Le 17 novembre 2010, grâce à l’ami Richard qui m’avait adressé ce livre paru au Québec, Action-Suspense était le premier blog français présentant une chronique sur le roman de Louise Penny “En plein cœur”. Précisons qu’il a été récompensé par plusieurs Prix littéraires au Canada, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. On ignorait s’il serait un jour présenté aux lecteurs de France, ou s’il n’échouerait pas chez nous dans une obscure collection. Fort heureusement, c’est Actes Noirs qui, en ce début juin 2011, publie ce suspense de Louise Penny, rebaptisé “Nature morte”.
Profitons-en pour rappeler le contexte de cette intrigue québécoise : Loin des routes principales, Three Pines est un paisible village campagnard dans les Cantons-de-l’Est. Quand le corps de Jane Neal est retrouvé dans les bois ce matin-là, la police est bientôt sur les lieux. Âgée de 76 ans, cette enseignante retraitée a éduqué bon nombre d’habitants de la bourgade. Selon les premières constatations, il pourrait s’agir d’un accident de chasse. Pilotée par une jeune recrue, l’agente Yvette Nichol, l’inspecteur-chef Armand Gamache rejoint sur les lieux son équipe de la Sûreté du Québec. Son adjoint Beauvoir confirme que la vieille dame a pu être transpercée par une flèche, mais on n’a rien découvert autour. Le témoin qui a trouvé le corps est très marqué, car Jane Neal était une amie de sa mère, décédée de maladie voilà quelques semaines.
Épouse du peintre Peter Morrow, elle-même artiste, Clara est sans doute la plus choquée. Elle partageait avec Jane Neal une amitié telle mère et fille. Son mari a des difficultés à la réconforter. Le cercle des proches de la victime réagit diversement. Poétesse réputée, Ruth Zardo ne masque pas son caractère vif. Olivier Brûlé, qui tient le bistrot local, et son compagnon Gabriel sont peinés, mais ne le montrent pas trop. Ex-psy à Montréal, la bouquiniste Myrna est la seule Noire de Three Pines. Armand Gamache rencontre l’héritière de Jane Neal, la fière Yolande, agent immobilier. Pas de tendresse à attendre de cette femme, qui interdit à la police de pénétrer chez sa tante. Du vivant de celle-ci, personne n’entrait chez elle, d’ailleurs. Sans être vraiment à suspecter, le mari et le fils de Yolande sont connus pour leurs actes délictueux.
À Three Pines, il y a un club de tir à l’arc, dont le siège se situe dans l’ancienne école du village. Coïncidence, peut-être. Ici, beaucoup de gens pratiquent la chasse à l’arc, avec du matériel plus ou moins récent. La policière Isabelle Lacoste a retrouvé une pièce de la flèche mortelle. Le trio de jeunes perturbateurs du village a-t-il un lien avec la mort de Jane Neal ? Le testament de la défunte parait incontestable, laissant quasiment tout à sa nièce. Le policier Gamache a repéré un vieil affût et un sentier d’animaux, peut-être en rapport avec le crime. Matthew Croft, son épouse et leur fils adolescent sont des tireurs à l’arc confirmés, donc les principaux suspects…
Ce roman d’enquête de la Québécoise anglophone Louise Penny joue sur les ambiances et la psychologie des protagonistes. C’est ce qui explique un tempo narratif plutôt lent, mais riche en précisions. Axée sur le décor villageois, l’histoire rappelle un peu certaines affaires de l’inspecteur Barnaby, le héros de Caroline Graham. Louise Penny souligne moins les hypocrisies inhérentes à une communauté comme celle-là. Elle décrit plutôt l’aveuglement du groupe, qui ne soupçonne jamais un des siens. Grâce à l’harmonie qui règne dans la bourgade, anglo- et francophones, ruraux et ex-citadins, hétéros et homos, se côtoient sans problème. Pourtant, cet équilibre n’est pas exempt de zones d’ombre.
Policier expérimenté humaniste, Armand Gamache trouve progressivement sa place dans cette “bulle” paradisiaque. Au risque d’être provisoirement suspendu de ses fonctions, à cause de son empathie pour la population. Pendant ce temps, son équipe n’est pas inactive. Il faut donc accepter le doux rythme campagnard automnal pour pleinement apprécier cette intrigue très réussie.