Que le grand détective rencontre Karl Marx ("Marx et Sherlock Holmes", d’Alexis Lecaye) ou Sigmund Freud ("La solution à 7%", de Nicholas Meyer), qu’il enquête sur une affaire d’espionnage en Écosse ("La vie privée de Sherlock Holmes", de Michael et Mollie Hardwicke) ou qu’il recherche Jack l’Éventreur ("Sherlock Holmes contre Jack l’Éventreur", d’Ellery Queen, ou "Duel en enfer", de Bob Garcia), le personnage créé par sir Arthur Conan Doyle a été maintes fois utilisé au cinéma ou dans des romans apocryphes. Maurice Leblanc a même imaginé une confrontation entre son gentleman cambrioleur et le plus grand détective du monde dans "Arsène Lupin contre Herlock Sholmes". En 2010, le film de Guy Ritchie avec Robert Downey Jr et Jude Law, sobrement intitulé "Sherlock Holmes", montre qu’il est une intarissable source d’inspiration.
Qu’aimons-nous chez lui ? Le fait qu’il compte sur son intelligence et son sens déductif pour tout résoudre, ou les failles de son comportement largement dues aux hallucinogènes ? À moins que notre préféré soit le Dr Watson, confident et biographe de Holmes, partenaire jouant volontiers la surprise pour ne pas déstabiliser son ami. Et Mycroft, ce frère aîné de Sherlock, membre d’un prestigieux club de gentlemen, qui fait partie de l’élite (secrète ?) des dirigeants de l’Empire britannique. Sans oublier le méchant universel, Moriarty, dont on suggère parfois que ce peut-être quelqu’un appartenant à la famille de Holmes. Toutes ces aventures se déroulent dans l’Angleterre victorienne, qui semble si puissante face à cette Europe instable de la fin du 19e siècle. Héros et contexte se mélangent, expliquant notre plaisir de suivre les éternelles enquêtes de Sherlock Holmes. Le fait qu’il s’agisse d’un des premiers héros apparaissant dans une série de romans et nouvelles en fait, bien sûr, un personnage historique pour tout amateur de romans.
Né en 1925, René Réouven s'est vu décerner le Grand Prix de Littérature policière 1971 pour "L'assassin maladroit". Il est un des rares auteurs incontestés par les admirateurs de Sherlock Holmes. Avec astuce et subtilité, il respecte le “canon holmésien”, la Bible établie d’après les écrits de sir Arthur Conan Doyle. Relisons cet extrait du "Dictionnaire des Littératures Policières", de Claude Mesplède : “En 1982, il entame avec "Élémentaire, mon cher Holmes" (Prix Mystère de la critique) un cycle consacré à Sherlock Holmes, qu’il pastiche à merveille. Ainsi, "Le bestiaire de Sherlock Holmes" (1987) relate plusieurs enquêtes restées inédites du célèbre locataire de Baker Street (Le rat géant de Sumatra, Le cormoran des Orcades, etc.) "Le détective volé" (1988) propose quant à lui une singulière aventure : lassé d’entendre dire que son détective lui a été inspiré par le chevalier Dupin, Conan Doyle envoie Holmes et Watson enquêter sur Dupin et Poe en utilisant la machine à remonter le temps imaginée par H.G.Wells.” A Paris, les deux hommes rencontrent le fameux ex-bagnard devenu policier, Vidocq, qui inspira plusieurs écrivains.
La difficulté n’est pas de copier, d’imiter, de parodier, mais de conserver l’esprit des aventures de Sherlock Holmes. Le détective ne s’intéresse à un faits divers que s’il comporte suffisamment d’étrangeté énigmatique, comme on le voit par exemple dans "Le chien des Baskerville" où il envoie d'abord Watson vérifier si le cas est digne de lui. Un simple mystère, qu’il conclurait en une rapide démonstration, ne suffit pas à son génie disséquant les arcanes de la perfidie humaine. Conan Doyle a écrit des Sherlock Holmes jusqu’à ce que le jeu devienne trop pesant pour lui. D’autres y ont encore trouvé un certain amusement, comme René Reouven. L'introduction du roman "Le détective volé" montre bien comment tout est possible avec ces personnages.
Les “Histoires secrètes de Sherlock Holmes” (celles que Watson a évoquées sans les raconter, et celles qu’il n’a jamais osé évoquer) sont aujourd’hui diffusées dans la collection Folio policier (en plus de 1100 pages). Une bonne occasion de prolonger le plaisir de côtoyer le grand détective.