Parmi les nouveautés de janvier 2013 en format de poche, il faut retenir “Raclée de Verts” de Caryl Férey, chez Pocket. Ce roman court fut publié dans la collection Suite Noire en 2007. Si l’on connaît les romans très durs de cet auteur, c’est une autre facette tout aussi intéressante que l’on peut ici découvrir.
Admirateur de la grande époque des Verts, l’équipe de foot de Saint-Étienne, Michel habite dans la banlieue stéphanoise. Il vit seul avec son vieux chien
Janvion. Étant interdit de stade, il suit les matches de l’actuelle équipe de Saint-Étienne à la télé. Ce gros supporter raciste n’aime ni les colorés de diverses origines, ni les femmes qui sont
toutes nulles. Il se moque d’avoir des amis, les Verts constituant son unique univers.
Chaque soir de match, l’adrénaline monte en lui. Il profite de cette excitation pour agresser chez elles des vieilles dames qu’il a repérées. Il les identifie aux anciens adversaires de sa glorieuse équipe. Le chien Janvion est son partenaire lors de ces braquages, qui leur permettent de subsister financièrement. Que le butin soit faible ou plus rentable, Michel supprime ses victimes sans états d’âme. Puis il retourne à sa délirante passion.
Michel perd soudainement l’odorat. Pas si grave, puisque les Verts gagnent contre Strasbourg. Plus embêtant, il perd aussi le sens du goût. L’important, c’est le petit match nul de Saint-Étienne à Marseille. Dans son bistrot habituel (où il est toléré), Michel passe une soirée arrosée avec Marie. Il n’y a que les prostituées qui acceptent le sexe avec lui. Cette fois, il n’éprouve aucun plaisir, si ce n’est celui du geste meurtrier qui s’ensuit. Le derby Saint-Etienne contre Lyon finit par un banal 0-0. La vieille qu’il braque peu après résiste, pour pas grand chose. Se sentant de plus en plus diminué, presque fantomatique, Michel se demande pourquoi Dieu joue ainsi avec lui…
Voici l’ironique portrait d’un solitaire monomaniaque, obnubilé par sa passion jusqu’à l’excès, indifférent au reste du monde, inconscient de sa monstruosité. On peut se demander si ce genre de personnage, cas d’exception sans doute, n’existe pas réellement. C’est là que réside le talent de Caryl Férey : rendre crédible cet affreux, sans qu’il inspire la moindre pitié quand la justice divine s’abat sur lui. Les références à la formidable épopée de l’équipe stéphanoise ravivent nos heureux souvenirs. Quant au style, il est savoureux : “Janvion [le chien] a 29 ans. Il est en fin de carrière mais ne le sait pas encore. Je le lui dirai un jour, avant de le piquer.” Drôle et cruel, à la fois. Délicieux, donc.
-“Raclée de Verts” est disponible dès le 10 janvier 2013-