Le premier volet de la trilogie Millenium, “Les hommes qui n’aimaient pas les femmes”, est aujourd’hui réédité en version poche dans la collection Babel Noir. Certes, le succès de cette saga a été phénoménal, mais beaucoup de lecteurs ne l’ont probablement pas encore lue. En particulier, celles et ceux qui attendent qu’un livre leur soit proposé au tarif poche. Le budget des lecteurs intensifs n’est pas extensible, tout simplement. Pour eux, voilà enfin l’occasion de faire connaissance avec Blomkvist et Salander.
Brillant journaliste d’investigation, le quadragénaire Mikael Blomkvist est
rédacteur en chef de la revue suédoise Millenium. Après avoir perdu un procès en diffamation, Blomkvist démissionne et sombre dans la morosité. Il est contacté par un puissant industriel, qui lui
demande d’enquêter sur une affaire non élucidée depuis quarante ans. Sur l’île abritant l’imposante propriété familiale, sa nièce Harriet Vanger a naguère disparu. Il reste persuadé qu’elle a été
assassinée.
Lisbeth Salander est une jeune femme d’environ vingt-cinq ans, au lourd passé psychiatrique, toujours sous tutelle des services sociaux (et de maître Bjurman). Complexe et étrange, Lisbeth est un génie de l’informatique, habile à manipuler les infos personnelles, publiques, policières, judiciaires, ou bancaires. Une sorte de hasard va la conduire à devenir la meilleure alliée de Blomkvist. C’est ensemble qu’ils parviendront à éclaircir les évènements issus du passé.
Il est toujours vain de tenter d’analyser les raisons d’un succès, surtout quand il s’avère universel comme pour Millenium. Le goût récent des lecteurs pour les romanciers scandinaves est loin de tout expliquer. Car l’ambiance narrative chez Stieg Larsson est fort différente, par rapport aux romans de son compatriote Henning Mankell ou de l’Islandais Arnaldur Indridason, par exemple.
La densité du récit aurait pu rebuter les lecteurs. La noirceur de sa tonalité, tout autant. Sans doute est-ce l’effet inverse qui s’est produit. Servie par une belle écriture sonnant juste, il s’agit d’une histoire dans laquelle on s’installe, on prend ses repères, on sympathise ou on s’interroge sur les protagonistes. En somme, on avance avec les héros, à leurs côtés. Cette “proximité”, qui n’est pas toujours perceptible dans les romans, est ici palpable. La personnalité atypique de Lisbeth Salander ajoute certainement un aspect attachant à cette sinueuse enquête.
Enfin ou surtout, Millenium s’appuie sur une riche documentation pour dénoncer les tares et scandales de nos sociétés, un évident cynisme chez des élites dirigeantes. À tous niveau, notre monde est hypocrite, intolérant, violent, cultivant un esprit malsain. Quant à espérer une moralisation… C’est l’alchimie de tous ces éléments qui a contribué à séduire un vaste public. Peut-être encore élargi grâce à cette réédition.