Après nous avoir fait connaître Maurice Batignol dans “Le monde est plein de polissons”, Nelly Bridenne nous donne de ses nouvelles, avec “Sur un petit air de requiem”.
Puisque ce recueil de nouvelles est une sorte de “musée vivant”, ça mérite une petite visite guidée. Dès l’entrée, la Négritude est évoquée à travers le sort d’un clandestin ayant péri, d’un dealer du Queens qui a sombré, et de ceux qui ont lutté pour les droits des Noirs. Plus loin, on voit aussi que des hooligans nazillons occupent encore les stades. Découvrons ensuite le portrait de ce mafiosi repenti, par obligation mais pas sans amertume, et de cette mule colombienne du trafic de drogue, facilement repérable comme tant d’autres passeurs. Beaux portraits aussi de quelques braqueurs peu brillants, que nous avons ici. Voici maintenant l’espace consacré à la sécurité, que l’on surnomme commissariat. On y croise des personnages colorés, qui ne sont pas tous adeptes de la bavure.
Dans cette exposition que nous visitons, un coin est réservé aux “mutants”. Il est vrai que certaines vies sont en décalage avec la normalité. Ah ! La salle des embrouilles nous attend. On y retrouve nos amis fachos déjà aperçus dans les stades. Ceux-ci se félicitent d’être aussi efficace quand ils persécutent des homos. La dangereuse mission de deux inspecteurs du travail au cœur des vignes, et la malencontreuse chute d’une dame âgée, complètent cette partie de l’expo. Prenons le temps d’apprécier ici le tableau nous décrivant un religieux, star médiatique du caritatif, qui n’a vraiment rien d’un saint. L’image suivante traite des ravages du temps et de l’alcool, non sans conséquences. On y aperçoit le lieutenant Columbo et l’ombre de sa femme.
La visite se termine par les pièces consacrées aux seniors, le terme de “vieux” étant prohibé ici comme ailleurs. Pas si âgé, Martin est bien seul devant sa télé. À l’opposé, les Journées du Patrimoine permettent de se remémorer la vie de trois “marquises”, sous l’œil intéressé d’un certain Bruno. Là, un drôle d’oiseau nous commente la vie en maison de retraite. Pour finir, autre version de cet univers des résidences pour personnes âgées. Ainsi s’achève notre visite, n’oubliez pas le pourboire, s’il vous plait…
Nelly Bridenne fait partie de ces artisans créatifs qui se disent en entamant de nouveaux chantiers : il faut que ce soit de la belle ouvrage, le meilleur résultat possible. Dessinant ses portraits et sculptant ses textes, elle s’inspire autant des maux de la société que des faits divers. Intolérance, agressivité et médiocrité se traduisent souvent dans les actes. Il est bon de les mettre en scène, peut-être en perspective, pour se souvenir que cela n’a rien d’anodin. L’éternel racisme ou la chasse aux gays, la solitude des vieux ou les exploits minables de braqueurs, ce sont là des situations banalisées, à tort. Souvent souriantes, pas forcément au premier degré de lecture, ces nouvelles expriment une tonalité malicieuse, satirique ou enjouée selon les cas. Un très agréable regard sur le monde et ses inévitables travers.
On contacte l’auteur sur son site : www.confessionsdunpolisson.fr