Les éditions Points rééditent le roman de Pascal Garnier “Lune captive dans un œil mort”. Dans cette édition, Jean-Bernard Pouy signe une préface-souvenirs, en hommage à l’auteur décédé en mars 2010. Pour un téléfilm, Laurent Jaoui a adapté ce roman sous le titre “La Résidence” (avec Michel Jonasz, Hélène Vincent, Guy Marchand, Nicole Calfan). Il a été diffusé sur France3 le 24 mai 2011...
La résidence Les Conviviales, c’est le paradis des seniors. Un hameau clôturé et sécurisé, des maisonnettes fonctionnelles de plain-pied, un club-house et une piscine, le soleil du Sud toute l’année, voilà ce que promet le programme. Venus de Suresnes, Odette et Martial Sudre en sont les tout premiers habitants. Couple harmonieux sans enfants, ils se sentent ici comme en vacances. Odette déborde d’idées pour s’occuper, c’est une enthousiaste. Martial s’ennuie un peu plus, lui qui fut habitué à une certaine routine. D’autant qu’il pleut presque chaque jour, la réputation du Sud apparaissant exagérée. Et que le couple passe l’hiver sans aucun voisinage. Avec son air sournois, le gardien M.Flesh n’est guère loquace, ni tellement aimable.
C’est le 23 mars qu’arrivent enfin des voisins, Maxime et Marlène Node. Malgré des sourires étincelants et un aspect physique entretenu, ils ne sont pas aussi frais qu’ils l’affichent. Marlène Node évoque sans cesse son brillant fils Régis dans les conversations. On devine que Maxime, ex-commercial vendeur de serres, fut un bon vivant. Ils apportent un brin de fantaisie dans l’existence de Martial et Odette. Un peu plus tard, arrive une nouvelle résidente, Léa. Cette très belle femme se montre courtoise avec les deux couples. Elle ne tarde pas à les voir tels qu’ils sont : le boute-en-train Maxime, le timide Martial, la coquette Marlène, la studieuse Odette. Des gens tels qu’elle en a rencontré souvent. Léa masque ses failles, ce décalage qu’elle a connu toute sa vie durant.
Maxime tente de la draguer sans finesse : “Léa le sentait chercher une piste, comme un chien de chasse, en jouant avec la chevalière en or qui lui alourdissait le petit doigt.” Elle le prie de ne pas insister. Nadine, l’animatrice du club-house, ne fait ce job que pour glaner un peu d’argent. Il suffit de laisser Odette et les autres imaginer leurs loisirs, finalement.
De menus incident troublent parfois le quotidien des cinq résidents. M.Flesh supprime un chat. Odette est obsédée par une mouche qui la harcèle. Quand Maxime veut initier Martial au golf, le voilà qui se blesse et doit s’installer en fauteuil roulant. Léa est victime d’une crise hypnotique. Quand un petit camp de gitans s’installe dans les environs, ça excite la paranoïa de Maxime. Les habitants d’ici bientôt victimes d’une malfaisante horde de gitans, imagine-t-il déjà. Il est armé, Maxime. Au risque de tirer par erreur sur le voisinage. Inquiétude absurde, selon Léa. Mais la chaleur étouffante qui règne désormais échauffe les esprits…
Il n’est pas indispensable de multiplier les scènes morbides ou violentes, ni les effets spectaculaires ou sanglants, pour raconter une
histoire passionnante. Il suffit de réunir un petit groupe de personnages dans un espace clos. Fatalement, chacun possède ses petits secrets ou ses douleurs intimes. C’est sans doute d’autant
plus le cas lorsqu’il s’agit de seniors. Par nature, ils ont un long vécu et des manies profondes. Ce ne sont nullement des monstres : “Curieusement, très vite, [Léa] avait eu
l’impression de les connaître, ou plutôt de les reconnaître comme des gens qu’on a croisés il y a très longtemps, des collègues, des camarades de classe…” Transplantés dans une
ambiance aseptisée, le moindre problème peut faire déraper ces résidents lambda. Telle est l’idée qu’exploite ici Pascal Garnier. Par ailleurs artiste peintre, il dessine un portrait nuancé de ce
groupe, bientôt plongé dans la noirceur. Court roman impeccable, captivant à souhait.
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