Publié au printemps 2009, le nouveau roman d’Hubert Monteilhet est intitulé “Choc en retour” (Éditions de Fallois). Intrigue solide et subtile, pour un roman très plaisant à lire.
À Vaison-la-Romaine peu avant la 2e Guerre Mondiale, “Le Mas des Sources” est devenu une référence
gastronomique grâce à la passion du cuisinier Urbain Desgenettes. En juin 1944, alors qu’il vient de se marier avec Irène,
Urbain est dénoncé à la Gestapo. Déporté en Allemagne, puis prisonnier des Russes, il n’est de retour dans son restaurant que le 21 décembre 1948. C’est aujourd’hui son cousin Gustave qui est
chef de cuisine au “Mas”, toujours dirigé par Irène. Tant qu’il s’occupait de son “Auberge du Ventoux”, Gustave n’était qu’un piètre cuisinier, mais il s’est amélioré. Sœur de celui-ci et
ex-amante d’Urbain, Angélique est toujours employée au “Mas”. Urbain découvre qu’Irène aurait eu deux filles jumelles, dont le père serait Gustave. Étonnant pour lui qui connaît la froideur
sexuelle de son épouse, et vu le manque de séduction de son cousin.
Le commissaire Amédée Fontanège s’interroge toujours sur la dénonciation qui envoya Urbain en déportation. Suspecter Irène n’aurait pas de sens, puisque la jeune mariée s’est retrouvée dans l’embarras. On pourrait soupçonner Gustave, visant la place de cuisinier au “Mas”, établissement plus prestigieux que le sien. Il ne répond guère au profil d’un coupable, choqué qu’il est des accusations suggérées contre lui. Concernant Irène, des faits probables expliquent son refus de sexualité. Enfant, elle fut victime de son père incestueux, le marquis de Manges. Si elle garde le secret au sujet des fillettes jumelles, un échange de courriers entre Irène et son amie Louise permet de mieux comprendre le mystère. Quant au rôle de Gustave, dont le compte bancaire n’est pas très net, il reste encore à déterminer.
Accompagné d’Angélique, dont il s’avoue peu épris, Urbain s’accorde des vacances pour un safari au Ruanda. Là-bas, il sympathise avec des colons wallons. Selon eux, Angélique a le “mauvais œil”, idée laissant Urbain sceptique. Sur place, il rencontre aussi Lamantin, ex-secrétaire du commissariat de police, qui vola l’original de la lettre de dénonciation. Au courrant des pressions qu’Irène exerce sur Gustave, celui-ci lui présente son opinion sur l’affaire. En rentrant au “Mas”, Urbain a une franche explication avec son épouse. Peu après, on vole le manuscrit du traité d’Urbain sur la cuisine provençale. Plus grave, leur plombier est empoisonné à la place d’Urbain. Celui-ci et Irène éloignent le cadavre pour préserver la réputation du “Mas”. Même si le policier Fontanège conclut à une mort naturelle du plombier, d’autres décès surviennent…
Le héros narrateur est un gourmet raffiné, dont on comprend l’état d’esprit à travers ce genre de propos: “J’avais mis toute mon expérience, toute mon âme, toute ma générosité native dans cet essai [de 732 pages, sur la cuisine provençale]. Tandis que des fous furieux s’acharnent à détruire la planète, il est bon que des êtres raisonnables œuvrent modestement à de véritables progrès. La recette de la blanquette a quand même plus de portée que la bombe atomique.” Il est à l’image de l’auteur, outre sa production littéraire, qui fut un temps chroniqueur gastronomique. Grand prix de Littérature policière 1960, Hubert Monteilhet n’a rien perdu du plaisir de nous concocter un bon suspense, de nous raconter cette histoire sur le ton enjoué qu’il affectionne.
Voilà l’occasion de revenir sur un autre très bon roman d’Hubert Monteilhet publié en 1993 aux Éditions de Fallois,
“Œdipe en Médoc”. C’est une des aventures de son héros Peter Rössli,
qui enquête aussi dans “La part des anges” (1990), “Étoiles filantes” (1994) et “Le taureau par les cornes” (1996).
Dans le Médoc, deux amis quadragénaires possèdent chacun un domaine vinicole. Appartenant à l’aristocratique race des jouisseurs, Claude gère au mieux son château et ses crus de Pauillac. Philippe produit un faible Saint-Estèphe, et dirige mal ses affaires. Son épouse Christine est récemment décédée. Leur fille Claudine est âgée de dix-sept ans. Philippe a appris que Christine le trompait depuis des années avec Claude. Il a songé à divorcer. Dans une lettre écrite peu avant sa mort, sa femme lui avoue que Claudine est, en réalité, la fille de Claude. Endetté à l’extrême, Philippe laisse se développer (et encourage) une relation amoureuse entre Claude et la jeune fille.
Quand Claudine se trouve enceinte, Claude est ravi de l’épouser. Philippe ne cache guère qu’il va tirer financièrement parti de cette union. Ce n’est qu’après le mariage qu’il révèle à son gendre l’incestueuse vérité, preuve à l’appui. Son domaine étant en travaux aux frais de Claude, Philippe envisage de s’installer chez ce dernier.
Enquêteur à l’Union Suisse d’Assurances, Peter Rössli s’occupe d’une affaire douteuse pouvant impliquer Philippe. Celui-ci l’invite à un dîner prévu chez Claude. Ses hôtes passent une soirée très arrosée, avec Peter pour témoin. Le matin suivant, les deux hommes sont trouvés morts dans leurs chambres fermées à clé. Peter mène une enquête parallèle à celle du capitaine de gendarmerie. Ce qui est en jeu, c’est le versement d’une grosse prime d’assurances. Restant le seul à connaître la vérité sur le vrai père de Claudine, il s’efforce de protéger la jeune fille. Pour reconstituer les évènements de la nuit du crime, Peter a besoin de l’aide de son épouse...