Le précédent titre de Serge Quadruppani “Saturne” (Le Masque, 2010) a été récompensé par le Prix des Lecteurs du Festival Quais du Polar 2011. Chez le même éditeur, voici le nouveau roman de cet auteur “La disparition soudaine des ouvrières”…
Le couple Tavianello est en vacances dans une vallée italienne du Piémont, entre San Giorgio al Monte, Sestrières et Pinerolo (Pignerol). Amateurs de miels, ils découvrent un meurtre chez l’apiculteur local Minoncelli. Ce n’est pas ce militant qui a été abattu, mais Maurizio Bertolazzi. La victime était ingénieur au service d’une multinationale de l’agroalimentaire, Sacropiano. Très ennuyeux, l’arme du crime venait d’être volée à la commissaire Simona Tavianello, dans sa chambre d’hôtel à son insu. La pulpeuse policière quinquagénaire, membre de la Direction Nationale antimafia, n’est évidemment pas soupçonnée par Calabonda, adjudant des carabiniers chargé de l’enquête. Par contre, ayant commis de précédentes bévues, il souhaite que la commissaire lui apporte son aide officieuse. Tandis que son mari quitte bientôt la région, Simona Tavianello reste pour enquêter.
L’apiculteur Minoncelli n’est pas suspect puisque, avec son comité de défense, il menait une action militante chez Bertolazzi. Simona pense que les deux hommes n’étaient probablement pas si opposé, car l’ingénieur offrait des informations à l’apiculteur. Simona se méprend d’abord sur Giuseppe Felice, qu’elle croit être un agent des services secrets italiens. En fait, ce journaliste du Quotidiano delle Valli est un garçon timide. Ce qui ne l’empêche pas de bien connaître les réalités de la région, de savoir que la victime était gay, et d’être bien renseigné sur les questions liées aux abeilles qui disparaissent massivement. Une nouvelle victime est abattue, un homme qui venait s’attaquer aux ruches de Minoncelli. Près du corps, une revendication évoque la “Révolution des Abeilles”. Or, il y avait déjà un tract assez semblable autour du premier meurtre.
L’adjudant Calabonda organise une opération spectaculaire pour cerner Mehmet Berisha, berger albanais et amant de l’ingénieur assassiné. Simona intervient à temps afin d’éviter au carabinier une erreur supplémentaire. Si la commissaire est importunée par le journaliste Ciuffani, elle ne sait pas encore que celui-ci est proche des services secrets de l’AISI. Au sujet des abeilles, quelles infos sont les plus fiables. Celles du professeur Marini, scientifique un peu excité, ou celles de Francesco Signorelli, directeur du Centre de recherche de Sacropiano ?
Simona imagine que le groupe agroalimentaire mène dans cette vallée un projet douteux quant au respect de la nature et des humains. Quand un attentat raté vise le Centre de recherche, la piste éco-terroriste apparaît probable. Calabonda en suit une autre, grâce à une bouteille de whisky. Si un tireur d’élite rôde dans les environs, est-il vraiment plus dangereux que les expériences de Sacropiano ?
En lisant ce survol de l’intrigue, on aura compris qu’il existe deux lectures de cet excellent roman. Il s’agit bien d’une enquête policière, dans l’Italie actuelle. Avec une commissaire chevronnée plutôt frondeuse, et un adjudant des carabiniers pour lequel cette affaire comporte un enjeu personnel. On va même croiser le Dr Pasquano, médecin légiste sicilien, irascible ami du commissaire Montalbano. On suit avec intérêt les investigations qui mèneront au coupable.
L’auteur développe aussi, et surtout, une autre thématique. Il y est question des abeilles, comme l’on sait menacées par les trop puissants produits phytosanitaires. Bien que les apiculteurs aient alerté l’opinion, les pollueurs continuent à décimer les essaims, puisque les politiciens n’inquiètent pas les multinationales concernées. Et si leurs projets étaient encore plus fous, incluant des technologies nouvelles ? Au nom de l’acceptabilité sociale, dont les processus sont décrits ici, l’impact sur tout être vivant peut devenir catastrophique. En particulier, pour nos libertés.
Serge Quadruppani mêle avec son habileté coutumière suspense et sujet de société, intrigue policière et réflexion sur notre époque. Un peu plus qu’un polar, donc !