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4 août 2011 4 04 /08 /août /2011 05:39

 

Réédité chez Fayard en 2002, puis chez Points en 2010, La peuchère fut le tout premier texte publié par Frédéric Dard…

À cette époque, Pierre Desflouve est âgé de treize ans. Il habite à Lyon avec ses parents. Guéri d’une congestion pulmonaire, un séjour de six mois en montagne dans les Alpes contribuera à le rétablir complètement. On l’envoie donc à Fond-Rochette, petit village de Maurienne. Il va loger dans la famille Serbelin. Le père est cordonnier. Durant la Première Guerre mondiale, il fut blessé et prisonnier en Bochie, comme il dit. Son fils Henri est un gaillard de dix-huit ans, qui adopte vite le petit Pierre. Employé chez le menuisier local, il fabrique des portes et des cercueils. Effectivement, le cimetière de Fond-Rochette témoigne qu’on y meurt beaucoup. Souvent il s’agit d’accidents de montagne, les touristes amateurs d’alpinisme n’étant pas épargnés. Le Paradis des Skieurs accueille ces clients. La population villageoise masculine fréquente plutôt le bistrot de Polyte. CDARD-1haque dimanche, on y joue à la belote entre amis, non sans quelques éclats.

Pour le jeune Pierre, la personne la plus marquante ici, c’est Louise Serbelin, que l’on surnomme La Peuchère. L’épouse du cordonnier est une femme de quarante ans, petite et rondelette, très pieuse et protectrice. Originaire de Tarascon, elle garde une évidente nostalgie de sa Provence natale. C’est à son accent et à ses expressions du Sud qu’elle doit son sobriquet, ce qui ne la gêne guère. Pierre la considère déjà comme une seconde mère, bienveillante et attentive.

Un étranger va s‘installer au village. Non pas un de ces touristes que les méfiants paysans du coin ignorent superbement : le nommé Carié est un monsieur tuberculeux venu de la ville. C’est auprès de la famille Serbelin que, lui aussi, va trouver refuge. Ce citadin athée a eu une vie agitée, d’après ce qu’il raconte. Il ne cherche pas vraiment à être apprécié de ceux qu’il considère comme des péquenots. Louise Serbelin et le curé organisent un banquet censé le rapprocher de la population. Ce n’est pas exactement une réussite. Surtout, ce Carié risque d’avoir une très mauvaise influence sur le jeune Serbelin…

 

Écrit par Frédéric Dard à l’âge de dix-sept ans (1938), cette longue nouvelle fut publiée en 1940 aux éditions Lugdunum. Ce premier livre de l’auteur n’est pas exempt de petits défauts, notamment des figures de styles sans doute copiées d’écrivains de l’époque. Notons même une légère erreur : l’horloge du clocher sonnant les trois heures cela signifiait, pour les habitués, qu’il était deux heures quarante, car elle retardait de vingt bonnes minutes (elle avançait, au contraire). Passons sur ces imperfections, car ce texte montre les qualités de l’écrivain en devenir.

Frédéric Dard possède déjà une belle maîtrise de l’écriture. La narration, à la première personne, avance sans dévier du but que l’auteur s’est fixé, selon l’intrigue qu’il a en tête. On est en droit de penser que l’histoire fut écrite sans repentir. Les personnages, les décors et l’ambiance sont dessinés avec assurance. La tonalité allie habilement le témoignage à l’émotionnel. Dard se permet un peu d’humour, aussi. Quand des skieurs entonnent une chanson à boire, le menuisier ricane “— S’ils se cassent la figure, émit ce brave artisan du bois, ce ne sera plus le vin, mais la bière qui sera bonne… Et, ce disant, il tapota affectueusement le ventre vernissé d’un cercueil qui gémit lugubrement. On peut reprendre la formule de Max-André Dazergues dans sa préface : Frédéric Dard touche son public à l’endroit qu’il faut, le seul qui convienne : le cœur. Ce livre prometteur fut, on le sait, à l’origine d’une brillante et longue carrière d’écrivain.

Lire aussi ma chronique sur "La crève" , un des premiers romans de cet auteur, et celle sur "Frédéric Dard mon père San-Antonio" de Joséphine Dard.

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commentaires

S
<br /> Salut Claude.<br /> Demi surprise, en effet... Je te rejoins sur ce livre que je viens donc de terminer (sans sourciller le moins du monde quant aux facéties de l'horloge du clocher: quel lecteur attentif tu fais!).<br /> Ne peut-on voir dans ce texte des résonnances avec le propre vécu du jeune FD? Malade comme son jeune héros (Dard avait un bras atrophié), ses parents ne pouvant s'occuper de lui, il a été élevé<br /> par sa grand mère, femme de grande bonté (comme La Peuchère) qui l'a beaucoup marqué (comme Pierre avec La Peuchère). Et je distingue aussi dans le personnage de La Peuchère l'ébauche de celui de<br /> Félicie, "la brave femme de mère" de notre commissaire favori. Texte fondateur d'un talent et d'un univers...<br /> Amitiés.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Salut Serge,<br /> <br /> <br /> L'horloge du clocher n'est qu'anecdotique, mais peut confirmer que "l'envie narrative" de FD lui a fait occulter cette infime bévue. Lecteur attentif, j'imagine<br /> (j'espère) que les visiteurs qui ont la gentilesse de me lire l'ont souvent remarqué.<br /> <br /> <br /> FD était un homme de clan, de famille. D'une génération où la mère, la grand-mère, restaient l'élément central. Ici, c'est une femme déracinée qui s'est réfugiée<br /> dans la religion. Chez San-Antonio, c'est la bienveillante Félicie qui est en admiration permanente face à son commissaire de fils, et toujours tolérante envers ses turbulents adjoints. Félicie,<br /> c'est la "mère universelle", clairement.<br /> <br /> <br /> Je pense comme toi que "La Peuchère" est un texte fondateur, qu'il contient déjà la force d'écriture et les prémices de l'univers de FD. (Et dire que je l'avais<br /> acheté à sa sortie chez Fayard, rangé trop vite et... oublié ! Quel imbécile, je fais !)<br /> <br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />

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