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15 septembre 2010 3 15 /09 /septembre /2010 06:05

 

Le nouveau roman de Serge Quadruppani Saturne (Le Masque) est disponible depuis septembre 2010. Tentons un petit survol de l’intrigue, bien plus copieuse que ne l’indique ce résumé…

Saturnia est une localité au sud de la Toscane, où se trouve un établissement thermal réputé pour ses sources chaudes et soufrées, très apprécié des Italiens. Ce week-end, il est fréquenté par beaucoup de monde. Un homme surgit, qui tire sur trois femmes se trouvant dans la piscine, blessant aussi gravement une adolescente. Il disparaît avant que quiconque ait réagi. Les victimes sont Maria Salvina, venue là avec son amante Giovanna; Frédérique Play, épouse d’un célèbre artiste français; Rita Gardonni, mère de famille dont la fille Sylvia est dans le coma. Témoin de la scène, le détective Cédric Rottheimer est sûr que le tueur était un spécialiste en mission, il avait abattu précisément trois personnes prises au hasard mais pas une de plus, puis tiré pour semer la panique, au-dessus des têtes. Chargée de l’enquête, la commissaire Simona Tavianello partage l’opinion de Rottheimer. QUADRUPPANI-2010Grassouillette quinquagénaire à la crinière blanche, policière à l’Anti-Mafia, Simona a le soutien du procureur Bianchi. Par contre, dans ce dossier pourri, elle doit se méfier d’autres officiels, tel ce facho de Febbraro.

À l’heure où le G8 se réunit à l’Aquila, la piste d’Al-Quaeda apparaît peu crédible, malgré la revendication adressée par e-mail. On ne peut exclure que l’ombre de la Mafia plane une fois encore sur ce carnage. En réalité, le tueur est un Français nommé Jean Kopa, en mission pour la Défense Dubien. Les activités secrètes de cette société sont liées à des enjeux internationaux. Kopa veut cesser ce métier, principalement pour s’occuper de sa sœur Jeanne, lourdement handicapée. Il en a les moyens, mais doit buter quelques traîtres et assumer au moins une autre mission. En coulisse, deux financiers pensent que l’affaire Saturnia les concerne. Provocateur, Gérard Todos a pu énerver les Partenaires Associés, omnipuissant groupe aux intérêts masqués par leurs manœuvres financières. Son éminence grise George Palo a perçu le message, lui aussi. En Italie, Simona se concentre difficilement sur l’enquête. D’autant que l’ancien commissaire Aldo Maronne vient d’être abattu. Puis c’est le vice-questeur de Bologne, Jacoppo Sarasso, qui disparaît mystérieusement. Deux des meilleurs amis de Simona.

Le détective Cédric Rottheimer est embauché par plusieurs clients, les proches des trois victimes de Saturnia. Ils créent un comité pour obtenir la vérité et la justice sur l’affaire. Le plus nerveux du groupe est le fils Gardonni, Ricardo, dont la jumelle est toujours dans le coma. Pour moi, la vengeance c’est la même chose que la vérité et la justice affirme le jeune homme, avec véhémence. À Paris où il poursuit l’enquête, Rottheimer est victime d’un accident. En Italie, Simona pense à démissionner. Le procureur Bianchi tente de la remotiver. Une lettre posthume de son ami Aldo lui offre des éclaircissements sur le contexte du dossier Saturnia. Tandis que Simona est accusée d’avoir les accointances avec la N’drangheta, Ricardo et le comité espèrent trouver des réponses en France…

 

Ce foisonnant roman comporte plusieurs niveaux de lecture, chaque approche étant intéressante. D’abord, nous avons là une histoire aux multiples péripéties (…c’était un rebondissement comme aucun auteur de polar sérieux n’aurait osé inventer.), riche en secrets occultes, cultivant une ambiance à suspense. Quadruppani s’inscrit dans la meilleure tradition de la Littérature populaire, celle de Féval ou de Gaboriau, qui relance en permanence l’attention du lecteur, qui détaille portraits et descriptions tout en gardant une admirable souplesse narrative…

Il avait répondu qu’il n’était pas écrivain mais qu’il le regrettait, car la littérature disposait de plus de moyens que le journalisme ou l’enquête policière pour dire la vérité d’une époque. Voici donc une deuxième entrée : c’est le monde actuel qui est évoqué ici. Dans nos systèmes, il n’existe plus vraiment de fossé entre argent sale et fortune honnête. Multinationales et Mafias sont synonymes, utilisant des méthodes identiques, non sans violence. Il porte un joli nom Saturne, mais c’est un Dieu fort inquiétant chanta Georges Brassens. Saturne dévora ses enfants, comme notre société cannibalise les siens…

Troisième aspect, l’humour. Car c’est aussi une intrigue pleine d’ironie et de dérision que nous propose l’auteur. Quand, par exemple, il fait un clin d’œil au célèbre village de Tarnac, ou lorsque la commissaire Simona adopte les animaux de son défunt ami, on sourit évidemment. Bien d’autres passages nous offrent une tonalité enjouée, fort agréable. Et quand les proches des victimes rencontrent le Maestro, immense écrivain Sicilien, cela nous donne une scène savoureuse. Excellent traducteur, Serge Quadruppani est tout autant un romancier inspiré.

 

MARS 2011 - "Saturne" est récompensé à Lyon par le Prix Quais du Polar-20 Minutes.

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commentaires

C
<br /> Bonjour Claude,<br /> Je suis en train d'écrire mon papier sur Saturne et je fais un rétro lien vers le tien.<br /> Je n'avais pas, jusqu'à aujourd'hui, lu cette réponse à mon dernier commentaire et je découvre que je dis un peu la même chose sur la différence entre les auteurs qui se regardent écrire et ceux<br /> qui s'amusent à le faire comme Quadru.<br /> Pour le reste de ce que tu me réponds, je manque de nombreuses références en littérature populaire (formation universitaire oblige) mais moi aussi, j'aime vraiment de plus en plus tout ce qui est<br /> sous-jacent à l'intrigue principale. Pour moi, le meilleur exemple étant James Sallis (dans un style très éloigné de ce qu'on évoque ici évidemment) qui, sans que le sujet principal ne devienne<br /> prétexte, parvient avec des mots simples et précis à pointer bien autre chose que l'on devine plus important au fur et à mesure qu'on avance dans la lecture.<br /> Pour finir, pour aujourd'hui du moins, je suis impressionné, et de plus en plus, quand je lis un roman dont je me dis: "on ne pourrait pas enlever une ligne ni en ajouter une autre. Tout est dit,<br /> rien n'est oublié". Un sentiment que j'ai ressenti avec Coe et son dyptique par exemple ou, pour revenir au Noir, avec "Rupture" de Simon Lelic...<br /> J'arrête là. Pour le moment<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Je ne disais pas que tu soutenais des mauvais. Je disais simplement qu'on oublie souvent de parler des auteurs qui ont une voix, plutôt qu'un style d'ailleurs. Et puis je provoquais un peu, je dois<br /> dire.<br /> J'en parlerai bientôt aussi mais déjà, je te rejoins: on peut ce livre à plusieurs niveaux. D'ailleurs, des deux autres Quadru que j'ai lus, c'est un peu une constante.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Salut Cynic,<br /> <br /> <br /> Plusieurs approches ou entrées, plusieurs grilles de lectures parallèles, j'avoue que j'ai un faible pour ces romans-là. Je prendrais l'exemple du dernier Boston<br /> Teran. Certes, c'est une road-story un peu western, ou bien on suivra la relation père-fils, mais vu l'ambition de cet auteur j'ai considéré l'impérialisme financier américain comme premier<br /> thème. Trois niveaux de lecture, finalement assez éloignés.<br /> <br /> <br /> Ce serait vrai pour bon nombre de polars, d'hier et d'aujourd'hui, où les idées sous-jacentes sont plus excitantes que le thème principal. Si tu lis les vieux romans<br /> de G.J.Arnaud dans la coll.Spécial-Police du Fleuve Noir, tu as souvent ces "deuxièmes couches" derrière l'histoire. Si tu lis Kââ, non seulement tu as la fuite en avant du héros-sans-nom,<br /> mais tu comprends toute la marginalité de certains par rapport à la société.<br /> <br /> <br /> Des exemples, on pourrait en citer des centaines parmi les Français, sans se réferrer aux auteurs d'outre-Atlantique. Cela dit, moi qui adore Ed McBain, Charles<br /> Williams ou William Irish, j'y ai retrouvé très souvent ces "entrées" différentes.<br /> <br /> <br /> Sur la question d'avoir "une voix" plus qu'un style, je parle moi d'avoir "un plaisir d'écriture". L'auteur qui se force, voulant "innover" ou même "construire"<br /> artificiellement son intrigue, on le sent très vite. Des fois, si c'est juste pour amener son sujet, pas grave. Mais genre 300 pages à ce rythme, c'est pénible (non je ne cite pas d'exemple, vu<br /> que je laisse tomber dans ces cas-là). Par contre, le plaisir de fignoler son histoire, de s'amuser avec ses personnages, d'entraîner des situations même hénormes, de nous étonner - de nous<br /> épater, parfois... Yes, je suis client.<br /> <br /> <br /> Enfin, il y a ceux qui savent ce que Littérature populaire signifie (c'est le cas de Serge Quadruppani), et puis ceux qui n'ont qu'une vague idée du plaisir que nous<br /> recherchons, nous autres lecteurs. Là, vaste débat !<br /> <br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Ben voilà: lu en un jour et demi...Quel roman!!! Dire qu'on a des gens comme ça en France et qu'on encense des...allez, je ne vais pas être méchant<br /> Amitiés!!!<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Eh eh, salut Cynic !<br /> <br /> <br /> Tu le sais, je n'ai pas pour habitude de recommander des mauvais ! Très heureux que Quadruppani t'ait ainsi convaincu. Ouais, Français et Francophones sont<br /> souvent à la hauteur, ce que je ne cesse de montrer ici. Il n'est pas "méchant" de le souligner, il faut juste que certains lecteurs "purs et durs du roman noir" fassent preuve d'une plus<br /> large curiosité. Les bonnes surprises sont plus nombreuses que les romans médiocres.<br /> <br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> J'en suis pratiquement à la page 100. C'est du lourd, du bon, de l'excellent même. Quel écriture en plus!!!<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> T'inquiète, Cynic, on a rectifié : "Quelle écriture".<br /> <br /> <br /> Si mon commentaire sur ce livre a été plus long que d'ordinaire, ce n'est pas par hasard. Riche, ce bouquin, et tu n'as pas fini d'être épaté...<br /> <br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br /> .<br /> <br /> <br /> <br />

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