"Podium Polars", qu’est-ce que ça veut dire ? Ni
sélection officielle, ni Prix attribué par Action-Suspense, c’est juste l’occasion de revenir sur les trois romans qui m’ont le plus marqué chaque année. Faire un bilan de mes lectures, choisir
parmi environ cent-cinquante romans chroniqués en 2010, n’en retenir que trois. Que décider ? Favoriser des méconnus, faire un clin d’œil à nos amis Québécois, citer par copinage des
auteurs amis, allonger la liste à une dizaine de noms ou davantage ? Non, le choix s’est finalement avéré très simple. Deux titres figurent dans la rubrique "Coup de Cœur", tant ils
m’ont enthousiasmé. Quant au troisième, le choix fut tout aussi naturel, évident. Il n’y a pas d’ordre de préférence dans le cas présent : un suspense, un roman noir, un auteur français. Ce trio
des meilleurs de l’années (opinion subjective assumée, qui n’engage que moi ) nous a offert des romans de qualité
supérieure. Voici donc le résultat de mes cogitations…
Le meilleur suspense de d’année : La maison où je suis mort autrefois, de Keigo Higashino (Actes Noirs)
Heureuse surprise que ce roman enthousiasmant, et même fascinant. La quête d’identité, l’appel aux souvenirs, un thème qui a été souvent traité. Les secrets liés à une maison, également. Keigo Higashino fait preuve d’une rare maestria dans l’évolution du récit. L’histoire progresse en nous offrant des clés, des éléments de compréhension, mais en ajoutant des questions supplémentaires. S’agit-il de faux-semblants ? Le narrateur lui-même parle d’illusion, mais précise “Le terme illusion n’est peut-être pas le bon.” Entre la famille disparue, l’héroïne Sayaka et son ex-petit ami, c’est plutôt un jeu de miroirs dont les reflets nous renvoient des uns aux autres. C’est une vérité très complexe que l’on recherche, pas la sympathie envers les personnages.
Le meilleur roman noir de l’année :
Le vertige de la chute, de Walter Mosley (Éd.Jacqueline Chambon)
Quel bonheur de déguster une véritable aventure de détective privé navigant aux frontières de la légalité, de savourer une authentique histoire de “durs-à-cuire”, riche en pugilats et en coups bas ! Walter Mosley s’inscrit dans la lignée des précurseurs du roman noir, Dashiell Hammett ou Raymond Chandler. Il respecte idéalement cette grande tradition. Il suffit de constater le soin apporté à l’élaboration de l’intrigue, précise et maîtrisée, pour réaliser qu’il s’agit bien d’un polar de qualité supérieure. Sans doute parce qu’il ne cache pas ses ambiguïtés, ses imperfections passées et présentes, le détective McGill est un personnage qu’on aime d’emblée, sans restriction. Il utilise son expérience de la vie pour ne jamais se laisser déstabiliser. Discernement qui lui permet d’être parfois bienveillant, voire d’éprouver une part de tendresse pour certaines personnes qu’il rencontre. Vieilles méthodes et techniques actuelles se côtoient dans cette enquête agitée, non dénuée d’humour. Mosley est aussi héritier de Chester Himes, évoquant la place des Noirs dans la société américaine actuelle.
Le meilleur roman français de l’année : Saturne, de Serge Quadruppani (Éditions du Masque)
Ce foisonnant roman comporte plusieurs niveaux de lecture, chaque approche étant intéressante. D’abord, nous avons là une histoire aux multiples péripéties (“…c’était un rebondissement comme aucun auteur de polar sérieux n’aurait osé inventer.”), riche en secrets occultes, cultivant une ambiance à suspense. Quadruppani s’inscrit dans la tradition de la Littérature populaire, qui relance en permanence l’attention du lecteur, qui détaille portraits et descriptions tout en gardant une admirable souplesse narrative… La deuxième entrée évoque notre monde actuel : “Il avait répondu qu’il n’était pas écrivain mais qu’il le regrettait, car la littérature disposait de plus de moyens que le journalisme ou l’enquête policière pour dire la vérité d’une époque.” Dans nos systèmes, il n’existe plus vraiment de fossé entre argent sale et fortune honnête. Multinationales et Mafias sont synonymes, utilisant des méthodes identiques, non sans violence. Saturne dévora ses enfants, comme notre société cannibalise les siens… Troisième aspect, l’humour. Car c’est aussi une intrigue pleine d’ironie et de dérision que nous propose l’auteur. Quand, par exemple, il fait un clin d’œil au célèbre village de Tarnac, ou lorsque la commissaire Simona adopte les animaux de son défunt ami, on sourit évidemment. Bien d’autres passages nous offrent une tonalité enjouée, fort agréable. Et quand les proches des victimes rencontrent le Maestro, immense écrivain Sicilien, cela nous donne une scène savoureuse. Encore bravo à Serge Quadruppani !
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