Voici un roman idéal pour le mois de décembre : “La révélation de Noël”. Inédit dans la série des "Petits crimes de Noël", cette histoire plus courte d’Anne Perry montre une autre facette de son talent de romancière…
Londres, peu avant Noël 1895. Emily Radley est la sœur de Charlotte Pitt, dont le mari Thomas Pitt est un policier
réputé. Susannah Ross, la tante d’Emily et de Charlotte vit en Irlande depuis longtemps. Elle dut s’écarter de sa famille quand elle épousa un catholique aujourd’hui décédé. Âgée de cinquante
ans, Susannah est gravement souffrante. Emily se résout à quitter provisoirement son mari, pour rejoindre sa tante. Dans le Connemara, elle est accueillie par l’aimable Père Tyndale qui la conduit jusqu’au village côtier dont il est le prêtre. Il évoque le regretté Hugo Ross, le
regretté époux de Susannah, qui fut très apprécié dans la région. Après cet exténuant voyage, Emily arrive chez sa tante, qu’elle trouve fort affaiblie. Heureusement, Susannah est bien aidée par
Maggie O’Bannion, qui s’occupe de la maison. Emily remarque bientôt que Fergal O’Bannion veille de près sur sa femme Maggie, comme s’il redoutait un danger.
Malgré la météo venteuse, Emily se rend jusqu’au proche village. À l’épicerie locale, l’accueil est un peu distant mais poli. Plus tard, elle croise aussi Padraic Yorke. Ce sexagénaire connaît bien le passé de la région. Il lui raconte l’histoire, mêlée de légende, des clans qui furent maîtres des environs. De retour chez sa tante, Emily rencontre les Flaherty, mère et fils. Justement, jadis le clan Flaherty fut ici puissant. Si la mère semble acariâtre, le jeune Brendan est sympathique. La nuit suivante, le tonnerre gronde et les éclairs inquiètent Emily. Au cœur de la tempête, elle aperçoit un navire qui sombre au large du village. Elle ameute la population, qui se porte au secours des naufragés ayant pu survivre. Il n’y a qu’un seul rescapé, bien vite mis à l’abri chez Susannah Ross. Lorsqu’il récupère quelques forces, il dit s’appeler Daniel, mais n’a pas d’autre souvenir du drame.
Emily sent toujours une anxiété chez Maggie O’Bannion et le Père Tyndale. Le cas de Daniel risque de perturber les habitants du village, selon le prêtre. En effet, quelques années plus tôt, le jeune Connor Riordan arriva ici de manière inattendue, un peu comme Daniel. Or, il trouva la mort dans des circonstances mal expliquées. Emily se demande quel rôle joua Hugo Ross dans l’affaire. Se sentant faiblir, sa tante Susannah voudrait sûrement qu’Emily éclaircisse cette question. Toutefois, il s’agit d’un secret qui parait concerner l’ensemble de la communauté villageoise. Bien qu’anglicane, Emily assiste avec Daniel à la messe du dimanche, observant la population. “Au bout de sept ans, poser des questions sur les moyens et les occasions qu’avait eu quelqu’un de tuer Connor Riordan s’annonçait difficile, pour ne pas dire impossible. Les seuls indices résideraient dans le mobile.” Malgré les silences, Emily ne renonce pas à enquêter…
Anne Perry restitue de façon nuancée les ambiances et le contexte de l’époque. L’Irlande rurale est loin de Londres, une des villes-phares de la fin du 19e siècle. Les décors sont présentés avec la belle précision dont sait faire preuve l’auteur. L’analyse sociologique n’est pas absente, quand elle souligne l’éternelle frontière séparant anglicanisme et catholicisme. Une barrière pourtant franchie par Susannah Ross. Un tel village perdu recèle fatalement de lourds secrets créant une tension palpable, que l’œil extérieur d’Emily perçoit vite. La fluidité narrative et l’intrigue au tranquille suspense sont un régal. Un excellent “conte criminel”, en somme.
Dans la même série, Anne Perry a pubié en 2009 "La promesse de Noël" et en 2008 "Le secret de Noël". Retour sur ce titre, également très réussi.
Mi-décembre 1890. Le pasteur Dominic Corde et Clarice, sa seconde épouse, arrivent à Cottisham, petit village au cœur
de la campagne anglaise. Pendant trois semaines, Dominic va remplacer le révérend Wynter, déjà parti en vacances. Le couple s’installerait volontiers ici. Fidèle au pasteur habituel, Mrs
Wellbeloved s’occupera peu d’eux en cette période de fêtes. Peter Connaught, le jeune châtelain local, leur rend une amicale visite. Ils croisent aussi Mrs Paget ou Mrs Towers, dame âgée et
seule. Dominic rencontre Mr Boscombe, qui fut
l’assistant du révérend Wynter, et son épouse. Il est fort bien accueilli, mais sent que ces gens ont des soucis d’argent.
Tandis que Dominic s’interroge sur son futur sermon de Noël, Clarice remarque que le pasteur a oublié sa Bible personnelle. Personne ne sait où séjourne Wynter, pour la lui adresser. Il a aussi laissé son matériel à dessin dans son bureau et des vêtements d’hiver dans sa chambre, ce qui intrigue Clarice. Bientôt, elle découvre au fond de la cave le cadavre du révérend. Selon le médecin, Winter été victime d’une crise cardiaque provoquant une chute mortelle. Il n’admettra pas d’autre version, exigeant qu’on taise ce décès. Pourtant, Clarice se pose des questions sur les circonstances de cette mort. Des traces indiquent que le corps a été traîné dans la cave.
Dominic admet que ce peut être un meurtre. Pasteur à Cottisham depuis longtemps, Wynter connaissait sûrement beaucoup de secrets tus par les habitants. Les minces différences dans les comptes de la paroisse ne sont sans doute pas essentielles. Clarice avoue ses doutes aux Boscombe. Dominic fait de même chez Peter Connaught. Il n’est pas simple d’établir une relation de confiance, puisque le couple n’habite que provisoirement au village – bien qu’ils espèrent y rester. Dominic et Clarice veulent établir la vérité, mais doivent se montrer prudent. C’est dans les archives de la paroisse que Clarice trouve une piste concernant le secret des Boscombe. Sir Peter ou Mrs Towers ont probablement aussi des choses à cacher. S’il fut apprécié de tous, on peut se demander si le révérend était si honorable. Dominic clarifie le cas du couple Boscombe, qui n’est pas dans l’illégalité. Mais d'autres sombres secrets planent sur la calme bourgade...
Ambiance typiquement anglaise garantie, avec tasses de thé offertes à tout visiteur, et noirs mystères. Nous sommes ici dans la grande époque victorienne, avec ses codes et traditions. Dans un décor neigeux et frisquet, l’opiniâtre Clarice tente de résoudre l’énigme, sans déplaire à la population. Dominic, lui, est encore hésitant sur sa fonction : "Être pasteur consistait en partie à ne pas commettre d’erreur (…) Il était l’homme dont les gens du village attendaient qu’il accomplisse le travail de Dieu, et il ne devait pas les décevoir." Le couple évolue dans une intrigue classique et solide, qui se lit avec un réel plaisir.