À travers les nouvelles de son nouveau livre, Alain Emery nous propose un Tour de Bretagne en vingt-sept étapes criminelles. Publié chez Astoure Éditions, “Gibiers de potence”, c’est une galerie de savoureux portraits et de situations particulières, aussi sombres qu’ironiquement souriantes.
À Dol-de-Bretagne, un suspect traqué se réfugie chez son ami d’enfance. Dans le Val de Rance, deux producteurs de cidre sont de fieffés margoulins; ils se trouvent face à une affriolante donzelle qui veut s’associer à leur arnaque. Refusé partout, un médiocre auteur malouin explique à un brillant écrivain comment il compte accéder à la célébrité. À Dinan, un expert en coaching sentimental est surpris qu’une de ses clientes séduise un homme. À Saint-Cast, c’est l’hécatombe chez les quasi-centenaires; sur les cinq, trois morts peut-être suspectes; à tout âge, la concurrence dérange. À Erquy, tragique sortie en mer pour trois commerciaux qui avaient quelques différents. Amis de toujours, deux anciens marins de Pléneuf-Val-André ont gardé en silence un lourd secret, une sourde rancune. Pour un trio de braqueurs pas du tout malins, la confiance ne règne pas quand vient l’heure du partage du butin.
Autre minable caïd, Zeb creuse un trou pour y loger le cadavre de sa compagne, sous l’œil de son complice Maurice. Un détective briochin prend pour cible un quinquagénaire margoulin et séducteur. À Binic, on assiste à la fin mortelle d’une vieille hostilité entre un gars du coin et un expatrié à Paris. Dans la campagne de Saint-Nicolas-du-Pélem, un jeune délinquant vise le trésor d’une vieille sorcière, contenu dans une boite en fer blanc. À Tréguier, on croit encore à la légende de Notre-Dame de la Haine; un érudit se renseigne chez un guérisseur local. Un brave mari de Lannion s’ennuie tant le dimanche qu’il finit par commettre un crime. Cinq jouisseurs amateurs de mets fins se réunissent dans une auberge, une toute dernière fois. La bande de Tony enlève et séquestre le Patron des patrons; quant à la rançon, c’est un peu problématique. À Brest, il s’agit d’éliminer sur ordre un complice malhonnête, son assassin ayant des raisons personnelles de le supprimer.
À la Pointe de la Torche, il observe sa compagne Elisabeth qui s’est enfuie avec un beau gosse; l’heure de sa vengeance a sans doute sonné. Un ivrogne se sent menacé par cet inconnu qui rôde autour de lui, la nuit dans les rues de Pont-L’abbé; il le surine sans attendre d’explication. À Quimper, le Dr Marchand refusait qu’il fréquente sa fille Agnès; l’affaire finit par un fatal carnage. La restructuration d’une entreprise de Lorient cause la mort d’un vieux militant, et la colère meurtrière d’un de ses amis. Il se commet également des crimes à Belle-Île-en-Mer contre le mari de Dolorès, à Vannes contre un spéculateur sans scrupule, à Saint-Nazaire, à Nantes, à Paimpont, et enfin à Rennes. Là, un quidam essaie d’être plus malin que son défunt frère William face à cette crapule qu’est le nommé Scolan.
S’il écrit aussi d’excellents romans, Alain Emery se régale à nous raconter ces petites histoires criminelles, ces tranches de vies et de morts. Vingt-sept textes courts et vifs, ce qui évite une tonalité uniforme. Ces nouvelles ressemblent à des faits divers, souvent sanglants. Personnages et décors sont décrits avec beaucoup de finesse, et une certaine part d’humour. “Avec lui, mieux valait se préparer au pire. Ce fondu n’était heureux qu’un flingue en pogne. Si tu lui demandais de te citer trois philosophes, il te balançait Luger, Beretta et Kalachnikov.” Tel un cuisinier inspiré, Alain Emery nous invite à déguster la farandole de plats qu’il a concocté avec soin. Goûtons-les avec plaisir !
Du même auteur, on peut lire ses romans "Rue de l'Enfer", "Le clan des ogres", "Le bourreau des landes", ou son recueil de nouvelles "Divines antilopes". Alain Emery a aussi répondu au "Portrait chinois".