Parmi les nombreuses rééditions en format poche, en voici trois dont il a déjà été question ici lors de leur première sortie. Afin de se rafraîchir la mémoire, retour sur ces trois très bons titres dans la diversité du polar.
Publié d’abord en version luxe chez 10-18, le roman de Gyles Brandreth Oscar Wilde et le cadavre souriant est désormais au tarif poche (coll.Grands Détectives).
En 1882, la notoriété grandissante d’Oscar Wilde à Londres l’amène à
donner une série de conférences aux Etats-Unis. Ce voyage d’une année lui permet de rencontrer des personnes avec lesquelles il sympathise. C’est le cas d’Eddie Garstrang, joueur professionnel de
poker et bon tireur, ou du valet Washington Traquair, un Noir fort compétent. Surtout, Oscar Wilde rencontre Edmond La Grange, comédien et directeur d’une compagnie théâtrale parisienne. À
l’époque, sa notoriété égale celle de la grande Sarah Bernhardt, avec laquelle il est ami. Issu d’une famille de comédiens, Edmond La Grange est entouré de sa mère Liselotte, de ses enfants
jumeaux Bernard et Agnès, de sa maîtresse Gabrielle de La Tourbillon, et de son vieil ami acteur Carlos Branco. La Grange a pour projet de réaliser prochainement avec Oscar Wilde une brillante
adaptation de Hamlet, dans son théâtre du Boulevard du Temple.
Avant leur retour, Edmond La Grange engage Traquair comme habilleur et Eddie Garstrang pour secrétaire et partenaire aux cartes. Sur le navire vers l’Europe, le caniche de Maman La Grange est retrouvé mort dans une malle appartenant à Oscar Wilde. Ce qui vaut à celui-ci quelques tracas à l’arrivée dans le port de Liverpool. Quelques semaines plus tard, Oscar Wilde rejoint Edmond La Grange et sa troupe à Paris, dans leur théâtre totalement rénové. En parallèle des répétitions d’Hamlet, la compagnie La Grange joue avec succès des classiques du répertoire.
C’est à cette époque qu’Oscar Wilde fait la connaissance de Robert Sherard, qui devient son meilleur ami et son biographe, narrateur de cet épisode de sa vie. Tandis que Robert Sherard tombe amoureux de l’actrice Gabrielle de La Tourbillon, Oscar Wilde apprécie les soirées chez Sarah Bernhardt. Il y côtoie de grands artistes français, dont Maurice Rollinat ou Jacques-Émile Blanche. Cachotteries, drames et mystères entourent la troupe de La Grange. Le suicide au gaz de Washington Traquair peut aussi bien être un meurtre. L’affaire prend bientôt une tournure carrément criminelle. Le policier Félix Malthus mène l’enquête. La vérité ne sera dévoilée qu’en 1891 par Oscar Wilde à son ami le docteur Arthur Conan Doyle… C’est avec minutie et respect que Gyles Brandreth reconstitue à la perfection les périples et aventures d’Oscar Wilde, ainsi que l’ambiance du Paris artistique de la fin du 19e siècle. Ce voyage dans le temps et dans l’univers d’Oscar Wilde est un pur plaisir.
Rendez-vous avec le commissaire Salvo Montalbano, dans Les ailes du Sphinx d’Andrea Camilleri, disponible chez Pocket.
On a trouvé le cadavre d’une jeune femme nue dans l’ancien ruisseau
servant de décharge, sur la route de Montelusa. C’est un coin où les rendez-vous sexuels sont habituels. La victime a été défigurée par un tir au visage, ce qui la rend impossible à identifier.
En réalité, elle a été tuée ailleurs, au moins vingt-quatre heures plus tôt. Son seul signe distinctif est un tatouage sur l’omoplate, un papillon. On a juste découvert de la poudre rubis sous
ses ongles. Salvo Montalbano demande à un ami journaliste-télé de lancer un appel à témoins. L’autre affaire en cours est moins préoccupante. Le kidnapping de M.Picarella, il n’y a que son épouse
qui y croit, qui insiste. On l’a vu dans un night-club de Cuba, comme le prouve une photo.
Un témoin pense avoir reconnu la jeune victime de la décharge. Cette Katia, une Russe brune de 23 ans, il l’a employée comme aide à domicile. Ce n’est peut-être pas elle, car la morte est blonde. Ingrid, la bonne copine de Montalbano, aide le commissaire à oublier le silence persistant de sa compagne Livia. Ingrid a eu, elle aussi, une employée de maison russe. Cette Irina lui a volé des bijoux, avant de disparaître. Comme Katia, elle était originaire de Scelkovo. Elle étaient prises en charge par l’association La Bonne Volonté, dirigée par Monseigneur Pisicchio et par le chevalier Piro. Salvo Montalbano renifle là une odeur de fric et de roussi. Une troisième fille de Scelkovo, Sonia, fut aussi hébergée par l’association avant de disparaître. Ça mérite une enquête sur le fonctionnement de La Bonne Volonté. Montalbano découvre qu’il existe une quatrième Russe, Zin, maquée avec un petit délinquant. Toutes portent le même tatouage, toutes sont passées par la fameuse association… Inutile de répéter qu’il s’agit de romans qu’on lit toujours avec un très grand plaisir.
Après “Le temps du loup”, déjà réédité chez 10-18 Domaine policier, voici Les disparus de Monte Angelo, deuxième titre de Thomas Kanger (disponible dès le 17 mars)
Lasse de son métier, la commissaire de police Elena Wiik décide de prendre
des vacances impromptues. Elle quitte Västerås, en Suède, et roule jusqu’au sud de l’Italie. Le village de Monte Angelo est idéal pour assouvir son besoin de repos complet. Sur une plage déserte
des environs, Elena croise un homme prénommé Alex. Ils deviennent amants, et vivent une relation passionnée durant un mois. Quand Alex est découvert poignardé, Elena subit un terrible choc.
Interrogée par le compréhensif capitaine Morelli, elle admet ne rien savoir de précis sur Alex. Rentrée en Suède, Elena est hospitalisée pour une grave dépression. Le soutien de ses parents et de
ses amies lui sont utiles. Mais c’est le fait d’être enceinte de sa relation avec Alex qui lui permet de surmonter ses tourments.
Après la naissance de sa fille Mina, Elena reprend contact avec Morelli. Depuis un an, on n’a toujours pas déterminé l’identité de son amant. L’enquêteur italien lui adresse les maigres éléments dont il dispose. Pour que le père de sa fille ne reste pas un anonyme, Elena doit en savoir plus. C’est en fouillant dans le passé universitaire d’Alex, passionné d’astrophysique, qu’elle apprend les origines croates de celui-ci. Elle se rend à Šibenik, à la recherche des traces d’Alexander Kupalo. On lui dit que cette famille a disparu durant la guerre, une douzaine d’années plus tôt. Selon un couple âgé, les Kupalo s’étaient installés à Knin, ville à majorité Serbe à l’époque. L’archiviste de la mairie s’absente après leur passage, et la police locale se montre courtoise mais réticente.
M.Simic, collègue des parents Kupalo, confirme leurs décès à cause de la guerre. Elena repère un vieux paysan semblant savoir quelque chose. Ce Bogdan Zir est bientôt retrouvé mort. La police retient la version d’un suicide, bien que ce soit improbable. De retour en Suède, elle est contactée par un juge de La Haye, chargé des crimes en ex-Yougoslavie. Plus elle approche de la vérité, plus Elena se met en grand danger…
Cette deuxième enquête d’Elena Wiik est absolument passionnante. D’abord, l’auteur joue avec aisance sur la durée, l’affaire s’étalant sur deux ans, et détaille l’évolution de la vie de son héroïne. Le thème principal, c’est le souvenir de faits historiques encore proches. La sécession des Serbes de la Krajina, qui entraîna la guerre civile et ethnique en ex-Yougoslavie, est restée mal comprise. Thomas Kanger montre avec justesse un pays à la stabilité encore fragile. Contexte insolite dans lequel Elena Wiik réussit, malgré tout, à avancer dans ses recherches. Un suspense sombre, d’une belle intensité.