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1 septembre 2009 2 01 /09 /septembre /2009 06:22

Le roman de Gregory Macdonald (1937-2008) “Rafael, derniers jours” a été récompensé par le Trophée 813 du roman étranger 1997. Il s’agit d’une histoire poignante, humaniste, et puissante. Il présente une image très sombre de l’Amérique, plus violente qu’Horace McCoy évoquant la crise des années 1930, ou que David Goodis racontant la médiocre vie d’alcooliques victimes de la fatalité. (Johnny Depp a adapté ce roman au cinéma, sous son titre original : "The Brave")

Pour la première fois de sa vie, Rafael a trouvé un vrai travail. On lui proposait 25000 dollars. Il a durement négocié, et obtenu les 30000 dollars qu’il réclamait pour ce boulot. Rafael n’a pas cédé face à McCarthy, son futur employeur, qui n’est pas un tendre. L’homme lui a clairement exposé ce que Rafael aurait à faire, lui donnant quelque conseils. Il s’agit d’un film, dans lequel on le grimera en Indien - parce que Rafael a un peu l’air amérindien. Son rôle sera pénible, Rafael l’a bien compris. C’est lui-même qui a fixé la date du tournage : jeudi matin. Ce qui lui laisse trois jours, d’ici là. Ils ont signé un contrat, avec une avance de 250 dollars. Si Rafael - accro à l’alcool, ça se devine - était ivre jeudi, ça compliquerait les choses. Larry, le neveu de McCarthy, a amené Rafael chez un coiffeur, qui ne cache pas son hostilité. Puis ils ont allés à la banque, afin d’ouvrir un compte pour Rafael. Il a pu alors toucher son avance.

Avant de retourner chez lui, à Morgantown, il a acheté des cadeaux pour sa femme Rita, ses enfants et ses amis. Ce n’est pas par hasard qu’il a voulu aussi une dinde. “Une fois, dans ce magasin, Rafael et Rita avaient aperçu une dinde. Rita n’en avait jamais vu auparavant. Ils l’avaient admirée derrière la vitre, jusqu’à ce qu’un type se pointe. On achète ou on dégage. Bien sûr, ils n’avaient pas la somme nécessaire. Ni l’un ni l’autre n’en avaient jamais mangé.” Enfin, Rafael s’est acheté des vêtements neufs, les premiers de sa vie. C’est à cause de ça qu’il a failli avoir des ennuis avec les vigiles du magasin. Mais, il n’avait pas à voler puisqu’il pouvait payer. Avant qu’il ne prenne le bus, le barman qui lui avait refilé le tuyau pour ce job lui a offert une grosse bouteille de vodka. Et Rafael est rentré en bus à Morgantown. Sur le trajet, il y avait les flics, à cause d’un braquage à Big Dry Lake, où une femme était morte.

Morgantown, ce n’est pas une ville, ni un quartier. C’est un terrain dans un ravin, au bord d’une décharge. La population pouilleuse vivant là a organisé “un système économique rudimentaire [qui] fonctionnait sans trop de difficultés.” Rafael est né dans ce trou à rats, où tous sont plus ou moins malades. Il est illettré, déjà alcoolique avancé malgré son jeune âge, marié à Rita parce qu’il l’a toujours connue, avec laquelle ils ont trois enfants. Leurs voisins et eux-mêmes se logent comme ils peuvent. Ils grappillent dans la décharge ce qui est revendable, gagnant trois fois rien. Ce qui sert à alimenter leur “magasin” communautaire. Depuis peu, la décharge a été à nouveau clôturée, et le gérant est armé. Celui-ci va même jusqu’à tirer sur le petit Ninja, 12 ans. “Foutre le camp d’ici”, voilà ce que Rafael veut pour Rita et leurs gosses. C’est pourquoi il a accepté de tourner dans un snuff movie

Le mot neutre squat a remplacé le trop évocateur mot bidonville, ce qui a permis de gommer une réalité miséreuse, d’oublier qu’il existe des populations vivant dans des conditions plus que précaires. On aurait tort de croire que dans les riches pays occidentaux, il n’y a plus de traces de ces bidonvilles. Sans doute est-il plus facile de parler avec un cynique mépris de marginalité délinquante, voire de la fainéantise congénitale de ces populations. C’est plus simple que de chercher un remède. Justement, Rafael a trouvé une solution, une clé, une porte de sortie. Expérience finale, pour lui, mais qui permettra de sauver les siens. Rafael n’est pas un naïf, c’est même l’inverse. Il a pris sa décision avec calme et dignité. C’est un honnête homme qui, même s’il avait les moyens d‘y souscrire, ne simulerait pas son décès pour toucher une assurance-vie. Plutôt que de continuer à végéter, il est prêt à souffrir une heure “comme un taureau dans l’arène”. Sans ce sacrifice, pas d’avenir pour sa famille. Le désespoir lui donne ce courage.

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commentaires

R
<br /> "... a garder en mémoire..."<br /> De toutes façons, une fois lu, je ne crois pas possible de l'oublier...<br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Je n'emploie que rarement le mot, mais "Rafael, derniers jours" est un roman fascinant. Et, en effet, inoubliable...<br /> <br /> <br /> <br />
G
Un de mes romans préférés !
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C
<br /> <br /> Un remarquable roman, mon cher Geof ! Sans doute un des plus puissants de la Littérature noire. Macdonald est, par ailleurs, un auteur que je connais mal (je n'ai lu<br /> qu'un ou deux "Fletch"), mais ce livre-là mérite d'être gardé en mémoire...<br /> Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />

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