Cette histoire ressemble à un polar. Une bande criminelle baptisée Los Zodiacos pratiquant au Mexique enlèvements et séquestrations, chantage et rançon. Un caïd chevronné nommé Israel Vallarta vivant dans un ranch. Une jeune femme, Française native de Béthune, impliquée contre son gré dans ces crimes. Scénario correct pour un bon roman à suspense. Malgré tout, je lirai pas ce livre.
Dans “À l’ombre de ma vie”, Florence Cassez donne sa
version de l’affaire. L’argument éditeur nous dit : « En 2003, elle débarque chez son frère à Mexico. Elle va y rencontrer l’amour. Ignorant tout de ce qui peut se passer au Mexique –corruption,
agressions, enlèvements-, elle se laisse porter par sa romance qui se terminera, sans heurts, quelques mois plus tard. Le 8 décembre 2005, sa belle aventure amoureuse resurgit et la justice
l’accuse de complicité d’enlèvement. Son ancien fiancé ferait partie de l’un des gangs les plus importants de Mexico. Après un simulacre d’arrestation monté de toutes pièces pour les médias, la
descente aux enfers commence : un procès inique dans des conditions surréalistes, les révélations de dernière minute, les témoignages inventés, un verdict insensé et l’enfermement dans la prison
de Tepepan. Aujourd’hui, Florence attend toujours son rapatriement en France. Depuis plusieurs mois, l’État français – président de la République en tête – ne cesse de demander son retour,
persuadé de son innocence et conscient du danger qui la guette dans les geôles mexicaines. »
Selon la chronologie des faits par le magazine L’Express il n’est pas question "d’ancien fiancé". Florence Cassez habitait le ranch de Vallarta, près de Mexico. Sur son site, l'association mexicaine "Alto al Sequestro" donne d’autres détails troublants. Le reçu d'un dépôt bancaire de 50.000 dollars sur le compte de la jeune femme à la Banamex a été retrouvé, alors qu'elle gagnait alors 6.000 à 8.000 dollars par mois. Elle avait officiellement établi son domicile au ranch d'Israel Vallarta, accusé d'être le chef d'un gang spécialisé dans les enlèvements et où furent retrouvés trois otages lors de leur arrestation en 2005.
Florence Cassez dit avoir tout ignoré des activités de son compagnon qu'elle connaissait depuis près d'un an et de la présence de personnes séquestrées dans une dépendance du ranch "Las Chinitas". Ce cabanon ne se trouvait qu'à 65 mètres de l'habitation principale et il fallait passer devant pour entrer ou sortir des lieux, dit "Alto al Sequestro". La jeune femme vivait depuis trois mois au ranch comme compagne de Vallarta quand le couple a été arrêté. Or, une femme et son fils y étaient séquestrés depuis 50 jours et un troisième otage depuis 65 jours, note l'ONG. De plus, Florence Cassez avait eu l'occasion de rencontrer plusieurs proches de Vallarta membres de la bande "Los Zodiacos".
L’intégralité de cet article, via ce lien.
Publié dans Ouest-France, le Point de vue d’Alain Musset (de l’École des hautes études en sciences sociales, institut des Amériques) souligne que le Mexique est « un pays qui mène une guerre difficile contre le crime organisé et contre le trafic de drogue, alimenté par la demande croissante des consommateurs nord-américains (par ailleurs premiers fournisseurs d’armes des narco trafiquants). Depuis 2006, cette guerre a fait plus de 30000 morts et les Mexicains sont particulièrement sensibles au climat d’insécurité qui a largement débordé les États de la frontière Nord pour s’étendre à toutes les grandes villes du pays, en particulier la capitale fédérale où s’affrontent quotidiennement des bandes lourdement armées. »
Alain Musset pose la question du rôle de Florence Cassez et relève les amalgames trop simplistes : « S’il est vrai que l’on peut à juste titre critiquer le fonctionnement de la justice et de la police mexicaines, il semble tout aussi nécessaire de s’interroger sur le fond de l’affaire. Je ne sais pas si Florence Cassez a trempé dans les enlèvements qu’on lui reproche, mais elle a été assez maladroite (ou assez aveugle) pour se mettre en relation très étroite avec une bande de mafieux qui vivaient de cette sale industrie sans parler des activités annexes (trafic de drogue, vols, viols, extorsions). Dans un pays où les frontières sociales sont très marquées et où la violence fait partie de la culture, il faut être bien naïve pour ne pas se rendre compte qu’on fréquente des gangsters. La naïveté n’est pas un crime, mais elle n’est pas non plus une excuse. Il ne faut donc pas tout confondre. Le Mexique n’est pas la Colombie. La justice mexicaine n’est pas le bureau politique des FARC. Et Florence Cassez n’est pas Ingrid Betancourt.» L’article complet, via ce lien.
Il est légitime que la famille et les proches de la jeune femme la soutiennent et espèrent son rapatriement. On comprend leurs sentiments, leur combat, chacun d’entre nous agirait certainement ainsi. Lourde condamnation si Florence Cassez n’est que complice, injuste si elle n’a pas été concernée. On est moins convaincu quand "l’État français – président de la République en tête" présente Florence Cassez comme une otage du gouvernement mexicain. Qu’elle soit Française ne suffit pas à garantir pas son innocence. Nous n’avons pas à refaire le procès de Florence Cassez, jugée sur ce qui précède. Le seul point désagréable, c’est la "reconstitution" filmée le lendemain de l’arrestation du couple. En France aussi, on a convoqué les caméras de télévisions pour des opérations de police à grand spectacle. Voilà les quelques éléments de réflexion qui font que je ne lirai pas “À l’ombre de ma vie” de Florence Cassez. Ce n’est pas une question d’opinion sur son innocence ou sa culpabilité, juste que le contexte criminel est trop complexe pour se contenter de sa version des faits.