De Marc Boulet, on avait pu apprécier “Le roi de Pékin” (Denoël, 2009). Son nouveau roman “Contrebandiers” vient de paraître chez Rivages/Noir.
En 1985, Marc a quitté la France pour exercer ses talents à Honk Kong. Il est vite devenu le caméraman attitré des films de Rita Lee, star de films X. Ils ont tourné des pornos classiques ayant connu plus ou moins de succès. Ils ont gagné autant de fric avec des films nettement plus hard, plutôt répugnants. Philippe, le frère de Marc, les a bientôt rejoints. Rita n’intéressant finalement plus les producteurs, il faut trouver d’autres sources de revenus. La solution vient de Franck, homosexuel ressemblant à un cachalot, qui se présente comme le frère de Rita. Il organise des passages de marchandises en contrebande. La première tentative, un demi-échec suite à un incident à la douane, ne les empêche pas de continuer. La Corée est une destination où Marc et Philippe finissent par avoir leurs habitudes. Peu de risques pour les passeurs et gros profits pour Franck.
Liz est une jeune Californienne, fille d’une famille très riche. Plus tard, elle espère devenir comédienne. Pour l’heure, elle se joint au trafic des deux frères. Marc ne peut se contenter d’une relation amicale avec cette jolie fille, même s’il apprécie par ailleurs les prostituées. La contrebande devient plus rentable encore lorsqu’il s’agit de “Business trips”. Un trafic de bijoux et montres de luxe en direction du Japon, sous couvert de voyages d’affaires, où tout se passe bien. La contrebande de l’or est plus problématique. Probablement dénoncé, Philippe est arrêté avec un chargement à l’aéroport de Delhi, en Inde. Marc et Franck n’y peuvent rien, mais leurs relations se dégradent. Pour pouvoir quitter l’Asie avec suffisamment de fric, Marc, Liz et Rita explorent la production chinoise de drogue. Leur périple en Chine n’est pas de tout repos, mais dix kilos de haschich apportent de forts bénéfices.
Grâce à Liz, Marc a obtenu sans difficulté un visa pour les Etats-Unis. À Beverly Hills, Marc n’est “plus un contrebandier, un délinquant, mais le fiancé de la riche héritière d’un couple de producteurs de télévision.” Toutefois, ses études n’aident pas Liz à devenir comédienne, et le petit capital du couple baisse rapidement. Ils sont restés en contact avec Rita. Celle-ci profite d’un trafic de Rolex (vraies ou fausses) pour les rejoindre en Californie. Le trio passe trois semaines au Mexique, où ils décident de repartir vers l’Asie. Ils s’installent cette fois dans une région de l’Inde, mais leurs aventures prennent une tournure meurtrière. Leur fuite va les conduire jusqu’en Thaïlande, dont les pays voisins offrent bien des opportunités de trafics. Ces trois baroudeurs trouveront-ils le refuge idéal à Koh Wai ? Rien n’est moins sûr…
Voilà une histoire qui devrait choquer les adeptes des grandes valeurs morales. Le sexe dans ce qu’il a de plus sale en constitue la première étape. Vient ensuite une escalade vers diverses contrebandes. Un métier que le héros considère comme parfaitement honorable : “Les gouvernements volent ainsi l’humanité. Alors, nous autres contrebandiers, à notre échelle, que faisons-nous ? Nous refusons de nous laisser baiser, nous défendons, nous œuvrons pour la justice et la liberté en permettant aux gens d’acheter des produits à leur vraie valeur marchande…”
Marc n’est pourtant pas un cynique, faisant parfois même preuve de sensibilité. C’est la vie qu’il s’est choisie, marginale et excitante à ses yeux. De grosses sommes à gagner, mais aussi des périodes moins fastes. Une vie engendrant fatalement la criminalité. Trahison, suspicion, et dangers en tous genres planent autour du trio. Ce roman prend la forme d’une confession, sans rien atténuer du rôle malsain du narrateur. Une tonalité réaliste qui nous hypnotise quelque peu, au point de ne plus juger le trio Marc-Liz-Rita. Malgré des facettes sordides, on le suit avec une certaine fascination, il faut bien l’avouer. Un noir roman d’aventure impeccable !