Par sa réputation maléfique, le corbeau est un oiseau souvent associé au polar. On peut recenser quantité de titres y faisant référence : “La plume du corbeau” de Patricia Wentworth (10-18), “Le chant des corbeaux” d’Erin Hart (Pocket), “Pâté de corbeaux aux amandes amères” de Christophe Chaplais (Bargain), “Corbeau à Hollywood” de Joseph Wambaugh (Points), “Les ailes du corbeau” d’Ellis Peters (10-18), “Les corbeaux de la mi-automne” de Tran-Nhut (Ph.Picquier, 2011), “Mélancolie des corbeaux” de Sébastien Rutès (Actes Noirs, 2011), “La nuit des corbeaux” de John Connoly (Presses de la Cité, 2012). Il en existe évidemment bien d'autres. Parue une première fois en noir et blanc, en 2004, la bédé de Jean-Christophe Pol “Le chant du corbeau” est rééditée en version colorisée depuis le printemps 2012 (chez La boîte à bulles).
Si cette histoire est à la fois poétique et souriante, elle dégage aussi une certaine noirceur. Le héros en est un corbeau solitaire et mélancolique. Autrefois, il appartenait à
la bande du dictatorial Rosetta. Heureux temps où les champs s’étendaient à perte de vue, où les corbeaux faisaient la razzia dans les terrains tout juste labourés. Aujourd’hui, il se délecte
d’hérissons écrasés par les voitures, mais c’est moins joyeux qu’alors. Un jour, il tomba amoureux de la belle Su-Wan, qui s’intégra à leur bande. Certes, tous deux passaient de bons moments
ensemble, mais Su-Wan était fascinée par le mûr corbeau Jack.
Tout ça est loin, Jack et Su-Wan sont morts. Pourtant, il continue à ressasser ses douloureux souvenirs. Les humains, il ne s’en approche guère. À part cette dame âgée qui vit dans une clairière, entourée de sa basse-cour, logeant dans une caravane délabrée. Elle traite le corbeau tel son fils Franck, qu’elle n’a plus vu depuis longtemps. Entre les chasseurs traquant un cerf, et les flics poursuivant un malfaiteur, les humains ne sont pas fréquentables, en effet. Quant à ses secrets, l’oiseau noir finira par les révéler le moment venu…
Le dessin et le cadrage sont relativement simplifiés, ce qui correspond à la tonalité d’une fable. Néanmoins, le scénario est bien pensé. Il y a bel et bien du mystère autour de ce corbeau, de la violence aussi. Voilà une bonne petite bédé destinée aux adultes, très sympa.