Si le nom de Michel Brosseau vous rappelle quelque chose, c’est probablement parce qu’il a publié deux polars. Avant de présenter son nouveau roman au concept créatif, "Kill that marquise", retour sur ses deux titres précédents…
"La BAC d’abord" (Éditions du Barbu-EdB,2008)
Patrick Vivien est prof dans la région de Saulieu-sur-Loire. Marié, père de deux jeunes enfants, il est entré dans la norme. Mais il reste fidèle à la culture punk, à Trust. Un jour, en balade avec son fils, il assiste à une intervention de la Brigade Anti-Criminalité. Des deux jeunes qui sont visés, il connaît surtout Bastien. Métis Antillais, il habite la même rue que Patrick. Pas très doué pour l’orthographe, mais pas mauvais bougre non plus. Bastien et son copain Tony fumaient un pétard dans un coin tranquille, sans déranger quiconque. Les jeunes s’enfuient, l’interpellation dérape. Bastien est tué en tentant de traverser la Tangentielle, la voie rapide toute proche. Tony est en état d’arrestation. Patrick culpabilise grave. Il aurait pu s’interposer, mais tout est allé si vite. D’ailleurs, pas si facile d’agir, avec son gamin. Quand même, il doit faire quelque chose. Témoigner au commissariat ? Compter sur la presse locale conformiste ? Hélène, la femme de Patrick, le soutient. Mais il sirote plus qu’il ne trouve de preuve d’une bavure, par manque de méthode. Les réactions des gens conditionnés, même pas honteux de leur racisme ordinaire, ne le surprend pas. Écrire un polar, pourquoi pas ? Il ignore si cette affaire à un lien avec la récente arrestation de petits dealers au Lycée. Pourtant, les cow-boys de la BAC à Saulieu, contre des consommateurs de shit sans histoire, étonnant ! Bastien et Tony n’étaient pas clients du trafic au Lycée. Écrire à l’IGPN, demander une enquête sérieuse ? Peut-être pas la solution. Seul à seul, Tony finit par confier la vérité à Patrick…
"La Dame Blanche était en noir" (coll.Polars&Grimoires, Éd.du Barbu,2008)
Sylvain Leroy est journaliste à Cholet. Il cherche des témoins concernant une troublante rumeur, qui court depuis quelques semaines. Une auto-stoppeuse vêtue d’une robe blanche hanterait certaines nuits les routes du bocage vendéen. Cette apparition fantomatique monte en voiture, d’abord silencieuse, puis prononce une formule sibylline avant de s’évaporer. Des automobilistes supposés sérieux attestent avoir vu cette Dame Blanche. Le pompiste loquace que rencontre Sylvain n’est pas un témoin direct. Pourtant, il décrit une jeune femme blonde habillée de blanc, couverte d’un long manteau noir, portant un masque. Selon les archives du siège rennais de son journal, les précédents ne sont pas rares. Les principaux témoins sont des jeunes de Tiffauges. Tout un symbole, ce village abritant les ruines du château de Gilles de Rais, au cœur du secteur géographique où ont lieu ces apparitions. Florian, le conducteur, est absent car toujours sous le choc. Ses amis savourent cette éphémère notoriété, avouant avoir été impressionnés par l’étrange rencontre. Dans la population, la psychose enfle. Sylvain est conscient de la part folklorique de ces spectres évanescents. Yann Le Floch est un érudit ayant étudié beaucoup d’aspects sur la question. L’apparition lui rappelle la celtique Banshee, ainsi que tous les symboles liés à la Camarde. Lui-même a croisé la nouvelle Dame Blanche…
Michel Brosseau propose son nouveau roman chez publie.net, éditeur en ligne. Laissons la parole à François Bon, pour la présentation de "Kill that marquise" :
"Tout commence avec Paul Valéry, se moquant des conventions du roman, quand la littérature s’y prend les pieds : La marquise sortit à cinq heures... Depuis, c’est une phrase étendard : parce qu’il y en a tant, de livres et même de ceux qui se vendent et se vendent, qui prennent les recettes de l’illusion sans les remettre en chantier, les questionner. Non, la marquise sortit à cinq heures ne fait définitivement rien sortir de la langue. Sauf ici.
Disons d’abord que c’est un jeu, une jouissance. Pas un amoureux de Simenon qui ne connaisse Lognon, dit le Malgracieux. Mais d’autres personnages de Simenon, des lieux aussi (le Picratt’s, le boulevard Lenoir, vont surgir dans le récit). Parce que, si la marquise est sortie, c’est lié à des tas et tas de choses louches. Et qui n’a pas sommeillé devant un Nestor Burma à la télévision ? Mais qu’on gratte encore un peu plus les strates d’écriture sous Kill that marquise, on verra passer – comme Fellini qui fait danser Proust et Kafka –, ledit Marcel, Emma Bovary ou Victor Hugo et bien d’autres. Et ça se complique même un peu lorsque des auteurs réels de romans policiers utilisent eux-mêmes des pseudonymes tirés de Simenon, et qu’ils viennent croiser le texte avec extraits de livres pour de vrai.
Alors, exercice intellectuel où s’ennuyer et se perdre ? Que non. Voyez la Disparition de Perec : c’est pour de vrai un roman policier, et qui n’est pas prévenu tombera parfaitement dans le panneau tendu.
L’art du jeu, c’est de créer une machine plus forte que vous, qui vous emporte où vous n’avez pas prévu d’aller. Michel Brosseau a lancé le 4 janvier 2010 un feuilleton quotidien sur le Web, où les personnages ci-dessus évoqués, et cette marquise qui sort à toutes les heures, se croisent avec des anecdotes sociétales réelles. C’est un blog, distinct de A chat perché, le blog principal de l’auteur. Mieux, la marquise aura elle-même sa page Face Book pour se défendre de tout ce monde-là.
L’expérience dure 150 jours, et autant d’épisode, et se clôt en juin dernier. La marquise est définitivement devenue roman Internet. Avec ce que ça comporte : on parle du tabac ou de la boule de fort, des liens vous embarqueront dans le monde réel. 150 épisodes qui se croisent et se décroisent, avec leurs galaxies baroques d’événements et de personnages : les liens dans le texte renvoient au blog (et ses images), on se promène dans le texte lui-même. Les commentaires se greffent et influent sur la marche du roman : les liens vous embarqueront vers l’intervention des lecteurs en cours d’écriture. Et puis les Vases communicants : le 1er vendredi de chaque mois, on va tous écrire les uns chez les autres, bonne façon de découvrir, faire connaissance. Alors, à plusieurs reprises, un épisode de Kill that marquise va être confié à un autre auteur...
Et on fait quoi quand ça finit ? Justement, c’est peut-être là que la Marquise invente l’édition numérique : là où le blog accompagne le chemin, l’édition numérique retransforme ce chemin en livre, mais un livre ouvert, multiple, neuf.
Ah, quand même, un petit détail : si nous avons déjà accueilli Michel Brosseau sur publie.net avec Mannish Boy, plus près de Julien Gracq (qui traverse réellement le texte), et le début de carrière d’un jeune enseignant au temps du rock’n roll, Michel est réellement auteur de romans policiers. C’est comme les prestidigitateurs ou les funambules : faire un vrai roman policier en jouant des ficelles du roman policier, ça ne s’improvise pas. Il faut déjà connaître un peu ses bases. Nous, ça va, on a nos bases de lecteurs : que Lognon ici (et le jeune Lapointe bien sûr) avec joie renverse."
Tout savoir sur l’édition numérique de "Kill that marquise" ?
http://www.publie.net/fr/ebook/9782814503571/kill-that-marquise