Tant pis pour les lecteurs ayant raté “Croisière jaune” et “Mistral cinglant” de Zolma, (disponibles aux Éd.Jigal), les deux premières aventures de la pétulante Lily Verdine. Ils y auraient sympathisé avec cette digne héritière du détective Nestor Burma, aussi téméraire que son célèbre prédécesseur. Voici enfin le troisième épisode des tribulations de la remuante Lily : “Adios Viracocha”.
Célèbre dessinateur de BD sous le pseudo de Run, Yves Renault était l’auteur d’une série historique, avec le scénariste Jean-Michel Char. Ce dernier ayant cessé de collaborer depuis quelques années, Run poursuivait seul la série à succès. Sa tranquille propriété dans les Corbières était l’idéal pour concevoir les albums. Handicapé après un AVC, il avait choisi le jeune Thomas pour dessiner en son nom. Yves Renault vient d’être assassiné. La détective privée Lily Verdine est engagée par sa famille. Pour retrouver avant la police le coupable en fuite, qui n’est autre que Thomas. Échaudée par de précédentes affaires, Lily Verdine se promet d’être prudente. Elle peut compter sur un garde du corps, son ami péruvien Juan-Manko. Si son vocabulaire est un peu insolite, c’est un fougueux amant. Leur enquête débute dans les Corbières, région venant d’être touchée par des inondations catastrophiques, par une visite de la propriété du défunt.
Schéhérazade, la belle compagne de Thomas, ne comprend pas ce qui s’est passé. Le président du club de rugby local et l’ancien patron du jeune homme confirment les comportements violents de Thomas. Soit pour une question d’argent, soit parce que Run ne l’aidait pas à se faire connaître dans le monde de la BD, on peut imaginer que Thomas s’est énervé et l’a tué. Après avoir été agressée par deux types menaçants, Lily Verdine essaie sans succès d’éviter que Juan-Manko ne soit expulsé. Quand la voiture de Thomas est retrouvée, avec le cadavre d’un inconnu défiguré à l’intérieur. Sans nul doute, la seconde victime de Thomas. Quand Schéhérazade confie à Lily les carnets d’adresses du fuyard, la détective repère le nom d’un ami hongrois. Direction Budapest, Pécs, puis les rives du lac Balaton, pour l’intrépide Lily. Mais Thomas a changé ses plans. “Le syndrome de la cavale qui commence à lui bouffer le cortex” estime Lily.
De retour à Paris, la détective s’intéresse de plus près à la famille du défunt. Sa veuve et son fils Hugo sont peu coopératifs. Le deuxième fils, Martin, est absent depuis quelques temps. Dans l’appartement voisin du sien, Lily côtoie de curieux énergumènes. Que le frère d’Yves Renault soit l’amant de la veuve, ce n’est pas ce qui fera avancer l’enquête de Lily. Lorsque Thomas adresse de brefs appels téléphoniques à Schéhérazade, il est localisé par les flics en Bretagne, puis en Charente, puis se rapprochant des Corbières. Ami de Lily expert en ordinateurs, Victor explore le disque dur de celui de Martin. Cette fois, elle tient une piste concrète. Elle recrute son pote Phil, le bistrotier anar. Celui-ci détermine que c’est à Saint-Pierre-des-Tripiers, en Lozère, qu’ils trouveront une explication. La kalachnikov de Phil risque de servir, car une opération commando se prépare…
On ne s’ennuie pas un seul instant en compagnie de Lily Verdine. Son bel amérindien, aux airs de dieu Inca, ne lui fait pas oublier les investigations en cours. Si l’affaire semble assez simple, il ne faut certainement pas se fier aux apparences. Garder une longueur d’avance sur les flics, faire un détour chez les Magyars, découvrir l’identité du second mort grâce à un Opinel, s’inquiéter de la disparition d’une enclume, cerner la planque d’un groupe d’allumés, autant de péripéties que Lily est capable d’affronter sans complexe. Toujours en pleine forme, elle nous entraîne sans son sillage. La tonalité du récit est évidemment souriante, enjouée. “Pour prouver notre volonté de collaborer, j’ai joint sans attendre mon lieutenant (…) Thomas prolonge une trajectoire centripète qui l’a conduit de Budapest à Angoulème en passant par Brest, et le ramène doucement vers le département de l’Aude. Les barrages des flics n’étaient pas très efficaces, mais le poulet restait confiant: le fuyard revient vers la niche et se fera coincer dès qu’il mettra les pieds dans le Onze.” Un roman agréablement rythmé, très convaincant.
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