ANIMAUX & POLARS
DES SERPENTS...
André Lay, qui utilisa souvent des décors exotiques, évoqua plusieurs fois les serpents dans ses romans. Dans « Sang et eau » (Fleuve Noir 1966), le héros et son amie traversent les bayous de Louisiane sur un canot. Ils y croisent non seulement de dangereux caïmans et de menaçantes tortues, mais aussi un crotale – ou serpent à sonnettes. Un adroit coup de feu résoudra la question, au grand soulagement de la jeune femme… La même espèce de serpents est évoquée dans « Mon ami le crotale » (Fleuve Noir 1972). Cette histoire se passe dans le désert du Colorado où, après cinq ans de prison, un homme attend ses anciens complices. Le classique partage du butin finira mal, y compris pour un policier véreux. Le crotale joue ici un vrai rôle : il vengera le héros… Toujours d’André Lay, l’imposant commissaire vénézuélien Perello Vallespi est confronté, lui, à un anaconda dans « Vallespi chasse la sorcière » (Fleuve Noir 1070). Enfermé par une femme inquiétante dans une cage, le bouillant policier risque d’être attaqué par l’impressionnant serpent. L’illustration de Michel Gourdon pour « Cette mort qui nous guette » d’André Lay toujours (Fleuve Noir 1966) donne à penser qu’il y est encore question de serpent.
« Les quatre vipères » de Pierre Véry (rééd.Julliard 1971) fait allusion à « quatre vipères de cristal diffusant un parfum subtil, vite surnommé par la presse l’Odeur Funèbre » nous dit la présentation de ce roman. Extrait, page 32 : « Sur la table, un serpent ! Long de quinze centimètres environ, de la grosseur du pouce, il se tenait immobile, lové, sa tête tournée belliqueuse ment vers moi (…) C’était une vipère, avec un V marqué sur sa plate tête triangulaire et une expression de méchanceté inexprimable dans ses prunelles pâles. Mais c’était une vipère de cristal… »
« L’œil du serpent » de Georges-J.Arnaud (Fleuve Noir 1974) met en scène un couple de routards se sentant poursuivis jusqu’à Toulon par un quidam inquiétant, qu’ils surnomment « l’homme à l’œil de serpent ». Une fois arrivés, ils ont sans doute tort de se croire de se croire en sécurité – protégés par le « cercle magique » du jeune homme. L’affaire est sérieuse. Ici, pas de vrai serpent, mais un œil très particulier.
On appréciera également le bon jeu de mot de James Carter pour son titre : « Le serpent d’Hipporate » (Fleuve Noir 1975) qui se passe dans le milieu médical. On peut citer aussi « Le piège aux serpents » d’Adam Saint-Moore (Fleuve Noir 1959).
DES CHEVAUX...
Le cheval et son univers ont été trop peu exploités dans la littérature policière. Il est vrai que le dernier siècle a vu la raréfaction de cet animal. Le cheval ne fait plus partie de notre vie quotidienne depuis longtemps. Le policier historique l’a parfois réhabilité. Comme dans le roman « Dixie » d’Emmanuel Errer (Ed. Carrère, 1987) où l’on suit la longue chevauchée de Sudistes qui, en 1865, complotent pour enlever le président américain Abraham Lincoln – qui fut finalement assassiné. Une intrigue bien pensée et documentée.
Erle Stanley Gardner mérite d’être cité pour « La danseuse et le cheval » (Un Mystère 1951). Une artiste souhaite retrouver son cheval, ainsi décrit : « Un hongre alezan, mesurant un mètre soixante, avec une balzane blanche au membre postérieur droit. Il a une étoile blanche sur le front… » Mais c’est bien une affaire de meurtre – et un éventail taché de sang – qui compliqueront ce dossier traité par Perry Mason... Les courses de chevaux sont-elles la principale manière d’évoquer cet animal ? On pourrait le penser en lisant l’œuvre de l’anglais Dick Francis. Selon sa bio, il fut jockey, puis chroniqueur hippique. Il se spécialisa dans ce thème, raconta les dérives diverses de ce milieu. Parmi tous ses titres sur le sujet, on se souvient de « Panique au pesage » (Série Noire, 1964). Sam Krasmer, dans les aventures de Sam et Sally signées M.G.Braun, fut aussi un grand amateur de champs de courses. Il en est souvent question, en particulier dans « Des chevaux et des femmes » (Fleuve noir, 1971) où un jockey est menacé anonymement ; ou encore dans « Trois morts, un tiercé » (Fleuve Noir, 1967) où des gens pas tous honnêtes s’intéressent à un étalon reproducteur de grande valeur.
Les clubs équestres permettent aux amateurs d’assouvir leur passion du cheval. Un bon décor pour des récits criminels. En voici trois exemples :
Pour la collection L’Aventurier, Jacques Blois créa le personnage de Jacques-Octave d’Iseran, dit JOI. Avec son frère jumeau, il est éleveur et entraîneur de pur-sangs. Dans « Retour à l’envoyeur » (Fleuve Noir, 1967), il est sur la Côte d’Azur où ses chevaux sont engagés dans des courses. Il s’étonne que le mari italien d’une amie ait fait fortune en créant des relais équestres luxueux. Il enquête incognito, trouve bizarre la liste des chevaux proposés aux clients pour la promenade, découvre qu’il s’agit de prostitution, ce qui lui vaudra quelques coups sur la tête. A signaler, un autre roman du même auteur intitulé « A cloche-cheval » (Fleuve Noir, L’Aventurier, 1972). Pierre Nemours situa l’intrigue de « Du sang au double-oxer » (Fleuve Noir, 1978) dans un petit club équestre. Un vieux garçon d’écurie, ivrogne et malsain, ancien jockey, est tué par la ruade d’une jument nerveuse. L’enquête d’un capitaine de gendarmerie, lui-même cavalier émérite, le mène dans plusieurs clubs de la région où la victime fut employée. Un accident sans témoin, des chantages minables mais très rentables, des rivalités entre centres hippiques : une histoire très convaincante et fort bien racontée. Dans « Le mauvais bain »(Fleuve Noir, 1970) de Roger Faller, le héros épouse pour des raisons insolites une jeune femme dont le père – un alcoolique brutal – dirige un club équestre. Il s’entend mal avec son beau-père, mais va créer un bar boite de nuit pour les habitués du club. Certains y viennent avec des petites amies parfois un peu jeunes. Il faut calmer les perturbateurs, surtout celui qui joue au maître-chanteur. Deux morts – un accident, un suicide – la même nuit, cela ne peut qu’amener des ennuis à notre héros. Un très bon roman.
Citons pour terminer « Sur un p’tit cheval gris » (Supernoire, 1979) de Frank Parrish. Ici, le jeune et original héros est l’employé de deux anglaises octogénaires dirigeant une école d’équitation pour enfants de familles aisées. Le nouveau voisin, un bookmaker, tente d’obliger les vieilles dames à lui vendre leurs terrains. Elles résistent avec l’aide du jeune homme. Dans cette affaire, il est aussi beaucoup question d’abeilles (le titre anglais étant : « Sting of the honey bee »).
ET D'AUTRES DRÔLES D'ANIMAUX...
« DES COLLETS POUR LES SOURIS » de François Baincy (1972, Fleuve Noir). Un remède efficace contre les rongeurs ? Non, des jolies infirmières sont étranglées en série. L’assassin déteste-t-il les femmes volages, ou veut-il supprimer sa compagne parmi les autres ? Rien de tel. Un double dénouement pour une enquête classique et bien construite.
« LA DAME AUX CORBEAUX » de Georges Tiffany (1970, Fleuve Noir S.P.785). Y évoque-t-on ces oiseaux maléfiques ? Oui, une femme mûrissante a deux plaisirs dans la vie : séduire de jeunes étudiants étrangers, et nourrir les corbeaux près de chez elle. Les jeunes disparus sont retrouvés en morceaux. La police enquête. Cette dame finira mal. Original, sanguinolent, et souriant. Un très bon roman.
« ATTENTION AU BARRACUDA » de Michel Lebrun (1963, Un Mystère 666). Un gros poisson exotique et dangereux ? Non, un requin des affaires se croit irrésistible auprès des femmes. Quand l’une d’elles se venge, il a de quoi s’inquiéter. Impossible de redevenir honnête en quelques semaines. Un roman bien ficelé de l’inoubliable Lebrun.
« LES CHIENS SONT LACHES » d’Adam Saint-Moore (1980, Fleuve Noir S.P.1549). Qu’en pensent les mordus du polar : toutous or not toutous ? Oui, des féroces dobermans assurent la sécurité nocturne d’un jeune héritier menacé, pendant que le flic privé saute sa sœur. Ce qui n’empêchera pas qu’il soit enlevé, et le maître des chiens assassiné. Au début, le discours facho du policier déçu peut déplaire, à juste titre. Sur la fin, il ne fait plus autant le malin. Un roman pro, solide, bien fait.
« ATTENTION AU CHEVAL BLEU » de Ben Benson (1953, Un Mystère 123). Un mustang du Far West, version punk ? Non, une statuette de l’époque T’ang (influence de Van Gulik ?) qu’un jeune brocanteur fauché propose à un milliardaire. Quatre morts, dont un flic. Un policier pur et dur, un brin désabusé, mène son enquête et s’oppose à un jeune collègue arriviste. Une intrigue de très bonne qualité.
« CHIENS ECORCHES » de G.J.Arnaud (1974, Fleuve Noir S.P.1143). Le meilleur ami de l’homme est-il en danger ? En effet : un voleur de chien alimente un trafic destiné aux laboratoires. Mais son jeune associé est moins cruel. Et un vieillard gênant va s’égarer dans la nature. Pour le trafiquant, tout est bon pour gagner de l’argent. Des faits divers réels servent de base à cette excellente intrigue. Du même auteur : « Un coup de chien » (1963, Fleuve Noir) Une enquête sur des chiens empoisonnés dans un quartier. Un flic besogneux s’en occupe, malgré les moqueries de ses collègues. Une affaire de rivalité professionnelle risquant de finir par un meurtre.
« NE TUEZ PAS LES PEKINOIS » de Roger Vilard (1983, Fleuve Noir S.P.1827). Elimine-t-on ici des Chinois ou de gentils petits chiens ? Oui : des vilains méchants motards paumés violent une femme, et tuent quatre chiens. La vengeance de leur maîtresse sera sans pitié, via un ancien flic. Que les chiens portent les noms des quatre mousquetaires reste le principal intérêt de ce livre même pas drôle.
« UN CHAT POUR CLIENT » d’Erle Stanley Gardner (1964, Un Mystère 717). Un matou s’adresse-t-il à l’avocat Perry Mason pour le défendre ? C’est à peu près çà : les héritiers d’un riche défunt menacent d’empoisonner le chat d’un vieil employé fidèle qui sera d’ailleurs assassiné. Pourquoi le patron a-t-il retiré un million de dollars de la banque avant sa mort ? Compliqué à souhait, comme tous les Perry Mason. Passionnant aussi. L’auteur évoqua souvent les animaux dans ses titres : « Le canari boiteux », « Le perroquet faux-témoin », « Le canard qui se noie », « Gare au gorille », « Les singes subtils », « L’hirondelle éplorée ».
« LE CHAT, LE BOULEAU ET LE PETIT MARTIN » de Pierre-Martin Perreaut (1980, Fleuve noir S.P.1580). Un fable avec un brave minet ? Oui : un conflit de voisinage, le chat d’une vieille dame est introuvable. Quand c’est le fils d’un jeune couple qui disparaît, l’affaire devient sérieuse. Kidnapping, fugue ou meurtre ? Un roman moyen de cet auteur parfois original)
« LA BICHE » de Geneviève Manceron (1956, Ditis-La Chouette n°36). Une bucolique histoire de cervidés ? Non : un braquage qui tourne mal près de paris, un flic abattu à La Bourboule, un autre menant l’enquête pour découvrir la criminelle se cachant sous le nom de «La Biche». Un roman sans prétention, qui se lit pourtant avec plaisir. L’auteur utilisait des noms d’animaux dans tous ses titres : « Les brebis tondues », « Anguilles sous roche », « La puce à l’oreille », « Pauvres petites crevettes ». En réalité, ce dernier titre évoque un tableau.
« LA CITE DES DOGUES » de Jean Failler (1998, Edition du Palémon 8). Des molosses peu sympathiques ? Simple jeu de mots ? En effet, l’aventureuse lieutenant de police Mary Lester va bien croiser ces chiens méchants lors d’une enquête à Saint-Malo. L’un d’eux va même l’attaquer, mais la petite a des réflexes.
« LES CAFARDS » de Brice Pelman (1971, Fleuve Noir S.P.911). Des idées noires ou des insectes inquiétants ? Oui, la malheureuse héroïne, après bien des avatars, sera enfermée dans une cave peuplée de cafards. Dans ces conditions, comment ne pas sombrer dans la folie ? Un excellent roman.
« LE MAMMOUTH A LA PEAU DURE » de Pierre Salva (1974, Eurédif Atmosphère n°69). Un roman préhistorique avec des monstres antédiluviens ? Non, le héros de cette série de petits romans est ainsi décrit par l’auteur : « Sous son air bovin, personne n’aurait cru qu’il était un remarquable inspecteur d’assurances, l’un des plus habiles de sa profession ». Un cousin du Gorille d’Antoine Dominique ?
« LA PUCE A L’OREILLE » de Michel Cousin (1963, Un Mystère/1973, Presses Pocket). Le héros se sent si bien dans cette propriété, auprès de la femme qu’il aime. L’arrivée de la famille et d’amis va gâcher son plaisir. Une mort supposée accidentelle, un meurtre. Le narrateur n’est pourtant pas un criminel. Quel rapport avec notre sujet ? Il suffit de lire jusqu’au bout cet astucieux roman, pas si classique.
« MAIS A QUI APPARTIENT VICTOR ? » de Mario Ropp (1980, Fleuve Noir). Oui, Victor est un chien, que personne ne reconnaît. Que faisait-il en compagnie de cette jolie jeune femme qui a noyé une voiture avant d’être accusée du meurtre de son mari ? De retour dans son quartier, où s’est-il enfui ? Une comédie policière traitée avec habileté. L’auteur titra souvent sur les animaux : « La panthère et le petit chien », « La route aux loups », « La mort en peau de phoques », « Le hérisson », « La nuit de l’araignée », etc...
© Claude Le Nocher