Des suspenses aux ambiances très différentes, bien sûr. Pourtant, tous deux comportent une cruauté certaine. Dans les deux cas, il y aura un enlèvement. Mais le mot victime n’a pas du tout le même sens, selon ses deux contextes. Très éloignés, donc, mais tout autant passionnants…
Sam Christer : Les héritiers de Stonehenge (Pocket)
Situé dans le comté du Wiltshire, le monument mégalithique de Stonehenge est universellement connu. Érigé depuis l’époque néolithique, il se compose d’un
ensemble de structures circulaires concentriques. Étudié par des archéologues qui en ont recensé les moindres détails, le site prête à divers mythes religieux ou sataniques. De nos jours, il est
hanté par un étrange cercle secret. Lors d’une cérémonie au rituel macabre, un homme va être cruellement sacrifié. Au final, sous la direction du Maître de l’enceinte, les Disciples sont bénis et
marqués par le sang de la victime. Peu après, les dignitaires de cette secte apprennent le suicide d’un des leurs, le professeur Nathaniel Chase. Ce scientifique possédait une réputation de
pilleur de trésors historiques, grâce auxquels il s’est enrichi.
Son fils Gideon Chase est archéologue à Cambridge. Depuis longtemps, il n’avait plus de contacts avec son père. Nathaniel Chase lui a écrit une lettre posthume, pouvant laisser supposer que le professeur détenait un secret. Alors qu’il arrive au manoir de son défunt père, Gideon Chase est agressé par un cambrioleur. Ce dernier incendie le bureau du professeur, avant de parvenir à s’enfuir. Blessé, Gideon est hospitalisé. Jeune mère de famille élevant seule sa fille, l’inspectrice de police Megan Baker enquêtait déjà sur le suicide. De retour au manoir, Gideon découvre la pièce dissimulée où son père cachait sa documentation. Si son journal personnel est codé, Gideon possède le tableau permettant de le traduire. Les Disciples des Esprits sacrés, descendants de ceux qui érigèrent le sanctuaire de Stonehenge préparent la suite des cérémonies. Ayant partout des relations, le Maître de l’enceinte surveille les agissements de Gideon, ainsi que l’enquête de Megan Baker…
Tous les éléments sont en place pour nous offrir un roman d’aventure, plein de danger et de mystère, avec ses références ésotériques ou (pré-)historiques. Gideon, universitaire sans prestige, et Megan, jeune policière lambda, nous apparaissent d’abord comme des personnages ordinaires. Confrontés à des questions sans réponses et aux périls qui les menacent, leurs caractères respectifs gagnent en puissance au fil du récit. L’auteur nous convainc aisément que puisse exister ce genre de secte, dont les pratiques occultes restent, pour le moins, radicales. On ne tarde pas à se laisser emporter par les multiples péripéties, d’autant que le découpage scénique apporte un rythme certain à la narration.
Pierre Lemaitre : Alex (Le Livre de Poche)
Infirmière intérimaire, Alex Prévost est une très jolie célibataire trentenaire. Habitant Paris, elle change souvent d’adresse. Elle a peu d’attaches avec sa
mère ou son frère, de sept ans plus vieux qu’elle. Alors qu’elle rentre chez elle, Alex est enlevée rue Falguière. L’homme la kidnappe dans son fourgon, avant de la séquestrer dans un bâtiment
désert. Elle ne connaît pas son ravisseur, quinquagénaire à l’air rustre. Il l’oblige bientôt à se dénuder, puis l’enferme dans une caisse à claire-voie. La cage est suspendue bien au-dessus du
sol par une corde. Alex se trouve souvent seule, le kidnappeur passant de temps à autre pour “la regarder crever”. Elle finit par réaliser qu’elle a connu le fils de cet
homme. Le martyre de la captive passe à un autre niveau, quand il place des rats autour de la cage. Les chances de s’en sortir s’amenuisent.
L’enlèvement d’une jeune femme a été signalé. Le commandant de police Camille Verhœven est chargé de l’affaire. Ce caractériel a vécu un drame similaire avec sa défunte compagne Irène. Il n’est probablement pas le meilleur enquêteur pour ce genre de cas. Avec le jeune dandy Louis et ce vieil avare d’Armand, il dispose néanmoins d’adjoints compétents. Par contre, il ne risque pas de s’entendre avec le juge prétentieux qui lui met la pression. Faire vite, lorsqu’on dispose de si peu d’indices, c’est bien difficile. On finit pourtant par identifier le kidnappeur. Cerner son domicile et lancer une opération du RAID, c’est l’idée du juge. Camille Verhœven pourchasse le suspect, qui se suicide. Le policier dispose de peu d’éléments pour retrouver la jeune captive. La police finit par définir où est séquestrée la disparue. Mais quand ils interviennent, la victime a disparu. En effet, Alex est parvenue à s’enfuir. Rien n’est fini pour autant…
Ces quelques pièces du puzzle sont loin de donner l’image d’ensemble. D’ailleurs, cette intrigue est un triptyque, suite de trois tableaux illustrant l’histoire d’Alex. Trois temps que l’on pourrait intituler : la captivité, la fuite, l’explication. On aurait tort, car Pierre Lemaitre est plus subtil. C’est un jeu entre la position de victime et celle de coupable qu’il a mis en place. Habile dans les faux-semblants, il a concocté ici un nouveau scénario à suspense fascinant…
[Puisque la question m'a été posée, tous mes "Polars Poches 2012" sont bien sûr des chroniques persos, et non des argumentaires éditeurs. L'idée est de présenter à chaque fois deux titres pour les lecteurs préférant ne lire que des formats poches]