Nous autres, simples citoyens, sommes ignorants des réalités du monde de la haute finance. Nous subissons les effets d’une crise économique, causée par des gens inconscients des réalités quotidiennes. Dans “Krach Party” (Éd.Carnets Nord), Philippe Nicholson nous invite vingt-quatre heures dans l’univers de ces monstres de la spéculation. On observe ce microcosme peuplé de cyniques, d’opportunistes, de tricheurs, de mégalos. Caste d’élite autoproclamée certaine de son pouvoir, ils sont écœurants de suffisance, modestie et repentir n’existant pas pour eux. Leurs opérations dévastatrices basée sur le crédit permanent a engendré la crise d’aujourd’hui, dont-ils tireront encore bénéfice.
Hugues Frassier est le plus actif spéculateur de Paris depuis plusieurs années. À 39 ans, il dirige un gros fonds
d’investissements, pourri de produits financiers dangereux, instables et volatiles, mais affichant des rentabilités totalement démoniaques. Frassier est riche, jongle avec des
millions virtuels, ne dédaigne pas un petit délit d’initié s’il est lucratif. Il ne s’occupe ni de sa femme Gwen, ni de leur fils. Il est l’amant de Marie, qui possède une agence de
communication. Malgré la crise, où grâce à elle, Frassier manipule le marché pour devenir chaque jour plus fortuné et plus puissant. Son conseiller Dominique de Granville, qui lui fait payer cher
ses services, le considère comme “un arrogant, prétentieux et imbuvable petit con.” Avec son assistante Véronique, Dominique gère les problèmes conflictuels parfois créés par Frassier. Amys est
le plus ardent ennemi du financier. Propriétaire d’une société cotée en Bourse spécialisée dans l’industrie du sexe, Amys mettra tout en œuvre pour ruiner Frassier. Un des prétextes étant que
Frassier a produit un film gore mêlant sexe et violence.
Ce jour-là, l’Espagne révisant sa position européenne, la Bourse accuse vite une sérieuse baisse. Frassier et son équipe cherchent le créneau pour en profiter. Plus grave, l’agence de com’ de Marie était chargée par un groupe important de minimiser un accident nucléaire. Or, le jeune stagiaire Arthur (petit ami de Daisy, la sœur de Marie) commet une énorme bourde, en diffusant l’info secrète aux médias. Même si l’agence riposte promptement, les effets sur la Bourse sont désastreux. Par ailleurs, le vieux journaliste alcoolo Victor a trouvé des preuves concernant le film hard impliquant Frassier et Marie. Il espère faire chanter le spéculateur. Le couple n’est pas vraiment inquiet, Frassier n’hésitant pas à cogner Victor quand il lui réclame le pactole attendu.
De son côté, bourrée de tranquillisants, la fragile Gwen s’essaie à une partouze, sans plus de passion que pour le reste. Quant à Amys, sa volonté de ruiner Frassier gagne en virulence. Dominique de Granville possède un bon moyen de trahir le spéculateur, grâce à un industriel qui a toute confiance en Véronique. Quand les cotations s’achèvent, la Bourse a connu un Tchernobyl financier, qui présage de bien pire encore. Mais pour Frassier, la journée n’est pas terminée. S’illusionnant un peu, il estime avoir limité les dégâts, et être capable de rebondir dès les jours suivants…
“Dans le monde merveilleux de Frassier, tout est à acheter, tout est à vendre. C’est un militant discret mais hyperactif, à son niveau, du commerce à grande échelle. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se marchande. L’argent peut tout (…) C’est un monde d’avenir. Le problème, selon lui, reste que la société moderne empêtrée dans ses vieilles croyances, refuse cette marchandisation du monde” telle est l’insolente philosophie de Frassier et de ses semblables. Aucun d’eux n’a tiré les leçons des précédentes crises. C’est leur exemple qu’il faudrait envier ? Connaissant bien ces milieux, l’auteur n’est peut-être pas hostile au système, s’il repose sur des bases un peu plus raisonnées. Il souligne quelques vérités, oubliées de ces décideurs. Cette intrigue bien pensée, rythmée et riche en savoureux portraits, utilise donc l’unité de temps pour nous entraîner dans les méandres de la finance. Un premier roman très réussi.