Beaucoup d’auteurs récompensés par le Grand Prix de Littérature policière ont connu une belle carrière d’écrivains. De Léo Malet à Caryl Férey, on n’en finirait pas de citer des noms tels que Manchette, Coatmeur, Daeninckx, Japrisot, Hervé Jaouen, Hubert Monteilhet, Frédéric Dard, Pascal Dessaint, Michel Quint, Brigitte Aubert et bien d’autres. Par contre, on a sans nul doute oublié des auteurs comme André Piljean, Pierre Forquin, Michel Carnal, ou Jean-Pierre Alem. À tort, car ce Grand Prix a toujours été attribué à des romans de haute qualité.
Le “Dictionnaire des Littératures
Policières” nous apprend que Jean-Pierre Alem était le pseudonyme de Jean-Pierre Callot, né il y a cent ans à Nancy, en 1912. Dans le domaine de la fiction, il fut
l’auteur de romans d’espionnage (“Cartes sous table” (1959), “La péniche aux berlues” (1961), “Tu reviendras
Thomas” (1976). Il a écrit deux romans policiers, “La sourde” (1946) et “Le crocodile dans l’escalier” (1967).
C’est pour ce dernier suspense que Jean-Pierre Alem fut récompensé par ce prestigieux prix littéraire, il y a quarante-cinq ans.
Michel Verrier est un agronome âgé de vingt-six ans. Après cinq années passées en Indochine, il est de retour à Marseille dans les années 1960. Pour sa première nuit, il va dormir chez ses grands-parents, au 17 boulevard Gazzino, non loin du cours Pierre-Puget. Ce quartier fut celui de son enfance, avec ses cousins et cousines, au temps où les collections de son aïeul et le mystère des cochons de Saint-Antoine excitaient sa curiosité. Son grand-père Alphonse, ex-enseignant de soixante-seize ans, est quelque peu contrarié par la disparition d’un spécimen rare de scorpion. Le vol d’un tel objet de collection, non sans habileté, n’est pas si anodin aux yeux de Verrier. Si le grand-père soupçonne un de ses voisins, des membres de la familles ne sont pas moins suspects. L’état d’esprit de la branche des Sénac, son oncle et sa cousine Catherine, s’est parfois avéré malintentionné.
Le jeune agronome fait la connaissance de la nouvelle employée de maison de ses grands-parents, Julia. Cette beauté de dix-neuf ans, il la trouve à la fois fuyante, captivante et troublante. Il ne tarde pas à l’inviter, en tout bien tout honneur. Une étrange énigme vient troubler la quiétude de l’immeuble du boulevard Gazzino. Une dame a vu un crocodile vivant dans l’escalier. Verrier vérifie immédiatement que c’est exact. La bête féroce longue de trois mètres a déchiqueté un voisin, l’ex-commandant Robert Carreyas, un vrai carnage. Les Verrier abattent le crocodile et appellent la police. Le grand-père Alphonse est ennuyé, car c’est Carreyas qu’il suspectait du vol du scorpion. En outre, il a reçu le même jour un crocodile, empaillé celui-là. Le commissaire Perrin voudrait bien savoir d’où vient le reptile tueur, qui l’a amené là, car ce n’est quand même pas un animal d’appartement.
Selon un des locataires, le scaphandrier Combernous, Robert Carreyas n’était pas un type honnête, en témoigne son comportement durant l’Occupation. Plus tard, Combernous livrera à Verrier des précisions essentielles pour comprendre cette affaire. La séduisante Julia risque maintenant d’avoir des ennuis avec la police, mais Verrier va lui fournir un alibi. Jeune orpheline plutôt riche, elle a trouvé le moyen de s’infiltrer au 17 boulevard Gazzino, une place d’employée de maison se libérant chez les grands-parents Verrier. Il semble que son idée était d’approcher son oncle, avec lequel elle n’avait pas de relations. Les amours de Verrier et Julia vont être perturbés par la présence d’un marin, Yves Le Guennec. Ancien soutier du navire “Malacca”, qui navigua dans les eaux de Malaisie, il est aussi concerné par ces mystères…
Soulignons encore que ce Grand prix de Littérature policière ne fut nullement usurpé. Car c’est une intrigue d’excellent niveau que concocta l’auteur. Le petit larcin concernant un scorpion n’est qu’une mise-en-bouche, avant l’apparition meurtrière du dangereux crocodile. S’improvisant enquêteur, le jeune homme s’interroge et collecte les indices. “Je me laissais aller à imaginer de fantastiques histoires de sortilèges malais” s’avoue l’imaginatif héros de cette énigme. Bon nombre de scènes sont destinées à faire sourire. On peut se figurer un acteur tel Noël Roquevert dans le rôle du grand-père, ou une jeune actrice de l’époque mi-espiègle mi-grave comme Dany Carrel dans celui de Julia. L’auteur utilise aussi certains décors marseillais, se référant à l’enfance de Verrier. Ce qui ajoute de la consistance à la crédibilité du récit. Un suspense parfaitement convaincant et bien écrit, même si quelques passés simples ne sont plus de mise aujourd’hui.
Le premier roman d’espionnage de Jean-Pierre Alem “Cartes sous table” fut publié en 1959, le n°33 dans la collection Feux
Rouges des éditions Ferenczi.
L’action se passe au Moyen-Orient. S’il est archéologue, fouillant des sites antiques dans cette région du monde, Michel Larsac est surtout un agent des services secrets. Il séjourne au Liban, fréquentant le riche négociant Kalgis, un vieil ami. Cette nuit-là, se déroule une soirée mondaine chez Kalgis, tandis que le “Bretagne” approche du port de Beyrouth. Ce navire marchand est soudain en perdition, avant de faire naufrage aux abords de la côte. Il est bien difficile de venir au secours des passagers. Plusieurs invités de Kalgis ont un lien avec le bateau, soit par rapport à la cargaison, soit connaissant un des passagers.
Michel Larsac réalise vite qu’il s’est passé quelque chose d’anormal sur ce navire. Un sabotage, peut-être. Une personne en est sûrement descendue lors de l’unique escale, au Pirée. La belle Monique de Beaulieu, de l’Ambassade, semble une alliée dans cette affaire. Parmi les Occidentaux vivant alors au Liban, les suspects ne manquent pas. Larsac va devoir affronter de multiples périls pour définir le rôle de chacun et, finalement, découvrir la vérité…
Une histoire mouvementée, et plutôt plus solide que la moyenne des romans d’espionnage de cette époque. Il est vrai que Jean-Pierre Alem fut aussi auteur de plusieurs ouvrages documentaires sur le véritable espionnage au Moyen-Orient, et d'un "Que sais-je?" de référence sur le Liban (plusieurs fois réédité).
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