Alexandre Clément nous présente son nouveau titre "Le roman de Tony" (Editions Papier Libre, poche 11 €).
« Toute personne qui penserait s’y reconnaître, serait dans l’erreur. Quelques lieux qui existent réellement et quelques affaires criminelles qui ont assuré la renommée de Marseille en son temps servent de décor. Mais on sait que depuis des décennies, la République a bien travaillé, que la Mafia n’existe pas en France et que les hommes politiques, la police et la justice ne sont pas corrompus.»
Tel est l’avertissement de l’auteur, Alexandre Clément. Les Marseillais et ceux qui connaissent bien la ville sauront lire entre les lignes. Pour ceux à qui la
capitale phocéenne et ses personnages pittoresques sont étrangers, "Le roman de Tony" ne pourra que combler leur curiosité. Avec grand plaisir. L’histoire d'un grand bandit marseillais
sur plusieurs décennies ne manque pas de piquant ni d’émotions fortes. Dans ce roman vivement mené, l’auteur nous fait vivre l'ascension et la chute d'un caïd qui a compté pour beaucoup dans
l’histoire du grand banditisme Français. Mais derrière cette triste et bruyante saga, écrite dans un style parfaitement réaliste, c'est le contexte social et historique de la ville qui est mis en
avant.
Alexandre Clément a obtenu le Prix du Polar Marseillais en 2007 pour son roman "Sournois" paru chez L’écailler du Sud. Il est également l’auteur de "Frédéric Dard, San-Antonio et la littérature d’épouvante" (publié par Les polarophiles tranquilles en 2009). Voici les premières lignes de son nouveau roman…
« Même si je n’étais jamais passé auparavant devant un tribunal, je savais que ce serait comme ça. Que c’était la règle du jeu : le procureur demanderait le maximum et l’avocat essaierait de réduire la peine dans une discussion de marchands de tapis. Le soleil m’arrivait en pleine figure, du côté gauche, ça me faisait cligner de l’oeil et je commençais à avoir un peu chaud dans le costume sombre que j’avais enfilé pour la circonstance, histoire d’avoir l’air d’un jeune homme de bonne famille. C’était un jour ordinaire: la société rendait sa justice. La salle était bondée, le tribunal correctionnel était toujours encombré. Des mecs et des putasses qui attendaient leur tour pour avoir leur compte, comme à la sécurité sociale ou à l’ANPE, bien rangés sur leur petits bancs de bois sombre et lustré par des années de délinquances.
J’entendais vaguement, à travers le brouhaha, le procureur qui faisait des effets de manche en racontant que je n’avais aucune excuse dans ma conduite. C’était un petit gros, avec une calvitie qui lui mangeait la moitié du crâne et des lunettes à monture métallique qu’il faisait glisser sur le bout de son nez. Il avait joint ses mains boudinées sur le devant de sa poitrine, seuls les bouts de ses doigts se touchaient, comme j’imaginais un prélat en train de dire la messe.
— Il ne faut pas se laisser abuser par la jeunesse du prévenu et son visage d’ange, disait-il avec sa voix mielleuse. Il vient d’un bon milieu, monsieur le président, son père est fonctionnaire, sa mère travaille dans une cantine scolaire, son frère réussi en tant qu’expert comptable. Ce sont des gens modestes, mais sans problème, qui se sont toujours débrouillés pour essayer d’offrir le meilleur à leurs fils. Ils ont fait tous les sacrifices pour leurs enfants. Et d’ailleurs, Antoine Vercellone n’avait pas de si mauvais résultats scolaires que ça. Il aurait pu choisir une autre voie, s’il avait eu un peu plus de discipline et de fermeté de caractère. Mais, non, il a fait le pari d’une autre destinée. Ce n’est pas une victime de la société, mais la société qui est victime de ses agissements déviants…
Oui, il avait raison, je n’étais pas une
victime, encore que ça dépend comment on voit les choses. Parce que moi, je trouve qu’on est tous des victimes, victimes de notre connerie congénitale, victimes des trou-du-culs qui nous
entourent, victimes des circonstances et du hasard des rencontres. Souvent je me
suis posé cette question, est-ce que j’aurais pu devenir autre chose que ce que je suis devenu ? Bah, à quoi bon disserter, on ne devient que ce qu’on est. Ce n’est même pas la fatalité, c’est
comme ça…»
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