L’an dernier, j’avais chroniqué “Starvation Lake” de Bryan Gruley. Ce très bon roman est réédité en format poche, chez Points, sous un titre à la tonalité plus criminelle : “Un mort à Starvation Lake” (disponible dès le 3 février 2011). Ce qui offre l’occasion de souligner un élément essentiel. Il ne faut pas se tromper de "grille de lecture" concernant cette histoire. Certes, on nous présente des personnages, dont on montre les comportements et la psychologie, confrontés à une affaire énigmatique. Mais, avant les protagonistes, c’est la petite ville elle-même et ses sombres secrets qui priment dans l’histoire.
Starvation Lake a bénéficié d’un essor et d’une prospérité, qui masquaient une
réalité beaucoup moins reluisante. Le hockey ayant été le moteur de cette expansion, on ne doit pas s’étonner que le journaliste Gus Carpenter l’évoque tel un leitmotiv. Alors adolescent, il
garde des bons souvenirs de ce temps-là, qu'il nous raconte. Certains épisodes furent, pour lui et d’autres, moins agréables. Si, désormais, il y a une malédiction sur cette ville, c’est à cause
du hockey. Parmi ceux qui ont vécu ou connu les faits, personne n’est innocent. L’auteur crée une ambiance troublante, où planent les non-dits, l’imprécision hypocrite des mémoires.
Gardons en tête que c’est ce "destin collectif" qui importe. Il convient de s’installer dans ce noir suspense, de se mêler à la vie des habitants de la ville, afin d’apprécier cette intrigue à sa juste valeur…
Starvation Lake est une petite ville au nord de l’État du Michigan, en bordure du lac éponyme (ce nom signifie “lac famine”). Une région proche de la frontière canadienne, où les hivers sont particulièrement froids. Après avoir été employé dans un quotidien de Détroit, Gus Carpenter est revenu diriger le journal local de sa ville natale, qui a connu des périodes plus fastes. Gus se souvient de l’époque où Jack Blackburn s’installa dans le secteur. Il entreprit de créer une solide équipe de hockey sur glace, dont il fut le coach incontesté. Après des débuts décevants, Blackburn parvint à motiver les “River Rats” qui gagnèrent bon nombre de compétitions. Dans l’équipe, il y avait Gus, son meilleur ami Soupy, l’arrogant Teddy Boynton, d’autres encore, qui vivent toujours ici.
Leurs succès contribuèrent à la prospérité de Starvation. La marina du père de Soupy attirait les touristes. Patron du pub Enright’s, Q.G. des supporters du club de hockey, Francis Dufresne investissait dans l’immobilier. Blackburn était le héros de la région, admiré de toutes générations. Ce n’est pas l’échec des “River Rats” en finale, qui entraîna le déclin de la ville. Ce fut la mort accidentelle du coach Blackburn. Une nuit, sa motoneige coula avec lui dans le lac gelé. Régisseur du club, Léo en fut témoin et tenta en vain de le sauver. On ne retrouva jamais son cadavre, ce qui n’est guère étonnant. Dix ans plus tard, certains évoquent encore de fumeuses hypothèses sur sa mort.
Aujourd’hui, pour relancer Starvation Lake, Teddy Boynton veut investir dans une nouvelle marina. Il n’hésitera pas à causer du tort à Soupy, mal organisé et largement endetté. Gus Carpenter ne tient pas à aider Boynton grâce au journal, pour qu’il enfonce son ami Soupy. La motoneige de Blackburn est retrouvée par hasard. C’est bien la sienne, mais elle n’est pas dans le lac où il a disparu. Joanie, jeune collaboratrice de Gus qui possède un vrai talent de journaliste, mène immédiatement l’enquête. De son côté, Gus s’interroge. Le vieux Léo n’a jamais été très loquace. Il reste marqué par l’accident mortel du coach. Le shérif Dingus Aho ne simplifie pas l’enquête du journaliste. La policière adjointe Darlene, ex-amie de cœur de Gus, ne peut pas vraiment l’aider, mais reste protectrice. Gus consulte les archives du journal, conscient que Blackburn avait caché des choses sur une partie de son passé…