L’insécurité règne au cœur de Paris. Particulièrement visé, le quartier du Marais où se produisent de nombreux accidents douteux, qu’on suppose d’origine criminelle. Les autorités de la capitale s’en inquiètent, mettant tout en œuvre pour faire cesser cette série meurtrière… C’est l’ambiance parisienne à la fin de l’époque Louis XVI que ce passionné d’Histoire qu’est Pierre-Alain Mesplède nous invite à découvrir dans “Les caïmans du Marais” (Éd.Pascal Galodé, 2009). En effet, en ce mois de novembre 1787, plusieurs accidents ont été causés par des charrettes de foin trop chargées. Il arrive que des ballots tombent sur les passants et les tuent. Le commissaire Davier désigne le compétent policier Malvy, afin qu’il enquête sur chacun des cas en question.
Grâce à ses mouches (ses indics) fréquentant les auberges du quartier, il espère d’utiles renseignements. Dans le Marais, des bandits appelés “caïmans” sont à l’affût de tous les mauvais coups. Ainsi, Jehan Le Roux et sa bande ont repéré le jour du transfert d’or mensuel destiné au fils Fournier, à partir de chez sa mère la veuve Fournier, riche orfèvre. Dans le cas du savetier Verbois, ce fut un vrai accident. Toutefois, Malvy s’aperçoit que le sieur Rabineau, propriétaire charretier, n’est pas totalement innocent. La mort de la mère Cornebœuf a été provoquée car, comme dans tous les accidents suspects, on a repéré un cheval à la robe pommelée tirant le chariot de foin.
Nicolas Lecœur est aujourd’hui Premier violon dans l’orchestre dirigé par M.de Saint-George, un métis très apprécié par Marie-Antoinette et sa cour. Dans les soirées mondaines, Nicolas et son amie Marianne croisent les célébrités du moment, compositeurs et comédiennes, et même M.de Lafayette. Danseur à l’Opéra et camarade de Nicolas, Auguste Vestris participe à ces festivités. Dans leur entourage, la mort du violoniste Philippe de l’Estoile pourrait être un accident réel, rien de sûr. Pourtant le témoignage de Marianne, servante d’auberge, aiderait sûrement à identifier une bande de “caïmans”.
Le meurtre de M.de Lantenay, architecte victime d’un ballot de foin, n’est pas si compliqué à solutionner. Il y a aussi celui du prêteur sur gages Josuah Lévy, dont les feuilles de comptes vont aider la police. Plus incertain est le cas de la marquise de Lagny, tuée avec le laquais qui la protégeait, probablement par des “caïmans”. Le décès de cette joueuse invétérée profite à son neveu, le comte de Saint-Priest, mais ça ne constitue pas une preuve. Bientôt se profile une piste sérieuse…
Grâce aux musiciens d’un orchestre prisé par la Cour, l’auteur nous présente mondanités et milieux huppés, agrémentés de nombreux détails historiques. Mais c’est dans le Paris populaire, dans les ruelles et tavernes du quartier du Marais, que se déroule l’intrigue criminelle proprement dite. Indices et déductions permettent à Malvy de résoudre plusieurs cas, même si en ce temps-là, on ne mène pas une enquête de la même façon qu’aujourd’hui. Bien sûr, les indics apportent déjà une aide précieuse. Menacer les coupables de la “question” suffit pour obtenir leurs aveux. Un voyage très plaisant (et fort bien documenté) à la fin du 18ème siècle.