Voilà un polar psychologique, publié chez First en 2008, que l’on désespérait de voir rééditer en format de poche. C’est une intrigue tourmentée de haute qualité et un noir suspense que nous présente Adele Hartley dans “Écorchée”.
Élevée dans la région de Toronto, Cassie (Cassandra) est une gamine farouche. Par miracle, elle se lie d’amitié avec une jeune voisine de son âge, Jen
(Jennifer-May). Durant leur adolescence, la turbulente Cassie reste amie avec la raisonnable Jen. À la mort brutale de son père, Cassie est très choquée. Introvertie, neurasthénique, elle se
refuse à un “retour au monde”. Malgré l’aide de Jen, elle sombre dans les abus alcoolisés. Son job de photographe laissant à Cassie beaucoup de liberté, elle continue à
dériver entre ivresse et rencontres sexuelles douteuses. Elle ne s’aime pas, se détruit.
Skirving fut un enfant solitaire. Observant les gens, il méprisa bientôt haineusement tout le monde. Ado, il rêvait d’un amour total, idéalisé. Shauna, la femme de sa vie, la compagne parfaite, a été victime d’un horrible meurtre. Commence pour lui une quête impossible. Trouver l’équivalent de Shauna est le prétexte à une série de crimes cruels, inspirés des supplices de l’Inquisition. Emily, Rachel, Nell, toutes sont si “décevantes”.
Biologiste, Jen fait la connaissance du beau Mac lors d’une conférence à l’étranger. Perdue entre une relation avec un homme marié, des amants de passage, et son alcoolisme chronique, Cassie plane loin de la sage réalité de son amie. Ivre un soir de Noël, elle se montre lamentable quand Jen lui présente le sympathique Paul, ami de Mac. Continuant à fréquenter des inconnus, Cassie connaît une légère frayeur qui pourrait la faire réfléchir. Paul ne renonce pas, l’invitant à dîner sans arrière-pensée sexuelle. Amoureux patient, il prolonge son séjour canadien pour Cassie, lui apportant un certain équilibre. Skirving s’installe clandestinement dans l’appartement voisin de celui de Cassie. Il a repéré la jeune femme, estimant une fois de plus avoir trouvé l’âme sœur. Encore faut-il créer les bonnes conditions psychologiques pour Skirving. Il espionne Cassie avant de passer à l’action…
La force de ce passionnant suspense ne se trouve pas dans le dénouement, quelque peu attendu, mais dans le parcours des personnages. Cassie la survoltée est vraiment attachante, dans ses excès comme dans sa détresse intérieure. Son état d’esprit est-il si éloigné de celui du tueur ? Lui aussi est un solitaire, mais guidé par un instinct pervers, alors qu’elle est plutôt dépressive. La fidélité de Jen, l’amie saine, n’est pas sans heurts ni doutes. La relation entre Cassie et elle est décrite avec une belle justesse. L’auteure ne s’apitoie pas sur le cas de ses héros. Au contraire, elle utilise souvent l’ironie, évoquant par exemple les beuveries de Cassie ou le chien défenestré de Skirving. Grâce à cette tonalité enjouée voire mordante, les moments plus dramatiques évitent toute lourdeur. Ce premier roman d’Adele Hartley est absolument impeccable !