Nos z’amis z’auteurs de polars ont accepté de répondre à l’interview express 2011 d’Action-Suspense, une nouvelle série dans l’esprit des Portraits Chinois. Ils nous donnent chacun leur version, amusée ou sérieuse, aux six questions décalées qui leur sont posées.
Aujourd’hui : Dominique Sylvain
L’ambiance de vos romans, c’est plutôt : Soleil bruineux sur jungle urbaine, ou Grisaille radieuse sur cambrousse pittoresque ?
C’est définitivement "soleil bruineux sur jungle urbaine". Il pleut beaucoup dans mes romans, entre deux coups de soleil. Et mes héros sont la plupart du temps des citadins. La pluie en ville, c’est très sensuel, et romantique. Voire mélancolique. Ça tombe bien, Victor Hugo disait que "la mélancolie c’est le bonheur d’être triste". Mes averses de papier sont quelquefois (presque) aussi violentes que celle que j’ai connues à Singapour. La plupart du temps, elles embellissent la ville, comme la pluie sublime Tokyo et ses néons la nuit venue (le jour aussi d’ailleurs, la pluie au Japon tombe comme nulle part ailleurs). Malheureusement, les dernières pluies japonaises sont délétères, mais je travaille sur le souvenir d’une pluie scintillante et fraîche. Dans le roman que je suis en train d’écrire, il pleut presque sans arrêt. La pluie s’arrêtera un peu lorsque les deux héros partiront brièvement à la campagne. Ils sont flics et vont se renseigner auprès de la gendarmerie locale au sujet d’un cadavre retrouvé dans un canal. Et ces deux héros (un homme, une femme) s’attachent très lentement l’un à l’autre. Au moment où ils s’en rendront compte, il sera trop tard pour faire marche arrière. Du moins, c’est comme cela que j’envisage les choses mais "rien n’est écrit". C’est le cas de le dire.
Vos héros sont plutôt : Beaujolais de comptoir, ou Double whisky sec ?
Je n’aime ni le beaujolais, ni le whisky. Mes héros sont vin et champagne. Ceci étant dit, je viens d’inventer un juge d’instruction qui aime le Laphroaig. C’est un hommage à Iain Banks, cet écrivain écossais que j’apprécie beaucoup et qui a écrit un guide sur le whisky. Mais les papilles gustatives de Lola Jost sont ouvertes à toutes les possibilités, un peu comme Maigret. J’ai écrit une scène où elle boit du résiné blanc. C’est un vin extraordinaire, je trouve.
Vos héros sont du genre : J’aime personne, ou Je me déteste ?
Ils sont empathiques, en général. Le "j’aime personne" ne fonctionne donc pas pour eux. Ils aiment parce qu’ils savent que c’est un excellent moyen de se sentir vivants. Le "je me déteste" est envisageable à petites doses. Mes héros se détestent cinq minutes par-ci par-là pour finir par mieux s’accepter. Et mes salopards ne sont jamais détestables à 100%.
Vos intrigues, c’est : J’ai tout inventé, ou Y a sûrement du vrai ?
"Y a sûrement du vrai". J’ai besoin du réel, et surtout des détails vrais, pour imaginer.
Vos intrigues sont : Des torrents imprévisibles, ou Des fleuves canalisés?
"Des fleuves canalisés" qui donnent l’impression d’être des "torrents imprévisibles".
Quel est votre propre état d’esprit : C’était mieux demain, ou Le futur c’est maintenant ?
"Le futur c’est maintenant". Mes héros se soignent un peu à la nostalgie mais à doses homéopathiques. Leur époque les passionne et ils n’en ont pas trop peur. La vieille Europe craque aux entournures et ça les intéresse. Ça les touche aussi, beaucoup, mais ils ne pleurnichent pas.
Plusieurs articles ont été consacrés ici à cette romancière. Elle a répondu à "Trois questions à Dominique Sylvain" ainsi qu'au "Portrait Chinois". Des chroniques évoquent "Manta Corridor" et "La nuit de Geronimo", tandis qu'un autre article parle de "Lola Jost et Ingrid Diesel".
Dans la blogosphère, "Guerre sale" de Dominique Sylvain a été chroniqué chez Pierre Faverolle, chez Hannibal le lecteur, chez l'ami québécois Richard, chez l'Oncle Paul, chez Rayon Polar, et sur bien d'autres sites et blogs.