Voilà cinquante ans, le Grand prix de Littérature policière fut décerné à Pierre Forquin pour “Le procès du Diable”, en 1962. De son vrai nom Pierre Basson, cet auteur publia pour l’essentiel (six titres sur sept) chez Denoël, en particulier dans la collection Crime-Club. Sorti en 1961, “Le procès du Diable” était son quatrième roman. Il s’agit d’un suspense judiciaire, l’histoire étant racontée par l’accusé.
Âgé de quarante-cinq ans, Jacques Marennes est industriel en tissage, une grosse entreprise d’une ville de province. Marié, père de deux enfants, il vient de passer treize mois en prison. Il est aujourd’hui jugé pour le meurtre de Juliette Leroy, sa maîtresse de trente-deux ans, traductrice dans l’édition. Ils étaient amants depuis six années. Le 9 mars de l’année précédente vers 20h40, elle a été abattue de deux balles d’un revolver appartenant à l’accusé, portant ses empreintes, trouvé sur le lieu du crime. Marennes ne possède pas d’alibi car, au même moment, il faisait une promenade vespérale, sans témoin. L’homme qui partageait la vie de Juliette Leroy à Paris, un voyou prénommé Henri, avait retrouvé sa trace. Voilà pourquoi Marennes avait confié à son amante quelques jours plus tôt. Il nie avoir assassiné la jeune femme, bien que tout l’accable.
Le Président du tribunal semble équitable, l’avocat joue correctement son rôle, et les jurés sont attentifs. En particulier le Premier Juré, un ancien commandant dans toute sa rigueur militaire. Le commissaire chargé de l’enquête vient exposer les faits. Il n’y a eu ni effraction, ni agression, et la victime était d’une moralité sans problème. Gardien de l’entreprise de Marennes, Gaston Bridel prétend avoir compris que son patron avait rendez-vous avec la victime. Mais il est quelque peu dur d’oreille. Une ancienne employée, au caractère offensif, affirme que Marennes la menaça un jour avec son revolver. Ce qui confirme la réputation colérique de l’accusé, et qui contrarie fortement celui-ci car c’est exagéré.
Mlle Delpestre, amie de Juliette, Marennes s’en est toujours méfié, la trouvant plus sournoise que timorée. Afin d’établir que l’amant était un jaloux, elle cite un incident s’étant produit entre Juliette et lui, sur la route de Marseille à Cassis. Au deuxième jour du procès, les premiers témoignages restent défavorables à l’accusé. Puis vient le tour de son épouse, Germaine Marennes. Elle savait qu’il avait une maîtresse, mais dit qu’il n’a jamais été question de divorce entre eux. Ce qui n’est pas vraiment exact, mais elle a ses raisons. La défense présente enfin un témoin-clé qui peut, ou non, faire basculer le jury d’Assises. Il dit avoir plusieurs fois remarqué un homme suspect autour de chez la victime…
On peut se souvenir de ces grands procès de l’après-guerre (affaires Dominici ou Marie Besnard), que le public suivait alors avec passion à la radio ou dans les journaux. Les romanciers utilisèrent également cet engouement pour le judiciaire. Déroulement classique d’un procès, plus quelques retours en arrière pour fixer les détails de la vie privée de l’accusé, la construction du récit apparaît peu novatrice, mais très solide. Même si Marennes ne nous est pas antipathique, on ne peut jamais exclure sa culpabilité. Sa position de patron apporte certains inconvénients à sa défense, de même que sa relation adultérine. Le défilé des témoins illustre l’ambiance provinciale de l’époque, sans la caricaturer. Si la tonalité est plutôt feutrée, comme il sied dans ces débats, les faits se dessinent progressivement. Le suspense concerne le verdict, bien sûr, mais aussi la vérité du dénouement. Un roman de belle qualité, méritant sans doute ce prix littéraire.
Le livre suivant de Pierre Forquin, publié en 1962, s’intitulait “Le printemps fait toujours un peu mal”. Une intrigue fort mystérieuse, dans un décor simple. Un village de la vallée du Rhône, où l’hôtel local reçoit des clients attitrés. Il y a M.et Mme Martel, dont l’épouse est fort désagréable; Mlle Dumaine, jeune femme d’allure maladive; Binaze, un bonhomme quasi-transparent; Jordille, le marchand de grains qui ne loge pas là mais y prend ses repas; l’instituteur Vincent, qui a sympathisé avec Jordille et se sent attiré par Mme Dumaine. Un soir, il dérobe l’écharpe rouge de la jeune femme, afin de trouver un prétexte pour engager la conversation. Mais le train-train de ces gens va dérailler. La pulpeuse patronne de l’hôtel est retrouvée étranglée. Elle revenait de la gare d’une ville voisine, tandis que son mari allait à sa rencontre. Étranglée avec l’écharpe rouge de Mlle Dumaine. Impossible, se dit Vincent, puisque c’est lui qui possède encore cet accessoire. Il ne peut pas affirmer au commissaire qu’il existe deux écharpes identiques sans être suspecté. Selon la rumeur, Vincent passe pour l’amant de la victime. Les élèves comme leurs parents soupçonnent l’instituteur. Même Jordille n’épargne pas Vincent. Il existe bien d’autres pistes que le policier devrait exploiter…
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