À partir de 1966, Dominique Arly fut un des piliers de la collection Spécial-Police du Fleuve Noir, tout en publiant aussi des romans d’Angoisse. La plupart de ses titres sont de bons romans à suspense, avec une brochette de suspects, des fausses pistes, quelques scènes suggestives, et un dénouement à la hauteur. Il mit en scène plusieurs limiers : l’inspecteur Solin, l’étudiant Hugues Marestier, le policier retraité Émile Delmont, sont quelques-uns des enquêteurs qu’on retrouve au fil de ses romans. Il en est un autre, qui apparaît dans au moins une demie-douzaine de romans, Jean-Pierre Martin. C’est un jeune gendarme qui ne manque pas d’initiative, ni de sens de l’observation. Ses aventures dans des petites villes tranquilles restent exemplaires de leur époque.
À travers ce personnage, Dominique Arly ne fait pas exactement l’apologie de la gendarmerie. Car Jean-Pierre Martin enquête principalement en solo, en parallèle. Néanmoins, on peut supposer sa vision des choses par cet extrait, dans “Les créanciers” (1974) : “Les gendarmes ! La police en tenue française est la plus mal aimée du monde. La plus méconnue également. Les Français veulent ignorer que leur gendarmerie a évolué. Et, comme sous l’effet de quelques scandales retentissants, l’opinion publique a tendance à considérer que la police en civil est corrompue, il ne reste à proposer à l’admiration des foules que les exploits romanesques des Privés. Lesquels, en réalité, ne sortent pratiquement jamais de leur basse besogne de mouchards.” Puisque nous sommes en France, autant que l’enquêteur s’inscrive dans notre tradition quelque peu franchouillarde…
Voici quatre exemples de cette petite série de romans.
Meurtre en Eurovision (1966)
Compétition de descente à skis à Megève. Favori, le Français s’élance sous l’œil des caméras de télévision. Il franchit le Mur des Épines, puis tombe par accident. En réalité, il a été abattu par un tireur caché. Tous ses amis, dont le gendarme Jean-Pierre Martin, ont vu les faits en direct à la télé. Grippé, au repos, Martin tient à savoir ce qui s’est produit. Aux abords de la piste, il relève des traces menant à une grange, où il trouve un foulard vert parfumé. Parmi les champions étrangers rivaux de son ami, certains n’ont pas participé à la course: où étaient-ils ? Anne-Marie fut longtemps la petite amie du défunt skieur. Il s’était montré fort incorrect avec elle, depuis qu’il connaissait la notoriété. Elle a pu vouloir se venger, d’autant qu’elle n’a pas d’alibi précis. Les relations entre le champion et les gérants de sa boutique pour skieurs à Megève n’étaient pas très bonnes, non plus. Un commerce qui mériterait d’être surveillé. Les policiers menant l’enquête officielle devraient davantage s’intéresser aux indices fournis par le gendarme. Y compris concernant un jeune Parisien, peut-être pas si blessé qu’il le dit…
La menteuse (1968)
Le gendarme Jean-Pierre Martin est de garde à la brigade de Sauzier, quand Mme Verneil l’informe de la disparition de sa fille Jacqueline. Trois heures plus tôt, une voisine aurait vu la jeune fille d’à peine dix-huit ans à la porte de leur maison. Un instant après, elle n’était plus là. Gilbert, le jeune frère de Jacqueline, ne sait rien de plus. Débute une enquête de routine pour le gendarme Martin. La meilleure amie de Jacqueline affirme que la disparue invente divers mensonges concernant sa vie privée. Dans l’armoire de la jeune fille, Martin trouve des vêtements et des produits coûteux. Le maigre salaire de Jacqueline était insuffisant pour se payer ce luxe. Ce n’est pas Jacky, qui fut un temps son petit ami, qui lui aurait offert ça, non plus. Le fou échappé d’un asile voisin est-il concerné par l’affaire ? La jeune fille a laissé une lettre, annonçant qu’elle part avec l’homme de sa vie. Les Redon père et fils semblent concerné par cette disparition. Qui devient inquiétante quand une lettre postée de Nice annonce l’enlèvement de Jacqueline. Il faudra le meurtre d’une dame âgée et un indice dans une enveloppe pour que le gendarme commence à approcher d’une vérité assez complexe…
Crimes sous le Mont-Blanc (1970)
Jean-Pierre Martin termine un stage à la brigade du Mont-Blanc, quand un crime est commis sous le tunnel. M.Bercier, la victime, est le patron d’une brasserie de la région. Il se rendait en Italie quand il a été agressé. Connaissant les qualités d’enquêteur de Martin, le commissaire Grignon lui demande de se renseigner sur l’affaire. Plusieurs pistes possibles apparaissent bientôt. D’abord Ida Renaldo, jeune et belle Italienne que Bercier était sur le point d’épouser; et Walter Sarone, l’amoureux jaloux d’Ida, sans doute celui qui a tenté d’assommer le gendarme. Chez les proches de Bercier, il y a son fils Jacques et sa fille Thérèse, pas très causante. Sans oublier le barman Maurice et la cuisinière Mme Ramuz. Collecter les moindres détails est indispensable si Martin veut avancer dans son enquête. Walter ou Jacques font de bons suspects, mais c’est grâce à un second meurtre que l’on commencera à comprendre…
Funèbre cavalcade (1973)
C’est jour de fête à Vériville. Dans le défilé des chars de la parade, celui du club de foot (La fusée de Vénus) a du succès. Mais c’est L’Île de Tahiti qui attire le plus les regards. Surtout celui du gendarme Jean-Pierre Martin, pas insensible au charme de la vahiné blonde Véronique. Un incident se produit, M.Corbel perdant le contrôle de la voiture tractant le char. Il a été empoisonné par le vin qu’il buvait pour se désaltérer. Une bouteille mal lavée où il restait un fond de poison, ou bien s’agit-il plutôt d’un acte criminel ? Président du Club de foot et de l’association des chasseurs, prêtant ses hangars pour la fête, M.Corbel semblait apprécié de tous. Célibataire, il avait quelques maîtresses, et l’ancien président des chasseurs M.Manichon le détestait. Rien qui donne une nette explication. Nostalgique de Tahiti, le jeune Jean-Paul a-t-il supprimé le patron de son amie Claire pour qu’elle parte avec lui au bout du monde ? Léon Chagny est-il jaloux de sa belle-sœur Juliette, qui devait épouser Corbel, au point d’avoir tué la victime ? Quel est donc le rôle exact de Véronique dans cette affaire ? Une chose parait sûre, l’habile assassin fait partie des organisateurs de la fête…
Jean-Pierre Martin enquête également dans “Les créanciers” (1974) alors qu’il est en poste à Bourgamont, puis dans “Une si jolie majorette” (1976) où il est de retour à Vériville (où a été étranglée et violée Marie-Ange, la capitaine des majorettes). Je n'ai pas le souvenir d'autres aventures de ce personnage. Notons que Michel Gourdon offrit de séduisantes illustrations aux romans de Dominique Arly.