Action-Suspense a déjà évoqué les romans de Sylvain Jazdzewski (cliquez ici). Il vient de publier son nouveau titre “Macchab’ en eau douce”, dans la collection Riffle Noir. On aura bientôt l’occasion d’en parler ici. Sylvain Jazdzewski a répondu à une interview dans le fanzine DEVYLS-CROZIAN. Voici quelques extraits de cet entretien, où il démontre son non-conformisme.
Vos livres se déroulent dans des villes imaginaires. Pourquoi ?
S.J.: Je ne vois pas l’intérêt de situer l’action très exactement.
La fiction, c’est aussi ça, ne pas lire un dépliant touristique… Je crée des personnages et une ville. La ville ne doit pas être décor/excuse… Je trouve plus satisfaisant de faire
évoluer mes personnages dans des rues aux noms plus évocateurs que ceux qu’on peut trouver… J’aimerais une rue George Harrison, une rue Almodovar ou une nationale Miles Davis. Alors je préfère
inventer des noms de rues qui me plaisent… Je ne pense pas écrire pour les personnes qui veulent retrouver leur rue ou leur quartier.
On a l’impression que le style est important, chez vous ?
S.J.: C’est sûr que je n’écris pas comme Proust ou d’Ormesson… Je préfère utiliser un langage qu’on dirait parlé, oral plutôt qu’un langage chiadé. Alors là oui, c’est clair, je me mets à dos le grammairien et le pseudo respectueux de la langue, le lecteur du Goncourt aussi bien que celui qui croit qu’il ne faut pas dire “des chevals”. Mais j’assume. La langue française est un polysystème en perpétuelle évolution.
Plutôt Céline que Mauriac ?
S.J.: Le problème avec Céline, c’est les gens qui disent : J’aime bien, mais… J’en ai rien à foutre qu’il ait été antisémite. Je n’ai pas lu et ne lirai jamais Bagatelle pour un massacre pas plus que je ne lirai Mein Kampf ou autres balivernes raciste, nazie, communiste, colonialiste, guerrière ou faisant appel à la haine. Simplement, chacun a ses opinions et on n’est pas obligé de les partager. Donc, oui Céline est un grand auteur, et je ne dirai jamais : J’aime bien, mais… L’autre problème, c’est qu’on lui est systématiquement comparé dès qu’on s’éloigne du style traditionnel. Faudrait un peu dire à ces gens-là que Bardamu était un passeur, une borne dans la littérature et pas un maître étalon. Depuis, d’autres comme Audiard ou San-Antonio ont fait entrer le langage dans une autre dimension. On retrouve le même problème avec Zola. Dès qu’on traite un sujet dit social, on est comparé à l’auteur de Germinal. C’est gonflant. Et ça dénote une culture scolaire par trop envahissante… Faut réveiller les gens saturés de normalité…
Pourtant vos personnages sont caractéristiques, représentatifs de la société française ?
S.J.: Plutôt tournés vers les marginaux, oui, mais pas que… Chez moi, les gens ne sont ni bons, ni mauvais, ils tentent d’exister comme tout le monde, se débattent dans la merde ambiante. Pas de cocktails à l’ombre des piscines, pas de serial killers qui dégomment à tout va ou de mafieux qui gèrent des quartiers malfamés. Par contre, des gens qui n’arrivent pas à payer leur loyer, des qui slaloment entre dégoût et tristesse, des qui n’arrivent pas à vivre la vie telle qu’elle devrait être, des qui sont écrasés par la morosité, ça oui…
Polar ou roman noir ?
S.J.: Je préfère parler de roman noir. Comme la vie de mes personnages. Polar oui, car on y trouve des éléments propres à une enquête. Mais pas roman policier, surtout pas… Il faut différencier le polar du côté de l’ordre, bien propret, avec rien qui dépasse, et celui qui fait tâche, qui sort des sentiers battus… Chez moi, le flic n’est pas un parangon de justice, il sait très bien que tout ça c’est magouille et compagnie. Comme dans la vie, on trouve plusieurs crimes commis et un parcours aléatoire entre le bien et le mal, ou plutôt l’ignorance et le savoir… Et puis, écrire sur un flic, ça ne me correspond pas. Pour moi, le flic c’est celui qui m’arrête parce que je n’ai pas d’assurance bagnole ou qui me dit de dégager. Je ne peux décemment pas écrire sur ce genre de personnage. Ou alors, il est hors norme, comme mon Ledru. J’écris plus pour ceux qui se font arrêter dans la rue que pour ceux qui veulent que les chaussettes à clous protègent leur petit capital…
Venu de la poésie, aviez-vous le besoin de changer d’univers ?
S.J.: Je voulais raconter des histoires, ce que je faisais déjà avec ma poésie. Donc, oui, créer un personnage récurrent
et le voir évoluer, cette idée m’a été suggérée par mon éditeur. Dans La tectonique des ploucs et sa suite Les rentiers de la perdition, Ledru combat plus ses propres problèmes
que le crime… Dans La guerre des mistons, ce soit trois gosses qui sont confrontés aux mêmes genres de problèmes… J’essaie de ne pas m’enfermer dans des clichés. Même si j’en utilise
certains comme les mafieux russes ou la secte satanique. Et puis, il fallait éviter le trip classique: un crime et le flic qui résout le truc. Là, il évolue avec son collègue et Germaine, et
préfère participer à une association qui tente d’aider les junkies. On n’est pas chez Navarro, quoi… Macchab’ en eau douce est le suivant. On
y retrouve Ledru dans un schéma plus classique, à savoir un crime de départ qui reste une énigme tout au long du récit…
Quels sont vos auteurs préférés ?
S.J.: Pas facile de répondre à ça. Cendrars, Bloy, Du Bellay, Cioran, Calaferte, Marcel Aymé, pour les classiques comme on dit. Goodis, Ken Bruen, Siniac, Pouy, Philip K.Dick, Dantec, Kureishi, Charyn, Schopenhauer, liste non exhaustive… De toutes façons, j’ai plus été influencé par les critiques comme Patrick Eudeline ou Philippe Garnier, ou les traductions des textes de Paul Weller, Ray Davies ou Neil Young. C’est ça qui m’a incité à écrire…
© fanzine DEVYLS-CROZIAN.
Les romans de Sylvain Jazdzewski sont publiés par Le Riffle :
www.leriffle.com