Dans son précédent roman, “Sansalina” (Éd. Après la Lune, 2008), Nicolas Jaillet nous présentait des héros aussi durs que touchants, évoluant dans un climat âpre et violent. Il conserve une belle maturité d’écriture, mais change de registre avec cette intrigue romanesque située dans un contexte historique raffiné. Petit résumé des aventures de cette “Intruse” (Hachette, 2010).
Palais de la Hofburg, à Vienne, en mars 1815. À l’initiative du comte de Waldaw et de son fils, le vicomte Frédéric, une
réunion diplomatique rassemble les maîtres de l’Europe. Le tsar Alexandre 1er, Lord Wellington, le prince Metternich, et Talleyrand doivent signer le traité de paix post-napoléonien.
Rien n’est encore décidé. Au même moment, Fanny est entrée clandestinement dans le château. Cette jeune corsetière vient y voir son amant Frédéric, qui prétend être un des valets du comte de
Waldaw. À cause d’un malentendu, le tsar Alexandre croit qu’elle fait partie des invités. C’est ainsi qu'elle ouvre le bal avec lui. La valse du couple retient l’attention de toutes les
personnalités présentes. Frédéric est catastrophé : “Fanny ne se rendait pas compte. Elle voyait sans doute la vie comme un rêve, à l’instant présent, avec
tous ces beaux messieurs, toutes ces belles dames qui l’admiraient. Mais les belles dames crevaient de jalousie, et les hommes attendris la feraient pendre, s’ils savaient qu’elle avait usurpé
son rang.” Le père de Frédéric, le comte de Waldaw, désapprouve sa liaison avec une corsetière, mais il n’a pas encore reconnu la jeune femme, divinement vêtue.
Le comte charge ses hommes de mains, les barons Erbis et Serbi, d’enquêter sur l’identité de cette invitée-surprise. Ayant avoué à Fanny qu’il est vicomte et non valet, Frédéric répand la rumeur qu’elle appartient à une famille de haut rang. Au dîner qui suit, “elle était la reine de la soirée. Une auréole de mystère l’entourait; tout le monde voulait l’approcher, comme s’il suffisait de respirer la même atmosphère qu’elle pour emporter un peu de son secret.” Tandis que Frédéric retrouve son amie d’enfance Elsa Krümm, devenue courtisane, Fanny affiche toute la dignité possible lors du dîner. L’ex-impératrice Marie-Louise, épouse de Napoléon, est fort intriguée par l’inconnue, mais pas hostile. Le comte de Waldaw finit par identifier la jeune femme, qu’il estime être “une petite rien-du-tout”. Pour la piéger, il organise un jeu, les invités devant deviner qui est la jeune femme. Hypothèses et questions perfides sont lancées. Mais Frédéric veille et l’intelligente Fanny sait rester évasive. Elle sent que l’impératrice Marie-Louise peut s’avérer une alliée. Pleine d’imagination, Fanny livre une version inventée de sa vie à son auditoire. Néanmoins, le comte projette toujours de la dénoncer.
Talleyrand s’amuse à enquêter sur Fanny, avec les barons Serbi et Erbis. Pour Frédéric, la jeune femme et lui doivent fuir au plus tôt. Courtisée à la fois par le tsar Alexandre et par Wellington, Fanny essaie de ruser avec chacun. Il lui faut résister au tsar, que Frédéric a l’imprudence de provoquer en duel. Quand le comte menace Fanny de la faire torturer par ses barons, elle le révèle une information secrète qui intéresse en priorité Talleyrand. Frédéric et Fanny vont devoir se montrer habiles pour se sortir d’une situation semblant inextricable…
Futée et débrouillarde, la jeune intruse ne manque pas de talent pour cacher ses origines modestes. Elle n’en est pas
moins exposée à de multiples péripéties à risques. S’opposant à son malveillant père, le jeune vicomte Frédéric a bien des difficultés à maîtriser les évènements. Soulignons l’attitude complice
de l’ex-impératrice Marie-Louise et le tempérament malicieux de Talleyrand, l’ensemble des portraits apparaissant plutôt crédibles. Un roman s’adressant à un public jeunesse, ainsi qu’aux
lecteurs de tous âges. Sur fond de romantisme et d’Histoire, l’auteur nous présente un récit fluide et mouvementé, riche en suspense.
Cliquez sur ma chronique de "Sansalina", précédent titre de Nicolas
Jaillet