L'article 64 du Code Pénal est très contesté, on le verra ici. Quant à ce diable de Landru, on suit aussi son retentissant procès, en parallèle de l'histoire. Il y est encore question des anarchistes, qui jouaient effectivement un rôle à cette époque. Un roman riche, confirmant l'excellente impression que nous donne cette série.
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Odile Bouhier : Le sang des bistanclaques
http://action-suspense.over-blog.com/article-odile-bouhier-le-sang-des-bistanclaques-72960775.html
La première aventure du commissaire Kolvair et du professeur Salacan
La deuxième aventure du professeur Salacan et du commissaire Kolvair