Le nouveau roman de Marcus Malte “Les harmoniques” est publié en ce début 2011 dans la Série Noire. D’abord, un survol de l’ambiance de cette intrigue…
Bob est chauffeur de taxi, au volant d’une antique 404, philosophe à ses heures. Son ami Mister est un musicien noir, pianiste dans un club de jazz parisien, le Dauphin Vert. Ce dernier reste perturbé par le meurtre de Véra Nad, âgée de 26 ans. Elle semble avoir été victime d’un règlement de compte dans un quelconque trafic de drogue. Ses assassins, Carlin et Mandic, ont été rapidement identifiés et arrêtés. Sans doute trop vite, comme si ces exécutants sans importance avaient été balancés. Mister persiste à croire qu’il y a autre chose à trouver, le véritable commanditaire et les circonstances de l’assassinat de son amie. Reprendre sa propre enquête, se remémorer un nom, un lieu, un détail ? Mister se souvient que Véra évoqua l’Atelier Lazare. Cet endroit est un cours de théâtre dirigé par Mme Stein, froide prof âgée, dont l’apprentie comédienne Véra Nad fut une des élèves. Ni cette dame, ni la jeune Karima, n’apportent d’infos utiles à Mister.
Un appel téléphonique anonyme offre une piste au pianiste. Bob et lui visitent la galerie d’art qu’on leur a indiqué. On y expose une série dodécatyque de douze portraits de Véra, des toiles du peintre Josef Kristi. Un artiste qu’on n’approche pas facilement. Tandis que Bob s’intéresse au CV de la jeune femme, originaire de l’ancienne Yougoslavie, Mister sympathise avec deux musiciens du métro, Milosav Pesic et son aïeul aveugle Dobrica Pesic. Il ne tarde pas à gagner la confiance des deux immigrés venus des Balkans. Mister et Bob sont invités à rencontrer Josef Kristi, dans sa propriété de Neauphle-le-Château (Yvelines). En réalité, l’endroit appartient toujours à son ex-femme Célia Valdéron, devenue l’épouse du ministre de l’Intérieur Karoly. Pour le peintre, Véra fut plus qu’un simple modèle. Évidemment à cause de leurs origines yougoslaves, de Vukovar, de la famille de guerriers dont faisait autrefois partie Joseph Kristi.
Ne dédaignant pas la piste d’un trafic de drogue, Mister et Bob planquent par la suite non loin de chez le peintre. Ils ont bientôt un suspect, un jeune aux airs de berger rasta. Il s’agit de Jean-Baptiste, le fils du peintre et de son ex-épouse. Un coup pour rien, ou presque. Car le duo apprend que le ministre Karoly voulait acquérir la série de tableaux représentant Véra. Il aurait bien voulu que celle-ci devienne sa maîtresse mais, malgré chantage et menace, elle persista dans son refus. Célia pouvait être au courant des désirs de son mari actuel. Une nuit, à la sortie du club de jazz, Mister est pris à partie par un type hostile et armé. Les Pesic arrivent à point nommé pour assommer l’agresseur, que Mister embarque dans la voiture de Bob. Ce dernier ironise sur les raisonnements approximatifs de Mister. Faire parler leur prisonnier, ancien de la Légion, ne sera pas facile…
Voilà un bon petit roman d’enquête, avec ses ingrédients confirmés : duo de détectives amateurs, références musicales, scènes nocturnes, pistes de hasard. La vérité prend sa source dans les drames sanglants de l’ex-Yougoslavie, on le comprend assez tôt. La mafia serbe, issue d’une guerre dont quelques-uns tirèrent bénéfice, est aussi soupçonnable qu’un ministre et son entourage, ou que le peintre manchot auteur des toiles sur le thème “la colombe et le corbeau”.
Sans doute est-il préférable d’avoir lu de précédents titres de cet auteur pour en apprécier pleinement l’univers, la tonalité. “Le cercle s’élargissait. De plus en plus, glissant sur la pente de l’empathie, Mister se sentait y appartenir. À son tour il entrait dans la danse, dans la ronde macabre où une place lui était retenue. Une main dans celle de la comédienne, une autre dans celle du peintre. Qu’est-ce qui les unissait, sinon une trop grande sensibilité ? Le charognard s’attaque d’abord aux morceaux les plus tendres.” Par ailleurs, certains traits d’humour sont agréables, d’autres caricatures moins convaincantes (paysan lourdaud, barman homo, Demis Roussos). Néanmoins, il est plaisant de suivre Mister et Bob dans leurs investigations.