La littérature policière n’est pas née spontanément avec la génération actuelle d’auteurs. Elle a son histoire, que les amateurs de "culture polar" n’oublient pas. Dans le Panthéon virtuel des passionnés, certains noms s’imposent parmi les romanciers français. On citera logiquement Léo Malet ou J.P.Manchette, par exemple. Pourtant, notre mémoire de lecteur ne se réduit pas à ces auteurs marquants. D’autres ont imposé un polar français de grande qualité. Inventivité des intrigues, regard juste sur la société, vérité du hasard ou de la malchance, tonalité souriante voire ironique, ces auteurs du 20e siècle doivent garder leur place dans nos lectures. Ils ont décrit les sombres aspects de la nature humaine, souvent avec une vraie subtilité. Publiée chez Plon, la collection Noir Rétro va permettre aux lecteurs d’aujourd’hui de retrouver ces excellents romans. Voici les premiers titres proposés…
En juillet 2010, Attention les fauves (1981,Prix Mystère de la Critique) de Brice Pelman.
Doria vit seule et heureuse avec ses jumeaux âgés de 11 ans sur les hauteurs de Nice. Lors d’une visite, son voisin Jourdain, frustré sexuellement, la viole et l’étouffe. Dormant à l’étage, Patrick et Marieke n’ont rien entendu. Quand ils découvrent le corps de leur mère, les deux enfants mesurent la catastrophe. La mort de leur mère signifie qu’on va les mettre en pension, les séparer. Ils décident de ne rien dire, de vivre comme si rien ne s’était passé. Une journée ordinaire commence par l’école. Ils ont aussi besoin de provisions, quelques courses. Non seulement cette vieille bigote qu’est Mme Josepha leur pose des questions, mais elle promet de passer voir leur mère. Patrick et Marieke vont devoir ruser, écarter le danger. D’autant que leur tante Françoise, une véritable casse-pieds, vient aussi en visite. Et puis, il y a ce voisin, que les enfants connaissent à peine, Jourdain.
Celui-ci n’en mène pas large depuis le crime. Déjà que sa vie n’a rien de drôle, avec une épouse en mauvaise santé mentale. Jourdain se prépare à répondre aux policiers, s’étonnant qu’il n’y ait pas plus rapidement d’enquête. S’agit-il d’un subterfuge, d’une manœuvre le visant ? Ou bien la jeune femme en a-t-elle finalement réchappé ? Il approche donc les enfants, qui déclarent que leur mère est en voyage. Aurait-elle abandonnés ses mômes, à cause du choc peut-être ? À tout moment, Patrick et Marieke risquent qu’on s’aperçoive de la mort de Doria. À cause de son absence, d’un carreau cassé, de l’odeur aussi. Si l’oncle Paul y met son grain de sel, ça va compliquer encore les choses. Combien de temps cacheront-ils la vérité ? Jourdain ne parvenant pas à s’expliquer cette disparition, son doute sera l’instrument de sa perte.
En juillet aussi, Du Rififi chez les femmes (1957) d’Auguste Le Breton.
Ce roman fut adapté au cinéma en 1959 par Alex Joffé, avec Nadja Tiller, Robert Hossein, Sylvia Monfort, Roger Hanin, Françoise Rosay, Eddie Constantine. Un classique des films évoquant le Milieu de l’époque. La belle Vicky de Berlin tient le Ration K, bar à filles de Bruxelles. Les frères Napos, propriétaires du Vertige, ont décidé de racketter tous les bars de la ville. Affrontement entre tenancières et tapineuses, entre caïds et faussaires. Le Beau Marcel, chargé de l’affaire des faux talbins, devra orchestrer les rivalités entre deux clans, les affaires de filles, de territoires qui ne font pas bon ménage.
En septembre, Le demi-sel (1952) d’André Héléna.
Bien que son talent n’ait été que tardivement reconnu, André Héléna figure parmi les premiers auteurs de romans noirs, version française. Un romancier qu’il est bon de redécouvrir, à travers certains de ses meilleurs titres, tel celui-ci. La poisse, c’est ce qui caractérise le héros du Demi-sel, Balthazar. Parce qu’il avait eu affaire à un salopard et qu’il lui avait réglé son compte, il se savait maintenant traqué. Mort de frousse, terré chez lui, il observe de l’autre côté de la rue l’homme qui semble l’attendre dans l’encoignure de la porte, juste en face. Empoignant son Mauser, il tire et puis s’éloigne à pas tranquilles. C’est le commencement de la fuite, et le voici pris dans un engrenage dont il ne pourra pas s’extraire.
En octobre 2010, Rictus (1972) de Jean-Pierre Ferrière.
Mathieu Collard est âgé de 34 ans. Il est marié à Jeanne, 24 ans. Ils ont un fils de deux ans, François. Mathieu est employé aux Cartonneries du Loiret. Il habite près de Chartres. Le Dr Jean-Louis Tristan, son généraliste, vient d’apprendre à Mathieu qu’il est atteint du cancer. Plus que quelques mois à vivre. Que deviendront sa femme et son fils sans lui, sans argent ? La jeune prostituée Sandra compatit, mais c’est Mlle Simone (l’assistante du Dr Tristan) qui offre à Mathieu le moyen de gagner une forte somme. Pour cela, il tue Alexandre Chassagne, homme d’affaires supposé véreux.
Mathieu n’a rien révélé à Jeanne. Il paie les traites de la maison, achète une voiture. Peu de temps après, survient un drame dont Mathieu reste le seul survivant. Hospitalisé, il apprend qu’il n’a absolument pas le cancer. À sa sortie, il veut contacter le Dr Tristan, mais le cabinet de celui-ci est fermé. Il ne semble pas avoir eu d’assistante. Par contre, il avait une maîtresse, Élisabeth Chassagne, avec laquelle il est parti s’installer à Cannes. Mathieu réalise qu’on l’a manipulé pour tuer le mari. Il propose à la prostituée Sandra de l’accompagner à Cannes, sans expliquer ses motivations. La vengeance de Mathieu va toucher les proches de Tristan…
En novembre, Le Doulos (1957) de Pierre Vial-Lesou.
Ce roman fut remarquablement adapté au cinéma par Jean-Pierre Melville, avec Serge Reggiani, Jean-Paul Belmondo, Jean Desailly, au début des années 1960. A sa sortie de prison, quand il apprend que sa femme a été exécutée, Maur n’a qu’une idée, se venger. Après avoir abattu celui qu’il croit en être le commanditaire et lui avoir dérobé son magot et son revolver, il va à la rencontre de son meilleur ami, Silien. Ce dernier est considéré par tous les truands comme un porteur de doul. Tout en essayant de persuader Maur de ne pas replonger, Silien lui remet le matériel nécessaire au nouveau coup que son ami projette. Quand il sort de chez Maur, Silien appelle le commissaire Saligrani. L’engrenage est lancé : si l’amitié est de règle chez les truands, les apparences sont trompeuses.
En décembre 2010, Noël au chaud (1979) de Georges-J.Arnaud.
Un de ces villages de Provence où les maisons poussent à l’identique, étouffant la grande bâtisse au bout du chemin. C’est la demeure de Raymonde, 76 ans. Tous au village souhaitent sa disparition, le lotissement prévu par Monsieur le maire pourrait voir le jour. Mais voilà, veuve, sans enfant, c’est sa vie à Raymonde, alors vendre : jamais ! Augusta Pesenti, sa voisine et seule amie, vit dans son pavillon entourée de l’affection des siens: une famille. C’est en l’observant que vient petit à petit à Raymonde l’idée de faire ce qu’il faut pour arriver à son but...