Après “0666” (coll. Noir Express, Éditions du Barbu), Bernard Leonetti vient de publier “Gévaudan !” Avec ce quatrième titre de la collection Polars et Grimoires, dirigée par Renaud Marhic, nous revisitons l’affaire de la Bête du Gévaudan. Ces faits mystérieux, jamais sûrement résolus, restent dans notre mémoire collective.
Julien vient d’hériter de la ferme de son oncle en Lozère. Ce Parisien pur jus, créatif dans la publicité, ne voit qu’une solution : mettre en vente cette maison d’un parent qu’il n’a
pas connu, qui avait mauvaise réputation dans sa famille. Débarquer à Saint-Chély-d’Apcher, au cœur du Gévaudan, constitue déjà pour lui une aventure. Au bar de l’hôtel où il est logé, il entend
parler des mystérieux décès récents de deux femmes. L’une avait tout l’air d’une prostituée. L’autre effectuait le pèlerinage de Compostelle avec son compagnon. Elles auraient été tuées par des
animaux, d’aucun accusant des loups en maraude. Le notaire chez qui Julien a rendez-vous connaît bien l’histoire de sa région. Ces deux morts font forcément penser à la célèbre affaire de la Bête
du Gévaudan, qui sévit de 1764 à 1767. Les faits historiques ont donné naissance à nombre de superstitions, de légendes, de rumeurs, prétextes à désigner quelques boucs émissaires.
La ferme de l’oncle paria est véritablement située au milieu de nulle part. Quand Julien la trouve enfin, une curieuse “locataire” s’y est installée comme chez elle. Cette jeune Lisette a fugué de hôpital psychiatrique, où elle est soignée par le Dr Delorme. C’est une vraie sauvageonne mutique, bien difficile à amadouer. Sa sensualité brute attire Julien, qui en oublie son amie parisienne Nadège. Il ne parle à personne de la présence en ces lieux de Lisette, pas même à Delorme avec lequel Julien a sympathisé. Le médecin n’ignore rien de tous les fantasmes liés aux Bêtes mythiques. Même la théorie d’un cryptozoologue, érudit sur ces questions, ne l’impressionne pas du tout. Nulle base formelle ne vient étayer les diverses versions, ramassis de rumeurs. Animal préhistorique préservé, fauve importé d’Afrique, légende des “meneurs de loups”, ne sont que chimères.
Une troisième femme a été attaquée par la Bête, mais elle est sauve. Néanmoins, un chasseur viandard nommé Raymond, un autre Tartarin taré de son espèce, et le pieux compagnon de la deuxième victime, ont décidé de réagir. Ils s’en prennent à Julien, accusant son oncle (parmi tous ses méfaits) d’avoir possédé un chien monstrueux. Ce serait ça, la Bête. Alors qu’ils frappent Julien, un marginal nommé l’Espagnol intervient. Avec ses pitbulls, il n’est pas moins inquiétant que le trio d’agresseurs. En réalité, sûr d’être le seul intéressé, l’Espagnol se porte acquéreur de la maison maudite de l’oncle de Julien. Lisette vit toujours là. Aussi, quand arrive Nadège, l’altercation violente en inévitable, la sauvageonne étant mieux armée que son adversaire. On dénombrera encore plusieurs victimes avant que la vérité sur la Bête ne soit faite…
Au-delà des rappels historiques documentés, des hypothèses romanesques parfois farfelues qui furent émises, l’intrigue
est actuelle. Une nouvelle série d’attaques mortelles, et l’ombre du monstre réapparaît. Soulignons un scénario à suspense plutôt habilement construit, très entraînant. Non seulement les scènes
se succèdent à bon rythme mais, qualité majeure, chaque personnage tient ici un rôle dévolu. En effet, il n’y a pas vraiment de figurants dans ce récit, chacun ayant une vraie fonction, active ou
informative. L’auteur évite une description rétrograde de la contrée, dessinant sans caricaturer des villages ruraux et peu habités. Toutefois, il ne manque pas d’ironiser sur les fanfaronnades
de l’expert cynégétique local. Un roman solide et passionnant.
- Lire ma chronique sur le précédent roman de cette collection, signé Michel Brosseau "La Dame blanche était
en noir" (cliquez sur le titre) -
Site éditeur : www.polarsetgrimoires.fr