Solenn Colléter
(extrait de son interview)
Claude Le Nocher : Ton premier roman littéraire « Je suis morte et je n’ai rien appris » est sorti en août 2007. Il traite de la délicate question du bizutage ?
Solenn Colléter : Programmé pour la rentrée littéraire 2007, le livre se déroule effectivement dans le cadre du bizutage au sein des grandes écoles françaises. J’ai voulu rebondir sur un fait d’actualité : la mutation autoritaire en septembre 2006 d’un agrégé de mathématiques, sanctionné pour avoir dénoncé le bizutage qui sévirait toujours entre les murs de son lycée. Il se trouve que cet établissement, le meilleur lycée privé de l’Hexagone, est justement celui où j’ai effectué mes « Classes Prépa » ; j’y ai moi-même à l’époque subi un rite initiatique que je continue à juger stupéfiant.
J’ai voulu, avec le recul, ma colère désormais largement apaisée, partager cette expérience. Combattre les clichés, les idées reçues sur le bizutage. Explorer les dynamiques de groupe, l’instinct grégaire, les petits courages, les grandes lâchetés. Démonter les mécanismes de manipulation mentale mis en jeu, infiniment plus subtils et pervers que ce que l’on imagine. Montrer comment un grand gaillard de dix-huit ans, en pleine forme, intelligent, cultivé, peut passer une semaine à pleurer, vomir, s’évanouir, puis, un beau jour, se réveiller avec comme seul souvenir de cette épreuve celui d’une aimable partie de rigolade, tradition nécessaire à perpétuer à tout prix pour le bien des nouveaux élèves.
Claude Le Nocher : Ton livre n’aborde-t-il pas aussi la problématique de l’éducation des élites ?
Solenn Colléter : Le système éducatif formate au lieu d’ouvrir l’esprit et il est consternant de voir que les plus grandes écoles, parfois, s’y emploient par la force. Il est terrifiant, surtout, de constater que la France est dirigée par des individus (hommes et femmes politiques, PDGs du CAC40) qu’il a été si facile de transformer, à un moment de leur vie, en sous-hommes puis en tortionnaires.
Claude Le Nocher : En parallèle avec cette analyse engagée du bizutage, « Je suis morte et je n’ai rien appris » déroule aussi une intrigue à suspense. Pourquoi l’avoir voulu ainsi ?
Solenn Colléter : Je crois beaucoup à la fiction, pour amener à s’intéresser à un sujet un lecteur qui n’aurait pas naturellement tendance à le faire. Une intrigue ludique (mais elle aussi porteuse d’un message si tu regardes bien) me semblait primordiale pour aller au devant du lecteur, le prendre par la main, le faire basculer avec moi dans l’enfer du bizutage. Je fais le pari qu’une fois mis en situation, quand il se sentira lui aussi mordu par la faim, le froid, la douleur, le manque de sommeil, la haine de soi, le lecteur initialement indifférent sera lui aussi fasciné par cet incroyable lavage de cerveau.
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