Quand on demande à Jean-Bernard Pouy de présenter l'essai qu'il publie en février 2009 chez L'Oeil Neuf éditions, il répond à “Action-Suspense” :
« D’autres, et pas des moindres (dont Claude Mesplède), ayant déjà fait le boulot, l’objet de ce petit opuscule est de résumer tout ce que j’ai pu proférer, quelquefois en toute impunité (et depuis plus de vingt ans) lors des nombreux débats, rencontres et conférences auxquels j’ai été convié. Je sais être inexact, réducteur, et surtout oublieux. Je connais mes dadas, mes a priori et mes manques. Je les assume d’autant plus que c’est par passion pour cette littérature que je me suis permis d’en dresser une sorte de “carte de visite” perso. »
Quiconque a entendu J.B.Pouy s'exprimer sur le roman noir, avec sa fougue gouailleuse, publiquement ou en petit comité, n'avait qu'un seul regret : n'imprimer que dans notre mémoire les propos de l'orateur, puisqu'il n'existait pas de version publiée. “Une brève histoire du Roman Noir” remédie à ce manque.
Des travaux universitaires sur le Roman Noir existent, d'une incontestable précision, souvent un peu académiques, quelquefois rédigés par de vrais lecteurs. J.B.Pouy raconte, avec sa verve de passionné, ce qui l'a fait vibrer et ce qui l'a amusé, ceux qui l'ont marqué et parfois touché. Nourri d'Hammett et de Chandler, de James Cain et d'Horace Mc Coy, il nous rappelle que le Roman Noir vient de loin (Sophocle et M.G.Lewis). Que Féval, Gaboriau, et peut-être Zola, ont autant créé les codes de ces romans que John Steinbeck ou W.R.Burnett. Car c'est bien de réalisme social dont nous parle le Roman Noir, des tares de nos sociétés comme des imperfections humaines. Que les héros soient des désespérés en route vers l'enfer, des frapadingues astucieux, des traumatisés par les guerres, ou des détectives égarés dans une labyrinthique affaire, le lecteur partage leur destin le temps d'un livre.
S'il nous parle des historiques aiguilleurs du genre, des pessimistes jusqu'au nihilisme, des intellos qui s'infiltrent avec talent, on sent chez J.B.Pouy une tendresse particulière pour les cas particuliers. On ne s'étonnera pas qu'il lise avec délices ceux qu'il nomme les forcenés et les allumés, et qu'il adore autant les étoiles filantes, ayant peu écrit mais avec force.
Les historiens décrivent les faits. Les passionnés parlent de ce qu'ils aiment. Des auteurs d'hier – jalons de leurs lectures, des auteurs d'aujourd'hui – sans découverte, où serait le plaisir ? C'est ainsi que Ken Bruen côtoie ici Pascal Garnier, que Manchette et Daeninckx sont au côté de Giorgio Scerbanenco et de Leonardo Padura, que Caryl Férey est aussi présent que Manuel Vazquez Montalban. Ni catégorisés, ni éparpillés. Animés par le même esprit, celui du Roman Noir. Membres d'un large cercle où coexistent des auteurs si différents, si opposés sans doute. Ils ont pourtant un point commun : des lecteurs qui les apprécient, qui les admirent.
J.B.Pouy conclut ce livre avec une nouvelle : “Sauvons un arbre, tuons un romancier !” qui est, somme toute, une illustration de ce qui précède. Un tueur à gages, un vrai de vrai, est chargé de supprimer un médiocre romancier, dont la prose se nourrit de clichés. Pas d'états d'âmes pour l'assassin appointé qui l'attend chez lui ? Peut-être qu'un détail...
Jean-Bernard Pouy “Une brève histoire du Roman Noir” (L'Oeil Neuf éditions). Disponible le 18 février 2009. www.oeil9.com
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