Laurent Terry est un romancier trentenaire qui a déjà publié deux titres chez Plon,
“Manipulé” (2008) et “Usurpé” (2010, collection Nuit Blanche). Laurent Terry est un pseudonyme. Bien d’autres auteurs avant lui ont utilisé un
nom de plume, usage qui ne se pratique plus guère aujourd’hui (bon, y a quand même le cas Chattam). Sur son blog l’éditeur expliquait le 7 janvier 2008 les raisons de ce changement
d’identité.
« Pourquoi j’ai proposé à Laurent de changer de nom ?
C’est toujours un peu violent de suggérer à un auteur de changer de nom, mais croyez-moi, dans l’édition, l’éditeur essaie au maximum de faire les choses pour le bien de tous : l’auteur et la maison pour laquelle il travaille. Pour moi, Le Toriellec faisait trop français, trop breton. Et il me semblait difficile de proposer un thriller américain de A à Z sans que le nom d’auteur soit conforme au contenu. Loin de moi l’envie de faire passer Laurent pour un auteur venu d’outre-Atlantique, mais je crois que de façon très subtile, très indicielle, un livre constitue un tout et qu’il ne faut rien négliger dans la communication qu’on pourra faire autour de lui. Terry le nom de plume qu’il s’est choisi, m’a tout de suite emballé : c’est bref, ça ne surjoue pas le côté américain et ça rappelle son nom de famille. Et puis Laurent a sauvé l’essentiel : son prénom. Une chance qu’il ne se soit pas appelé Jean-René... »
(http://opinionprivee.blogspirit.com/l_avis_de_denis_plon_/)
C’est une analyse défendable que celle avancée par cet éditeur. Action-Suspense ayant annoncé parmi les premiers la création de la collection Nuit Blanche, on ne reprochera pas à l’éditeur de Plon cette initiative. Puisque Laurent Le Toriellec a accepté de prendre un pseudo, pas de problème.
Par contre, les plus ardents régionalistes
s’interrogeront sur la formule parlant d’un nom "trop breton". Récemment réédité chez Plon, le regretté Auguste Monfort (1913-1999) avait choisi comme pseudonyme Auguste Le
Breton. Ce nom n’a pas nui à ses ventes, au contraire. Hervé Le Corre, né en 1955, bordelais au nom très répandu en Bretagne, a été publié à la Série Noire et chez Rivages avec un certain
succès. Né en 1946, un autre Hervé au nom trop breton, Hervé Jaouen, a reçu la faveur du public, ainsi que de nombreux prix littéraires. Et Jean-François Coatmeur, c’est-y pas un
peu trop breton pour être publié chez Albin-Michel "Spécial Suspense" ? Auteur de romans historiques dans la collection "Grands Détectives" (10-18) et chez l’Archipel, malgré un
patronyme à consonance bretonne, Anne de Leseleuc est aussi appréciée d’un large public. Moins armoricain, le toulousain Philip Le Roy (né en 1962) a juste écourté son prénom, mais ses suspenses
se vendent fort bien. Principalement diffusés dans l’Ouest de la France par l’éditeur Bargain, les bretons Françoise Le Mer, Serge Le Gall ou Firmin Le Bourhis peuvent confirmer que leurs ventes
sont loin d’être confidentielles. Sans doute moins importantes que celles de John Le
Carré, britannique dont on se demande pourquoi il a choisi un pseudo franco-breton. Ce qui semble assez bien lui réussir depuis une quarantaine d’années.
Quant à moi, si j’en crois cet éditeur, il va falloir que je songe sérieusement à changer de nom. Jamais personne ne retiendra mon prénom désuet et asexué, ni mon patronyme trop typé breton. Qui lirait les infos polar et les chroniques de Claude Le Nocher ? Qui taperait ce nom sur Google et autres moteurs de recherches d’Internet ? Pour me fabriquer un pseudonyme, je vais donc reprendre le prénom de mon défunt oncle Joseph, et le nom de ma plante préférée. Joe Cactus, ça sonne bien, non ? Un peu trop western, peut-être - toujours ce syndrome de l'Ouest. Ou alors, je choisis un nom bien français (Stéphane Roy, par exemple) que j’adapte en américain. Ça ne donne vraiment pas un nom assez commercial : qui lirait la prose d’un Stephen King ? Non, finalement, je garde le nom que je porte depuis une cinquantaine d’années. Essayez de le retenir, amis lecteurs…
Une fois encore, ne voyez rien de bien méchant dans ce petit article estival, juste destiné à faire sourire. Que cela ne vous empêche pas de lire les romans de Laurent Terry, et tous ceux de la collection Nuit Blanche.