Créée et dirigée par Jean-Bernard Pouy aux Éditions La Branche, la collection Suite Noire connaît un beau succès. Hommage à la célèbre collection de Gallimard fondée en 1945 par Marcel Duhamel, Suite Noire convie tous les auteurs français ayant été publiés dans la Série Noire à signer un court polar, incisif et rythmé, reprenant sous forme d’allusion (allitération, jeu de mots ou homophonie) ses titres les plus fameux. Des livres dans lesquels les auteurs utilisent le genre noir pour porter un coup de projecteur sur les dérèglements de notre société.
Huit téléfilms innovants et décapants de 60 minutes adaptés de ces romans noirs ont été réalisés par des cinéastes. Chaque film est le fruit de la rencontre volontaire entre un réalisateur venu du cinéma et l’un des livres de la collection Suite Noire. Il s’agit donc bien de huit oeuvres originales où, tout en jouant avec les codes du film noir et de la série B, chaque réalisateur a eu à coeur de faire une création personnelle, innovante, libre. Originalité de ses tandems romanciers/cinéastes, richesse de ses castings, pluralité des univers et des sujets abordés, vraie liberté de ton et de mise en scène, admettant la distance, l’humour, l’outrance, la provocation voire la transgression : tel est le projet de ces téléfilms. Une nouvelle génération d’oeuvres noires, à déguster sur France2 dès le dimanche 5 juillet, vers 22h50.
Pour mémoire, voici ma chronique concernant On achève bien les disc-jockeys, de Didier Daeninckx (2006), premier roman adapté de cette série.
Sur une radio associative contestataire, Crista anime chaque vendredi soir une émission destinée aux détenus, Levée d’écrou. Certains l’appellent en cachette depuis leur prison, grâce à des portables bricolés. Manu fait partie des fidèles de ce programme, qui dénonce les tares de la vie carcérale et de la justice. Dès sa sortie, Manu rencontre Crista à la radio. Il admet appartenir à la petite délinquance, mais n’a pas mérité son séjour en prison. Crista et lui passent le week-end ensemble, chez elle. Manu connaît Baquery, le responsable de la radio. Ils ont un passé militant en commun. Maîtrisant l’informatique, Manu propose de créer à peu de frais un site Internet pour la radio. L’initiative plait à Baquery. Afin d’assurer le contenu du site, Manu discute avec chacun des animateurs. D’une large diversité, tous sont très motivés par leur action. Manu acquiert vite une belle notoriété auprès d’eux. Il continue à vivre avec Crista. Manu possède un lot de portables top niveau, des téléphones indétectables. Ces coûteuses petites merveilles intéressent Stormy et ses amis. Il en achète dix, payées cash. Crista ignore ce trafic lucratif. Manu doit passer quelques jours en Touraine, où vit son fils de dix ans. Crista les y rejoint un peu plus tard (…)
La description de cette radio militante permet à Daeninckx de défendre des thèmes sociaux, son éternel combat. Entre autres, il souligne combien les conditions de vie pénitentiaire n’ont rien de luxueuses, il évoque une souriante « affaire Brassens », et il rend hommage au comédien méconnu Jacques Rispal. Pour autant, il ne néglige pas l’intrigue à suspense. Malgré un apparent optimisme, le destin de cette poignée de personnages ne peut qu’être sombre. Car tout est manipulation en ce monde où règne le flicage.