Nos z’amis z’auteurs de polars ont accepté de répondre à l’interview express 2011 d’Action-Suspense, une nouvelle série dans l’esprit des Portraits Chinois. Ils nous donnent chacun leur version, amusée ou sérieuse, aux six questions décalées qui leur sont posées.
Aujourd’hui : Gérard Alle
L’ambiance de vos romans, c’est plutôt : Soleil bruineux sur jungle urbaine, ou Grisaille radieuse sur cambrousse pittoresque ?
Je suis plutôt "grisaille sur cambrousse", mais au pittoresque je préfère la pitanche burlesque et le paysage massacré. La jungle urbaine de mon enfance ne m'a jamais fasciné. Pour moi, elle reste synonyme de terrible ennui et de situations convenues...
Vos héros sont plutôt : Beaujolais de comptoir, ou Double whisky sec ?
Comme je n'y connais pas grand chose, au whisky, je serais plus volontiers pinard. Mais j'aime m'aventurer dans des contrées interlopes et goûter des boissons inconnues. De la même façon, même si je ne m'y risque pas souvent, je ne déteste pas écrire sur des endroits où je ne suis jamais allé.
Vos héros sont du genre : J’aime personne, ou Je me déteste ?
Par nature, j'irais plus facilement vers le "Je me déteste". Je suis trop gentil mais je me soigne et je ne désespère pas, un méchant jour, de finir par ne plus aimer personne.
Vos intrigues, c’est : J’ai tout inventé, ou Y a sûrement du vrai ?
Quand j'invente, on me dit : Mais ça s'est vraiment passé comme ça, j'y étais. Et quand je raconte du vrai de vrai, on me dit : Là, tu pousses un peu le bouchon. Bon. Faut que je règle la mire.
Vos intrigues sont : Des torrents imprévisibles, ou Des fleuves canalisés?
L'adolescence est un torrent imprévisible, les premiers romans aussi. On grandit, faut nourrir les gosses, on cherche à canaliser le flux, on joue à faire l'adulte. Comme si écrire était un métier ! Et puis, on s'aperçoit que l'âge est là, qu'il ne faut pas perdre son temps et qu'on est toujours aussi con que quand on était jeune. Alors, on se lâche ! Les fantômes prennent le pouvoir, vous dérivez. Laissez-vous porter, emporter. Rien de tel qu'un bon vieux canal qui se transforme en torrent impétueux. Pas de plan préconçu. Je ne sais pas où je vais, mais j'y vais !
Quel est votre propre état d’esprit : C’était mieux demain, ou Le futur c’est maintenant ?
Je vais faire docte : la littérature, c'est fait pour s'affranchir de l'espace et du temps. Tout est permis : faire parler les morts, tuer les gens que l'on déteste, faire vivre des personnages en les changeant d'époque et de pays, baiser la voisine de palier, se jeter du dixième étage et décrire sa chute, modifier le cours de la grande histoire même si elle est déjà écrite, et puis surtout, mettre du futur dans le présent et du passé dans le futur, recycler les désagréments. Sinon, y a pas que l'écriture dans la vie, y a le réel qu'est pas mal non plus, même si j'ai du mal, des fois, à faire la distinction entre fiction et réalité...
On peut aussi lire ma chronique sur "Les jeunes tiennent pas la marée" de Gérard Alle, une des premières aventures de la série Léo Tanguy. Chez Rayonpolar.com, mes autres chroniques concernant cet auteur, pour "Les papys féroces", et sur deux titres de la série Lancelot.