Parmi leurs nouveautés d’automne, les Éditions Jigal publient “La bouche qui mange ne parle pas”, le nouveau polar gabonais de Janis Otisemi.
Solo vient de passer trois ans en prison, à cause d’une bagarre mortelle dans un bar. Spécialiste des coups tordus, il tombait pour une affaire banale. Sorti depuis peu, Solo a bientôt besoin d’argent. Parmi la faune de délinquants de Libreville, il peut compter sur son cousin Tito. D’ailleurs, celui-ci lui lâche sans problème une avance sur un prochain coup. Avec le paquet de fric, Solo règle ses dettes et lève une pute. Dérober un véhicule de luxe ne cause aucun souci à Solo, qui sera le chauffeur de l’affaire amenée par Tito. Même s’il n’est que l’exécuteur pour de mystérieux commanditaires, Youssef dirige l’opération. Il s’agit de kidnapper un môme, puis de le livrer à un marabout. Solo désapprouve ce genre d’affaires malsaines : “Trop de choses avaient changé pour lui depuis sa sortie de taule. Les gars n’avaient plus de code d’honneur. Sans coutume et patrie [sans foi, ni loi], ils avaient vendu la honte aux chiens.”
Pendant
ce temps, Joe et Fred profitent d’une nouvelle combine. Il s’agit de faire chanter de riches femmes mariées, piégées par des photos sexuelles. Ginette, leur dernière victime en date, est l’épouse
d’un notable. Elle continuera à payer, Joe et Fred n’en doutent pas. Dodo et Jimmy ont un autre bizness, le braquage. Ils s’attaquent à une agence de la Western Union, un casse sans faute. Quant
à Solo, il s’acoquine avec son vieil ami Kenzo. Babette, l’amante de Kenzo, profite en ce moment des largesses d’un banquier. Un pigeon qu’il ne sera pas difficile d’attirer avec la promesse de
billets miracles, une arnaque classique sans grand risques. En effet, lorsque Solo lui joue la comédie, le banquier est prêt à sortir le pactole. Sauf qu’on lui a déjà fait le coup quelques mois
plus tôt !
Les policiers Koumba et Owoula sont un bel exemple de ripoux "à la gabonaise". Ces officiers de la PJ trouvent toujours le moyen d’obtenir leur pourcentage, quitte à laisser courir des coupables. Puisque leur supérieur, le colonel Tchicot, leur accorde toute sa confiance, ils auraient tort de ne pas en abuser. L’enquête sur la série de meurtres d’enfants n’avance guère. Selon la rumeur, ces crimes rituels sont attribués à des politicards. Viser l’élite sans preuve, c’est bon pour la population locale, mais ça ne suffit pas à la police. De son côté, Youssef est inquiet à cause de récentes arrestations. En supprimant un complice, il espère qu’on ne l’identifiera pas. Pourtant, d’aveux en dénonciations, les jours des délinquants et criminels de Libreville sont probablement comptés…
Après “La vie est un sale boulot”, Janis Otsiemi nous propose une nouvelle exploration fort réussie de la pègre gabonaise. Petites combines, trafics divers, arnaques éprouvées, tout est bon pour traquer le gros coup, dans un pays où l’argent se dépense vite. “Les Gabonais ne sont pas des bâtisseurs… [Ils] ont plutôt la réputation d’être des flambeurs, des canneurs, des coureurs de jupons.” N’envisageant pas de devenir des Ouattara, des gens fortunés, les petits voyous veulent juste glaner du fric qui sera vite claqué. Dans la police, on suit le même raisonnement, semble-t-il. Si Solo est un élément central de l’histoire, c’est tout cet univers qu’on nous présente ici. L’auteur fait preuve d’une belle souplesse narrative, sans doute parce qu’il ne cherche pas à imiter quiconque. Se servant sans en abuser du vocabulaire et des expressions locales, il ajoute une saveur particulière à son récit. Le réel talent de Janis Otsiemi se confirme !