L'univers de Stéphanie Plum
D’abord auteur de romans sentimentaux, l’américaine Janet Evanovich créa en 1994 le personnage de Stéphanie Plum. C’est une chasseuse de primes chargée de retrouver les suspects sous caution ayant oublié de se présenter au tribunal.
Cette brune aux yeux bleus a environ trente ans, elle mesure près d’un mètre soixante-dix, elle pèse soixante-deux kilos et demi, et fait du 85 B de poitrine. Elle vit à Trenton, dans le New Jersey. Elle est très attachée à son quartier natal, le Bourg. C’est dans ce quartier middle class, aux maisons jumelées, qu’habite sa famille. Elle leur rend de fréquentes visites.
Sa mère est une cuisinière experte, qui l’invite à dîner, et ne la laisse jamais repartir sans une part de gâteau ou quelque plat préparé. Elle juge trop dangereux le métier de sa fille. Elle voudrait que Stéphanie mène une vie normale. Surtout, qu’elle se marie. De préférence avec le policier Joe Morelli, ami de longue date. Mais la jeune femme, divorcée de l’avocat Dickie Orr après un court mariage, n’est pas pressée de recommencer.
Le père de Stéphanie s’exprime peu, sinon par de brèves réparties ou des silences réprobateurs. Cerné de femmes, il préfère se replier sur lui-même. Valérie, la sœur aînée de Stéphanie, apparaît comme la femme parfaite. Mariée, elle a deux filles, et vit en Californie. Bientôt larguée par son mari, elle revient vivre chez ses parents.
La plus déjantée de la famille, c’est Mamie Mazur. Cette excentrique veuve âgée est prête à toutes les expériences excitantes. Elle ne s’interdit aucun fantasme, ni aucune fantaisie. Son grand plaisir, ce sont les veillées funéraires chez Stiva. Elle y récolte les derniers potins, et met une certaine animation. Elle est mêlée aux affaires traitées par sa petite-fille. Elle se montre parfois envahissante dans la vie de la jeune femme. Si elle exaspère les parents de Stéphanie, c’est un personnage absolument réjouissant.
La famille compte également bon nombre d’oncle, tantes, cousins. Justement, Stéphanie est employée par son cousin Vinnie, agent de cautionnement judiciaire. Vincent Plum, 45 ans, passe pour un obsédé sexuel, voire pour un type lâche et désagréable. Il confie à sa cousine des missions qu’il estime faciles, sans danger. Ce qui n’est pas toujours le cas, finalement. Car, au Bourg, même les suspects âgés sont pleins de vitalité. Ils savent éviter qu’on les retrouve. D’autres, plus jeunes, sont carrément azimutés. Par exemple, le Mooner, un doux dingue camé plutôt sympathique. Les allumés ne manquent pas dans le secteur.
Connie Rosolli est la secrétaire de Vinnie. Elle se veut neutre, mais ne déteste pas qu’on se moque de son patron ou des relations de celui-ci. Lula travaille aussi pour Vincent Plum. « Lula était une ex-prostituée recyclée en employée de bureau. Elle s’était récemment lancée dans un programme de relookage complet […] Une métamorphose qui la faisait ressembler à une Shirley Temple black et pugnace de cent dix kilos » (“A la une, à la deux, à la mort”) La ronde Lula est une partenaire indispensable pour Stéphanie. Non pas qu’elle soit efficace. Mais être secondée par un bulldozer peut s’avérer utile selon les circonstances. Les suspects rétifs ou les malfrats malintentionnés résistent peu quand Lula montre son agacement. Avec Mamie Mazur, c’est l’autre personnage attachant de cette série.
Le cousin Vinnie utilise aussi les services de Joyce Barnhardt, que Stéphanie a des raisons de détester : « Quelques années plus tôt, j’avais surpris Joyce en train de se taper mon mari (depuis, mon ex-mari) sur la table de notre salle à manger. Et, quand ça me prend, j’aime bien lui rendre la monnaie de sa pièce » (“Septième ciel”). En effet, elle ridiculise souvent son ennemie.
Le seul authentique chasseur de primes, c’est Ranger. « Ranger est américano-cubain. Ses traits sont américains, ses yeux latino, sa peau est couleur crème au café, et son corps est ce qu’un corps peut être de mieux. Ses cheveux noirs étaient coiffés en catogan. Il portait un T-shirt noir qui lui collait à la peau autant qu’un tatouage, et un pantalon de treillis noir enfoncé dans ses rangers noires » (“Cinq à sexe”). Il vaut mieux ne pas demander à cet ancien mercenaire l’origine de ses voitures (noires), ni trop lui poser de questions en général. Il sait manier l’ironie. Sa déontologie est personnelle. Ce qu’il juge moralement répréhensible, il ne le fait pas. Mais son code moral peut s’écarter de la norme, jusqu’à être en contradiction avec la loi.
La seule présence de Ranger à ses côtés excite terriblement Stéphanie. Une attirance purement sexuelle, avoue-t-elle. Mais envisager une expérience de sexe avec le viril Ranger est aussi effrayant qu’excitant pour elle. Il joue avec elle, comme le chat avec la souris. Se laisser tenter fait peur à Stéphanie.
Complexité d’un choix impossible. Car, dans sa vie, il y a aussi Joe Morelli, le policier. « Il a deux ans et douze centimètres de plus que moi ; une fine cicatrice lui barre le sourcil droit ; il a un aigle tatoué sur les pectoraux » (“A la une, à la deux, à la mort”). C’est un bon policier, un pro. Comme le veulent ses origines, il se montre un brin macho (l’est-il réellement ?). On nous parle de sa grand-mère, redoutable jeteuse de sorts. Depuis leur enfance, Morelli s’intéresse à la petite culotte de Stéphanie, puis à ses formes parfaites. Leurs rapports sont loin d’être simples. Au fil du temps, ils sont devenus amants réguliers. Toutefois, pas facile de conserver leur intimité… quand mamie Mazur s’installe provisoirement chez Stéphanie, quand Ranger rôde dans son appartement, quand des types louches lui rendent des visites nocturnes malgré les serrures, ou quand elle doit héberger un suspect. Brave garçon, Morelli est patient. Y compris avec la nerveuse famille de Stéphanie.
L’univers de la chasseuse de primes serait incomplet si l’on ne citait pas Rex, son hamster, et le chien Bob. Boulimique, ce dernier est une charge pour Stéphanie. Mais il lui offre parfois de belles satisfactions.
D’abord désargentée, Stéphanie circule dans la Buick 1953 du défunt oncle Sandor, une antiquité. Elle n’a guère de chance avec les véhicules qu’elle achète ou qu’on lui prête. Pourries ou voyantes, ces voitures finissent mal. Celles fournies par Ranger ne durent pas plus longtemps.
Quant aux missions de la chasseuse de primes, on aura déjà compris qu’elles sont extrêmement mouvementées. De la belle comédie policière, savoureuse et hilarante. On a plaisir à retrouver ce petit monde dans les épisodes (numérotés) de cette série : « La prime », « Deux fois n’est pas coutume », « A la une, à la deux, à la mort », « Quatre ou double », « Cinq à sexe », « Six appeal », « Septième ciel », « Le grand huit », « Flambant neuf ». A part les deux premiers, ces romans sont publiés chez Payot-suspense, et tous réédités chez Pocket.
© Claude LE NOCHER