Toujours combatif en ce début 2011, notre ami Gabriel Lecouvreur ! Ce que nous prouve François Darnaudet(-Malvy) avec une nouvelle aventure du Poulpe, “Les ignobles du bordelais” (Éd.Baleine).
Prof de math dans la région bordelaise, Gaston Galois est fier d’appartenir au “clan Malvy”. Il revendique l’esprit athée et républicain de cette lignée familiale, qui fut largement composée d’enseignants. Depuis 1870, beaucoup font figure de “Hussards de la République”. Gaston Galois est un cousin du président du Conseil général de Midi-Pyrénées, Martin Malvy. Ce dernier est le petit-fils de Louis-Jean Malvy, ministre de l’Intérieur durant la Première Guerre mondiale. Si Gaston s’est récemment intéressé à la généalogie de sa famille, c’est justement à cause de Louis-Jean Malvy. Partisan de la négociation plutôt que pacifiste, il fut contraint de démissionner en 1917 suite aux violentes attaque de Clemenceau et de Léon Daudet. Ce furent surtout les royalistes de l’Action Française qui firent circuler de sales rumeurs, l’accusant d’être un Juif masquant ses origines.
Si Gaston a vérifié dans les Archives que ces affirmations étaient fausses, ce n’est évidemment pas par antipathie pour les Juifs, juste pour rétablir la vérité. De nouvelles attaques contre le “clan Malvy” émanent de royalistes bordelais, au sein de la Dernière Action Française. Ces nostalgiques des Bourbons publient un bulletin trimestriel défendant leurs lubies. C’est Charles de Villeneuvette, qui possède une fortune personnelle et des vignes dans le bordelais, qui dirige ce groupuscule. Journaliste tout juste sorti de l’IUT, Fabrice Doucrier a sans doute été la meilleure recrue de la DAF. Parmi ses articles visant les politiques actuels, il a tenté de relancer la rumeur sur les origines juives des Malvy. Quand Doucrier est retrouvé assassiné, Gaston Galois n’ignore pas qu’il risque d’être suspecté. Aussi, avant de se faire discret, adresse-t-il un appel au secours au Poulpe.
Gabriel Lecouvreur se rend bientôt dans la région de Bordeaux, d’Andernos, vers le Bassin d’Arcachon. Si Gaston n’est pas à son domicile, le Poulpe y fait la connaissance d’Olympe Galois, la sœur du prof de maths. Une fort jolie brune quadragénaire, ça le changera un peu de sa blonde Cheryl. Ensemble, ils vont interroger Nadine, solide ostréicultrice copine d’Olympe. Elle fut la petite amie de Doucrier. Ils s’étaient disputés peu avant le meurtre. Même si elle a un possible alibi, elle reste soupçonnable. Deux flics des RG rôdent dans le secteur, à la recherche de Gaston. Gabriel a intérêt à ne pas trop se faire remarquer d’eux. À l’IUT de Talence, un témoin confirme que Fabrice Doucrier avait “une mentalité dégueulasse, une déontologie de rat d’égouts”. Gabriel et Olympe approchent la DAF, sans savoir qu’ils sont vite repérés. Toujours traqué par les RG, Gaston leur donne rendez-vous à Auch, dans l’ancienne maison des Malvy…
Prenant pour base un authentique fait historique rappelant l’affaire Dreyfus, François Darnaudet nous rappelle que l’antisémitisme reste actif en France. Les arguments n’ont guère évolué depuis Maurras et Léon Daudet. Les références au “Juif Süss” et autres ouvrages détournés de leur sens servent encore. Quant aux discours anti-républicains et racistes, certains royalistes s’en délectent toujours. Peut-être les agissements des monarchistes sont-ils encore plus larvés que ne le suggère ici l’auteur. Il ne sont pas les seuls à cultiver des idéaux puants, hélas ! Face à cette xénophobie, Darnaudet nous livre un bel exemple "d’origine au faciès", où le type méditerranéen de Gaston lui attribue diverses ascendances. C’est sans doute arrivé à quelques personnes, en effet. Contre des adversaires fachos identifiés, Gabriel Lecouvreur est donc dans son élément. Il lui faut néanmoins découvrir qui a tué le jeune journaliste arriviste (pléonasme). Entouré de la brune Olympe et de la blonde Cheryl, il y parviendra sûrement. Un nouvel épisode dans l’esprit poulpesque libertaire, bien documenté qui plus est. Le résultat est à la fois sérieux et souriant.