La quatrième aventure inédite de Clémence de Rosmadec, l’héroïne créée par Yves Josso, est intitulée “L’assassin des cathédrales” (10-18 Grands détectives). Remontons le temps pour nous retrouver voilà cent vingt ans dans le sud du Finistère.
À Quimper en août 1890, la cathédrale Saint-Corentin est la cible de voleurs dérobant les plus précieux trésors des édifices religieux. La sacristaine qui tente de s’interposer est violemment agressée. On ne la retrouve qu’au matin suivant, dans un état grave. Cette vieille demoiselle et son frère Julien, chanoine à Saint-Corentin, font partie de la famille de Rosmadec. Ces notables habitent un manoir du côté de Pont-Aven. Elle-même peintre professionnel, leur fille Clémence (23 ans) est très proche de Paul Gauguin et des amis qui l’entourent. En tant que détective amateur, Clémence a déjà quelques succès à son actif. Tandis que sa tante Eugénie est encore dans le coma, la famille de Rosmadec charge Clémence de retrouver les auteurs de l’agression et la trace des joyaux volés.
Ne cachant pas son anticléricalisme, le policier chargé de l’affaire soupçonne des prêtres d’avoir commis ce vol. À Saint-Corentin, Clémence comprend vite que le coupable s’est laissé enfermer la veille au soir. Un complice ayant dérobé la charrette d’un voisin, ils ont filé vers la gare de Quimper. Effectivement, le butin est déjà à Paris. Les hommes de main l’ont livré au trafiquant Marcel Mercator, dit MM. Sur les conseils avisés du Professeur, celui-ci organise la razzia dans les églises de Bretagne et de la capitale. Mercator envoie ses sbires partout, avant que les autorités religieuses ne réagissent. À Nizon, petite commune près de Pont-Aven, un jeune abbé est assassiné lors du pillage de la chapelle. C’est sans doute la même bande qui s’est attaquée simultanément à la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. Marié à une sévère institutrice, le juge Pommart suspecte autant des romanichels que Paul Gauguin et ses amis artistes.
Du côté de Rouen, sir Henry Chippenham est un collectionneur d’œuvres d’art assez extravagant. Lui aussi est conseillé par un expert, et dispose d’une bande de malfrats. Les Vierges noires l’intéressent tout particulièrement. Chippenham entre en concurrence avec Mercator et ses hommes, chargeant sa bande de multiplier les pillages. Alors que sa tante la sacristaine se remet peu à peu du choc, Clémence poursuit sa villégiature au manoir familial. Gilles, son amant parisien, l’a rejointe. On apprend que les voleurs visent maintenant les vitraux d’églises. Plus surprenant encore, le juge Pommart est arrêté pour vol d’objets religieux. On en a découvert dans sa cave, après une dénonciation anonyme. À Paris, l’église Saint-Étienne-du-Mont est la cible des pilleurs, qui dont deux victimes. Clémence et Gilles retrouvent bientôt leurs amis parisiens Bouboule, Bébert et Antoine, poursuivant l’enquête à partir des Puces de Saint-Ouen…
Jeune femme de bonne famille, Clémence de Rosmadec possède des talents d’enquêtrice, mais n’a rien d’une justicière : “…Clémence, bien à contrecœur, sentit que son devoir était de démasquer les assassins. Elle n’avait pas pour eux ce que l’on appelle de la haine, et ne souhaitait pas davantage les voir punis. Elle éprouvait juste l’absolue nécessité de les démasquer pour que cessent leurs crimes.” D’ailleurs, si elle suit de près cette série de vols, elle n’interrompt pas son séjour estival dans la demeure familiale avec ses amis. Clémence côtoie les peintres qui se sont rassemblés autour de Gauguin, chez Marie Henry, au Pouldu. Dans ce contexte, l’histoire se passe d’ailleurs quelques semaines après le suicide de Van Gogh.
Quant aux pillages d’édifices religieux, non sécurisés à cette époque, le sujet apparaît aussi véridique qu’intemporel. Si les prêtres étaient bien plus nombreux que de nos jours, leur capacité à affronter des malfrats restait probablement faible, en effet. Nuançons quand même la rapidité de l’information transmise par les journaux qui, en réalité, était alors bien lente. Ce roman décrit autant la Bretagne d’autrefois, ses décors et ses trésors religieux, qu’il évoque l’ambiance du Paris populaire de jadis. Riche en péripéties et en documentation, ce suspense se lit très agréablement.