Retour sur deux romans d’un auteur diablement intéressant, Pascal Jahouel. Ce ne sont pas les intrigues purement criminelles qui priment, mais la tonalité du récit. En effet, c’est le langage utilisé qui donne une grande partie de leur saveur à ces histoires à suspense. On se laisse volontiers entraîner par la narration imagée et riche en vocabulaire du héros anti-conformiste. D’un esprit indépendant, égaré dans la police, l’impétueux Lejeune est plutôt bagarreur et ne dédaigne ni le sexe, ni l’alcool. Par ailleurs, les portraits ironiques des divers protagonistes ajoutent au plaisir de lecture.
"La gigue des cailleras" (Krakoen, 2007) : Denis
Dupré, qu’on surnommait Le Rouquin, était le principal fournisseur en substances illicites de la région de Rouen. Sa chute mortelle, à la Cité des Moineaux, peut passer pour un suicide. Pourtant,
son confortable appartement témoigne qu’il ne s’agissait pas d’un désespéré. Le policier Bernard Hilaire Lejeune s’oppose à son supérieur, qui veut classer l’affaire. Il obtient le soutien de
Cendrine, séduisante substitut du procureur. Témoin de la vie du quartier, Popaul Hervieux connaît trop bien Dupré et ses anciens amis. Quinze ans plus tôt, ces “Trois Mousquetaires” ont
martyrisé sa sœur Hélène, qui végète depuis en psychiatrie. Ils dealaient, organisaient des tournantes, dominaient le secteur. L’un d’eux, Dosbarrios, est devenu un redoutable avocat. Le
troisième, Patrick Firmin, a fait une belle carrière de footballeur pro. Il joue encore, dans l’équipe du Havre.
Bien que Lejeune soit à l’origine de l’enquête, celle-ci est confiée au capitaine Rachid Laghaouat, natif de la Cité des Moineaux. Lejeune est pourtant né dans un univers similaire, au Havre. Son
père, ardent militant anar, et sa mère, y vivent toujours. S’intéressant à Firmin, Lejeune repère rapidement le garage où le footballeur cache son stock de drogues variées. Mais le policier se
fait assommer. A son réveil, la marchandise a disparu. Menacé par Dosbarrios (l’avocat de Firmin), moqué par ses collègues (dont Rachid et le commissaire Chassevent), cogné par des cons de
supporters (manipulés), Lejeune ne renonce pas…
"Dix de derche" (Krakoen, 2009) : Le policier Bertrand Hilaire Lejeune reprend son poste à Rouen,
en plein cœur de l’été. Que son impulsif supérieur, le commissaire Chassevent, soit encore en vacances est plutôt une bonne nouvelle. Un membre puissant de la CCI, Jean-Denis Charoux, est
retrouvé mort par noyade. Un décès accidentel ? Une amie intime de Charoux n’est pas de cet avis. Leur couple illégitime fréquentait des clubs échangistes et s‘affichait sur Internet. Laissant à
son collègue facho Begood le soin de s’informer sur les sites web spécialisés, Lejeune va explorer “le jardin secret de ce gros bonnet”.
Dans la propriété de Charoux, en pleine cambrousse, il fait connaissance de sa famille. Lejeune est troublé par la beauté distinguée d’Apolline, la veuve. Celle-ci se montrait tolérante envers
les jeux sexuels de son libertin de mari. Plus disgracieuse, sa fille Pélagie est une militante catho snob, fiancée à un jeune homme du même monde, Raphy. Ceux-là sont moins compréhensifs que la
belle Apolline. Mais celui que tous désignent sans vraiment l’accuser, c’est le fils Cyprien. Lejeune lui rend visite dans son squat d’artistes. Le jeune peintre est aux antipodes de sa famille,
et l’assume. Il admet avoir été en conflit avec son père, à cause du squat pour lequel tous deux avaient des projets opposés. Cyprien est bien le meilleur suspect, mais on pourrait aussi
soupçonner un certain Goncelin, ruiné à cause de Charoux. Pour Lejeune, l’occasion d’une virée alcoolisée à Bruxelles, où vit maintenant ce Goncelin. Quand il revient à Rouen, les collègues de
Lejeune croient tenir leur coupable...